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L’étonnante reprise boursière d’Intershop

La société de services en ingénierie informatique allemande, spécialisée dans l’e-commerce et les places de marchés, change de stratégie après avoir touché le fond.

Le réveil d’Intershop est brutal à la Bourse de Francfort : une hausse de 42 % lors de la séance du mercredi 2 mai, soit + 85 % par rapport à son plus bas de l’année. Le titre avait été divisé par trente au cours des douze derniers mois. En fait, le plus mauvais élève du Neuer Markt impulse son retour en grâce. Symbole de la nouvelle vague de l’économie de l’ex-Allemagne de l’Est ?” la société a été créée en 1992 à Iena, trois ans après la chute du mur de Berlin ?” le spécialiste des logiciels de commerce électronique est en effet l’une des valeurs emblématiques du marché allemand des valeurs de croissance, dont elle reste l’une des plus grosses capitalisations. La cause de cette soudaine éclaircie ? Les résultats trimestriels, publiés le 2 mai. Mais aussi le changement de cap annoncé dans la stratégie du groupe. D’ailleurs, les chiffres des trois premiers mois ont surtout été appréciés pour ce qu’ils laissent à espérer. Car, stricto sensu, les comptes restent mauvais. Le groupe a subi une perte nette de 34,6 millions d’euros (227 millions de francs) au premier trimestre, supérieure aux attentes des analystes. L’activité a chuté de près de 20 %, à 20,3 millions d’euros contre 25 mil-lions sur la même période l’an dernier. Sur l’ensemble de l’exercice, le groupe n’a pas exclu que son chiffre d’affaires annuel soit seulement équivalent au précédent, voire inférieur. Soit tout de même entre 160 et 180 millions d’euros. Et le redressement de l’exploitation n’empêchera pas Inter-shop d’essuyer une troisième année de pertes. ” Les pertes financières s’expliquent beaucoup plus par la phase que nous avons traversée, que par une détérioration de nos performances, explique Jean-Pierre Brûlard, directeur général Europe du Sud (dont la France). Nous sommes passés d’un modèle de vente indirecte, relativement bon marché, à un modèle de vente directe, beaucoup plus lourd. Ensuite, la disparition de la clientèle des dot-com a pesé sur le chiffre d’affaires, et directement sur le résultat d’exploitation. Enfin, nous n’avons pas coupé nos investissements, et cela participe aussi de ce résultat, même si c’est bon pour l’avenir. “

Une rupture de tendance

Un discours qui, aujourd’hui, ne convainc que relativement la communauté financière. ” Avec le début du rebond des marchés, les investisseurs recommencent à s’intéresser aux valeurs en retournement, commente un spécialiste des services informatiques. Mais le redressement doit être rapide et visible. ” Côté ajustement des coûts, la rapidité confine même à la brutalité : après être passé en six mois de 500 à 1 300 salariés, le groupe est revenu à un millier de personnes. ” Remettre l’entreprise d’équerre ne consiste pas qu’à agir sur les coûts. Nous sommes en train de mettre en place à toute vitesse une stratégie répondant au défi qui nous est posé. ” Selon Jean-Pierre Brûlard, le retournement d’activité a été tellement brutal que les difficultés que l’entreprise traverse sont tout à fait com- préhensibles. ” Franchement, cela fait plus de 15 ans que je suis dans l’industrie informatique, et je n’avais jamais connu une rupture de tendance aussi rapide et forte à la fois. Notre nouvelle stratégie repose sur une nouvelle offre et sur la conclusion de partenariats permettant une approche verticale des besoins des grands comptes “, poursuit-il. Les partenaires ? Des grands du conseil, comme KPMG (dans le secteur automobile notamment) ou Accenture (associé à Intershop dans un contrat pour Telefonica), ou des géants de l’informatique, tel Hewlett-Packard. Fort de cette démarche, Intershop espère se positionner sur le marché des entreprises de taille européenne. Deutsche Telekom, ABB, Bertelsmann, Telefonica, France Telecom, sont déjà les principaux clients de la société allemande. ” Nous nous con-centrons sur des secteurs prioritaires, que sont l’industrie high-tech, les télécoms la distribution, l’automobile. Cela dit, nous avons récemment gagné le budget de l’un des tout premiers groupes chimistes mondiaux. Il a été convaincu par notre approche globale. Le créneau des grands comptes est néanmoins le plus concurrentiel. ” Un véritable champ de bataille, autour duquel s’étripent des SSII de taille diverse, dans un secteur qui est lui-même en pleine restructuration.

Rumeurs de spéculation autour du titre

Intershop fait d’ailleurs, depuis ses difficultés financières, l’objet de rumeurs permanentes de rapprochement. ” Nous ne sommes pas étouffés par des problèmes de trésorerie. La question de l’augmentation de capital, qui serait sans doute problématique, ne se pose pas. Et la survie de la société encore moins. ” Un rapprochement capitalistique est toujours possible, selon la direction. ” Mais rien ne nous oblige aujour-d’hui à contracter des accords dans l’urgence. À ce propos, les concurrents qui se targuent d’un chiffre d’affaires trois ou quatre fois supérieur au nôtre, mais avec une structure de coûts également trois à quatre fois plus lourde, ne sont absolument pas mieux placés qu’Intershop pour rester indépendants “, conclut le directeur général Europe du sud, Jean-Pierre Brûlard. Sans doute, même si cet aspect spéculatif constitue aussi un élément de soutien du titre.

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Jean-Michel Cedro