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Les valeurs TV européennes confrontées à l’effet Kirch

Après la faillite du magnat allemand, l’audiovisuel européen se prépare à la recomposition… dès que la pub repartira.

Treize milliards d’euros de dettes et d’engagements : le dépôt de bilan de la galaxie Leo Kirch, le plus lourd dans les médias depuis l’empire Maxwell, pèse sur l’ensemble de l’audiovisuel européen. Jusqu’ici, les marchés ont relativement épargné ces valeurs : l’indice DJ Stoxx Médias perd 14 % depuis le début de l’année, sensiblement moins que la moyenne des TMT. Les supports publicitaires s’accrochent à l’espoir d’une reprise économique, dont ils seraient les premiers bénéficiaires. Mais la décomposition du holding Kirch, qui peut s’étendre aux organes encore sains du groupe, menace le secteur d’une réaction en chaîne, du fait des ramifications économiques et financières tissées par le magnat bavarois sur le continent.Premier cercle de cette possible contagion, l’Allemagne, bien sûr, et le secteur des droits audiovisuels, dont la “bulle” éclate. Ex-star du Neuer Markt, EM.TV risque à son tour de tomber, pour s’être intéressée de trop près aux droits de la Formule 1. Détenue à 17 % par Kirch, la société pourrait être amenée à passer une provision de 200 millions d’euros pour dépréciation de ses actifs. Contrôlé à 52,52 % par Kirch Media, le groupe de chaînes gratuites Prosiebensat.1 assure ne pas être “directement concerné” par la procédure de liquidation. Mais sa maison mère était son principal fournisseur de programmes, et, voici deux mois encore, elle envisageait d’absorber sa filiale. Les difficultés sont d’autant plus vives que la débâcle de Kirch, due principalement au défaut de paiement des droits, arrive en plein marasme publicitaire. Prosiebensat.1 a vu son chiffre d’affaires reculer de 5 % au premier trimestre, et son bénéfice a fondu de 72 %.

Effet spéculatif

Les repreneurs sont à l’affût, à commencer par Mediaset, la branche TV du groupe de Silvio Berlusconi, déjà actionnaire à 2,28 % de Kirch Media. L’ex-Emittenza, devenu président du Conseil, détient encore un petit 2,5 % de Kirch, via son holding Fininvest. Bien ancré au c?”ur du paysage italien de la télévision gratuite, Mediaset est l’une des rares valeurs médias dans le vert, à Milan, depuis le début de l’année. Malgré son goût pour le Calcio, le championnat de football italien, Berlusconi a fui la pay-TV, qui, partout en Europe, a surpayé les droits de transmission des matchs. C’est bien sur ce terrain que, en Grande-Bretagne et en Espagne, les autres grandes nations du football européen, les groupes de télévision payante ITV Digital et Quiero TV ont perdu la partie. “Avec un peu d’humour, je dirais que l’échec de Kirch, qui était pour beaucoup dans la surenchère sur les programmes, peut faire du bien. L’évolution de l’audiovisuel européen, ces dernières années, vers un élargissement des modes de diffusion et des acteurs en présence, conduit paradoxalement à donner une prime encore plus forte aux dominants, refuges des grands annonceurs. Nous ne retenons, dans ce panorama, que TF1”, avance Catherine Georges, gestionnaire de portefeuille à la société de Bourse Richelieu Finance. Ironie de la réglementation française, frein notoire à l’industrialisation des sports professionnels, qui a en fait protégé ses groupes privés. TF1 et M6, concurrentes en Bourse comme dans les foyers, ont respectivement gagné 13 % et perdu 14 % à Paris depuis le 1er janvier. La montée à 50 % de la Une dans le capital de TPS a, du reste, été bien accueillie par les investisseurs, qui y voient un début de restructuration du secteur. Et sans doute le meilleur soutien des valeurs télés sur leurs marchés respectifs.À Francfort, l’action Prosiebensat.1 a triplé par rapport à ses plus bas du début de février. Autres valeurs au potentiel spéculatif, les télés gratuites Carlton et Granada, en Grande-Bretagne, qui négocient un rapprochement, et l’Espagnole Telecinco (dont Kirch détient 25 %), en quête d’un partenaire. “Une recomposition est nécessaire, en France comme en Europe. L’échec désormais patent de la synergie entre contenant et contenu, modèle AOL Time Warner, va peut-être laisser place à un retour des concentrations horizontales”, estime Eric Burkel, le stratège dETC.

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Jean-Michel Cedro