Passer au contenu

Les technos se refinancent, mais…

AT & T, Sonera, Havas, Nortel, Ericsson ont augmenté leur capital ou procédé à des émissions obligataires. L’occasion pour les intermédiaires financiers de ramasser du papier à bon compte.

Près d’1,5 milliard de dollars (1,6 milliard d’euros) pour Nortel, 3,1 pour Ericsson, 2,6 chez AT & T… Depuis début juin, aux États-Unis, les valeurs télécoms, aussi “massacrées” soient-elles, continuent à lever des fonds. En Europe et à Paris, ce n’est pas non plus une exception, TMM, Havas, Deutsche Börse ayant récolté chacun plusieurs centaines de millions d’euros, tandis que d’autres grosses opérations sont en chemin.Ce phénomène touche quelques valeurs moyennes et une poignée de “small caps “. En dépit de l’échec d’A Novo, CS Communications & Systèmes (20 millions d’euros), Completel et Ubisoft ont récemment engagé des démarches de levées de fonds couronnées de succès. Les sommes en jeu, la variété des attributaires et des méthodes (recapitalisation pour AT & T, obligations convertibles chez Havas, panachage des deux chez Nortel) et le prestige des établissements financiers impliqués incitent à s’interroger : l’intérêt des investisseurs pour les valeurs technologiques va-t-il être relancé après des mois de déprime ? L’emploi des fonds, lui, est assez homogène, même si, au passage, AT & T finance sa fusion avec Comcast, et Deutsche Börse l’acquisition de la chambre de compensation électronique Clearstream, l’essentiel de cet argent sera consacré au désendettement.Au fil de l’érosion boursière, et des suites de l’“enronite “, l’assainissement des bilans est devenu pour les ex-valeurs de croissance, petites ou grandes, une absolue nécessité. L’intérêt des financiers, dans ces opérations, tient plus du sauvetage que de l’investissement. Soupçon confirmé lorsqu’on analyse certaines. L’équipementier canadien Nortel a ainsi levé 1,49 milliard de dollars, 690 millions de plus que prévu, en plaçant des actions ordinaires et des titres automatiquement convertibles en actions sur trois ans. Le groupe, qui cherche en vain un partenaire industriel ou bancaire depuis des mois, avait un besoin urgent de ces liquidités, qui ont eu un effet dilutif immédiat sur son action, laquelle a terminé au plus bas de l’année à peine l’opération faite. “Dans les télécoms, les banques sont tellement collées qu’elles préfèrent participer à une augmentation de capital plutôt qu’assister à un loupé qui signerait une faillite. Et puis, plus les cours baissent, plus les rentrées d’argent par augmentation de capital sont juteuses pour les intermédiaires”, note André Chassagnol, de Paresco Equities. De là à soupçonner une spéculation de quelques gros fonds, il n’y a pas loin.“Dans ces opérations de quasi sauvetage, les commissions de placements sont de 5 à 6 %, contre 2 à 3 % habituellement. La COB essaie de lutter, mais avant que la fameuse muraille de Chine entre analyse et conseil soit érigée…”, confirme un intermédiaire.L’opération de Thomson Multimédia (TMM), elle, ne semble pas avoir essuyé une telle humiliation. Mais quelques semaines après l’émission réussie d’Oceane (obligations à option de conversion en actions nouvelles ou existantes), qui lui ont permis de réunir 522 millions d’euros, sur un prix de référence d’environ 30 euros, l’un de ses principaux actionnaires, NEC, cédait 10,9 millions de titres à 25,9 euros via UBS Warburg.

Des valeurs délaissées

“Tous les actionnaires qui ont joué le jeu sont collés. ça fait désordre”, commente Marie-Geneviève Lemaire, directrice de la recherche d’IC Gestion, qui prévoit des échecs dans les tentatives de refinancement des TMT. Principales visées par ces inquiétudes, les valeurs petites et moyennes. Les small caps, largement délaissées par les courtiers et analystes, risquent de faire les frais de la féroce sélection des intermédiaires et des investisseurs. “Ces opérations vont s’adresser aux actionnaires en place, institutions et industriels. Ce sera, poursuit Marie-Geneviève Lemaire, un tri entre ce qui est à sauver et ce qui est à jeter. On peut parler de quitte ou double, pour de nombreuses sociétés. On se retrouve presque dans du capital-risque.”Jeux vidéo, dot-com, agences web, figurent parmi les principaux domaines concernés de cette sélection naturelle. Le Nouveau Marché devrait en sortir diminué ?” d’aucuns diront purgé ?” d’une partie de sa cote. “Sur le NM ? C’est Darwin. De 150 [en fait plus de 160, ndlr] sociétés inscrites, je n’en vois qu’une centaine survivre dans 12 mois”, prévoit Emlyn Korengold, directeur de clientèle chez Polytems, une des principales sociétés de conseil de la place de Paris dans les introductions et les opérations financières.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Jean-Michel Cedro