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Les tempêtes foudroient le réseau de France Télécom

Du jamais vu. Les intempéries de la fin de l’année ont mis à mal le réseau terminal de France Télécom. Sa partie aérienne a particulièrement été touchée.

France Télécom s’était minutieusement préparé au bogue, mais pas aux ouragans… L’Hexagone a connu, juste avant le passage à l’an 2000, deux tempêtes d’une violence exceptionnelle. Les tempêtes de fin d’année ont endommagé plus de 400000 lignes téléphoniques. Plus de 1 milliard de francs seront nécessaires à France Télécom pour reconstruire son réseau ‘capillaire’.
La première s’est déchaînée sur le nord de la Bretagne, la Basse-Normandie, Paris et la Seine-et-Marne, avant de finir sa course chez nos voisins européens, cela non sans avoir fait auparavant un détour par les Vosges. La seconde s’est engouffrée sur la façade atlantique, de l’embouchure de la Loire aux Landes, et a touché le Poitou-Charentes, l’Aquitaine et le Limousin.

Les commutateurs locaux paralysés par absence d’alimentation

En pleine trêve des confiseurs, les agents des services techniques de France Télécom ont dû faire face à une situation de crise exceptionnelle dans l’histoire des télécommunications. Exceptionnelle, en raison de la violence du souffle ravageur, mais aussi de la répétition de ces phénomènes naturels. Ces tempêtes arrivaient, en effet, après les inondations et les glissements de terrain dans les départements de l’Aude et des Pyrénées-Orientales, ainsi que le cyclone tropical en Guadeloupe, qui avaient déjà mis à mal les infrastructures de l’opérateur.
Les centraux de classe 4, qui, en bout de ligne, assurent l’interface entre l’abonné et le réseau, ont été relativement épargnés par les vents. C’est en raison des défauts dans l’alimentation électrique que ces équipements ne fonctionnaient pas les jours suivant la tempête. Ainsi, dans le Nord, l’Ouest et l’Ile-de-France, huit cents de ces commutateurs locaux étaient privés de courant (six cents ont pu être maintenus en service grâce à leur système de batterie et aux groupes électrogènes acheminés sur place). Dans le Sud-Ouest et le Centre ?” régions durement touchées par les intempéries ?”, mille trois cents commutateurs étaient privés d’électricité. Les services techniques ont dû répartir les groupes électrogènes dans les centraux de classe 4 qui en étaient dépourvus. ” Lors de la première vague de tempête, nous avons envoyé nos équipements énergie vers le nord du pays, puis il a fallu les rapatrier vers le sud “, explique-t-on au service national d’approvisionnement du matériel de Lanester. Dans la Gironde, seul un central de classe 4 a été réellement mis hors d’usage, par les inondations. Un central mobile équivalent a pu être affrété depuis Lanester. ” Nous l’avons installé dans un container de 20 pieds. “

Un million de lignes en souffrance

Dans ce département, le problème de l’alimentation des centraux téléphoniques de classe 4 ne s’est pas posé immédiatement en raison de l’autonomie des batteries évaluée entre vingt-quatre et trente-six heures. Passé ce délai, les commutateurs dépourvus d’alimentation électrique sont évidemment tombés en panne. ” Les c?”urs de chaîne n’ont pas été affectés, car ils sont alimentés en groupes électrogènes. Ce sont les équipements de classe 4 éparpillés dans la campagne qui ont subi des pannes une fois les batteries épuisées “, analyse Michel Somavilla, responsable de la cellule de crise de France Télécom, à Bordeaux. Sur les soixante-huit groupes électrogènes nécessaires dans ce dé-partement, vingt et un ont été fournis par l’armée, cinq par EDF et trois par des mairies soucieuses de voir le téléphone fonctionner de nouveau.
A l’échelle nationale, France Télécom évaluait à près de un million le nombre de clients privés de téléphone au lendemain de la tempête (en comptant les 200 000 abonnés dont les lignes avaient été interrompues par des chutes d’arbres ou de poteaux). La première difficulté pour l’opérateur a été justement d’identifier ces abonnés : ” On ne sait qu’une ligne est en dérangement que si le client nous contacte “, commente Michel Somavilla.

“Retricoter” les mailles les plus espacées

Plus de quinze jours après les intempéries, 33 000 abonnés n’étaient toujours pas raccordés au réseau, avec de grosses poches d’inégalités concentrées sur quelques régions du territoire français : 10 200 en Aquitaine, 5 000 en Basse-Normandie et 2 200 en Ile-de-France.
Le processus de rétablissement des lignes s’est ralenti au fur et à mesure de l’avancement des travaux, puisqu’il s’agit de ” retricoter ” les mailles les plus espacées (les lignes déployées en environnement rural), les plus longues du réseau. Ces dernières sont portées par des câbles de petite capacité sur lesquels les interventions peuvent être nombreuses et délicates. Chaque ligne doit être rétablie individuellement tout au long de son cheminement, du commutateur local jusqu’au domicile de l’abonné.
Du côté des grandes entreprises, peu de perturbations ont été à déplorer, en raison de la structure du réseau ?” souvent enterré ?” en milieu urbain, mais aussi parfois grâce à la présence de boucles sécurisées. De plus, les centraux de classe 3 installés en ville sont presque systématiquement alimentés en électricité par un générateur dédié au commutateur. France Télécom estime les dégâts occasionnés par ces intempéries à plus de 1 milliard de francs. Quelque 200 millions de francs auront été nécessaires pour rétablir la continuité du service et 800 millions de francs le seront pour reconstruire en totalité le réseau dans les mois à venir. ” A la différence d’EDF, les grosses artères de notre réseau de transport sont enterrées. Aussi, nous n’avons que des dégâts très minimes. En revanche, la ” chevelure ” qui va des centraux aux clients a énormément souffert “, insistent les responsables techniques de l’opérateur public. Le backbone n’a subi aucun dommage mais c’est bien la desserte à l’usager ?” la fameuse boucle locale, sujet de tant de convoitise ?” qui est la plus endommagée.
Après la remise en service des lignes, de nouvelles coupures ont été déplorées. ” Les poteaux ont subi des “effets de coup de fouet” et peuvent se casser au moindre coup de vent. De plus, quand le câble a été touché, il suffit d’une chute de pluie ou de brouillard pour qu’il se révèle défectueux. De toute façon, à long terme, il faudra changer ces poteaux “, explique-t-on à France Télécom, où l’on a prévu de lisser le plan de charge de travail sur plusieurs mois voire plusieurs années.

Les petits gestes de France Télécom à l’égard des sinistrés

Dans un contexte des plus concurrentiels, France Télécom ne pouvait se priver de faire quelques ?” petits ?” gestes commerciaux à l’égard de ses clients sinistrés. Lors d’une visite aux équipes de secours en Dordogne, Michel Bon, le président, a annoncé que les abonnés dont la ligne avait été coupée mais rétablie le 3 janvier se verront offrir deux week-ends de communications locales et nationales, les 4 et 5, et les 11 et 12 mars prochains. Les 360 000 clients dont la ligne était encore coupée le 3 janvier utiliseront gratuitement leur téléphone du 4 au 12 mars, et jouiront d’un mois d’abonnement gratuit. ” Les clients professionnels bénéficieront de mesures commerciales adaptées à leur situation “, a déclaré, sans plus de précision, Michel Bon. Enfin, le 10 janvier, France Télécom Mobiles a proposé aux abonnés qui avaient été privés de téléphonie fixe sa promotion Ola de Noël (quatre premiers mois de forfait deux heures offerts).
La proposition a été adaptée car les heureux bénéficiaires auront la possibilité de résilier leur abonnement lorsqu’ils le souhaiteront sans qu’aucun frais ne leur soit facturé. Mais peut-être seront-ils séduits au point de le conserver… ;

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Alain Thomas