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Les projets des parlementaires pour la copie privée

Décryptage en question/réponse du projet de loi issu de la directive européenne Droits d’auteur et droits voisins.

Pas très claire, décevante, cas type de ce qu’il ne faut pas faire, pour les uns. Nécessaire, équilibrée, garante des droits des artistes comme des utilisateurs, pour les autres… La transposition dans le droit français de la
directive communautaire Droits d’auteur et droits voisins, qui doit harmoniser le droit d’auteur en Europe, peine à faire l’unanimité. Alors que deux séries de ses dispositions concernent tout particulièrement les consommateurs : celles
définissant les exceptions au droit d’auteur et celles légitimant les mesures anticopies placées sur les CD et DVD.Le texte est passé en commission des lois de l’Assemblée nationale. Il lui reste donc à être voté par les députés ?” avec ses amendements ?” puis par le Sénat. Suite au dernier changement de gouvernement, le débat a
quitté l’ordre du jour du Parlement. Voici en tout cas les questions que pose ce projet de loi dans la version qui sera présentée aux députés.Peut-on toujours copier un CD ?Le texte de la transposition ne fait qu’ajouter des exceptions au droit d’auteur. Il ne remet donc pas en cause le principe de la copie privée datant de 1985 qui autorise la copie, dans le cercle de famille, d’un disque ou d’un
vidéogramme (cassette vidéo à l’époque et maintenant DVD) dès lors qu’il a été acheté légalement.Mais, alors, le texte ne résout pas les débats existant autour de ce principe : quelle est la définition du ‘ cercle de famille ‘ ? Combien peut-on effectuer de copies ? Le téléchargement en
peer-to-peer est-il un acte de copie privée ? L’expression même de ‘ copie privée ‘ ne figure pas dans le projet de loi.Un CD ou un DVD verrouillé par un dispositif anticopie est-il légal ?C’est la principale nouveauté de ce texte : les systèmes anticopies sont définis et autorisés (à l’article 7), alors que cette notion ne figure pas dans le Code français de la propriété intellectuelle. Même chose pour les
dispositifs limitant le nombre de copies. Ce qui entre directement en conflit avec la notion de copie privée ou avec la décision de justice récente condamnant, en vertu du respect de la copie privée, Les films Alain Sarde et Studio Canal pour avoir
verrouillé le DVD de Mulholland Drive.Le rapporteur de loi Christian Vanneste (UMP) a proposé un amendement obligeant les maisons de disques à signaler clairement l’existence de ce genre de systèmes sur leurs produits. Cet amendement a été accepté par la commission des
lois. Le PS avait eu la même idée.Pour le consommateur, deux autres amendements, toujours du rapporteur, sont à retenir. Tout d’abord, le fait que la rémunération pour copie privée pourra évoluer dans le temps en fonction de l’impact qu’auront les mesures anticopies
sur, justement, la possibilité de copier. Ce qui peut se traduire par une baisse des sommes perçues par les ayants droit sur les DVD et DVD vierges. Et, donc, du prix de ces derniers.Ensuite, la garantie que l’on pourra toujours faire au moins une copie d’un CD ou d’un DVD. Ceci concerne en fait surtout les DVD, aujourd’hui totalement incopiables (à moins de ‘ craquer ‘, illégalement, les
verrous). Christian Vanneste prend là explicitement acte de l’arrêt de la cour d’appel de Paris concernant le DVD de Mulholland Drive.Peut-on contourner les verrous anticopies des CD et DVD ?Clairement : non. L’article 13 du projet de loi fait même du déverrouillage ‘ en connaissance de cause ‘ un délit de contrefaçon passible de 300 000 euros d’amende. En
découle toute une série de délits : fabriquer, importer, distribuer, vendre, reproduire un logiciel ou fournir un service qui permettrait de déprotéger une ?”uvre. Voire simplement vanter (dans une publicité) ou faire connaître l’existence de
tel ou tel moyen de déverrouillage…En gros, on ne le fait pas et on n’en parle pas publiquement. A l’heure actuelle, contourner un système anticopie n’est pas répréhensible, puisque ces systèmes ne sont pas reconnus par la loi.Un amendement voté par la commission des lois protège de la même manière les systèmes de gestion de droits numériques (nombre de copies, de gravures, de transferts autorisés), ce qu’on appelle les DRM.Puis-je invoquer la copie privée pour déverrouiller un CD ou un DVD ?Apparemment conscient de sa contradiction, le projet de loi a prévu la création d’un collège de médiateurs. Son rôle ? Statuer sur le cas d’une personne censée bénéficier d’une exception au droit d’auteur ?” copie privée
ou autre ?”, mais qui en est empêchée à cause d’un dispositif anticopie. La décision rendue sera exécutoire.Ce nouvel organisme remplace les tribunaux d’instance qui ne seront plus compétents sur les litiges impliquant la copie privée. Mais un recours (du consommateur ou de l’éditeur, selon le cas) est possible, qui suspend alors la
décision…Les médiateurs sont nommés pour trois ans. Ils seront choisis parmi les magistrats, les fonctionnaires ou issus d’un ‘ corps dont le statut garantit l’indépendance ‘. Un amendement voté par
la commission leur donne deux mois pour statuer.Les internautes vont-ils devoir payer pour télécharger en peer-to-peer ?C’est un projet de l’Adami et la Spedidam, deux sociétés d’auteurs, soutenu par les associations de consommateurs : instaurer une licence globale qui autoriserait l’internaute à télécharger sans risque d’être un jour poursuivi en
justice. Il paierait une sorte de droit d’entrée couplé à son abonnement à Internet. La somme serait reversée aux artistes.Ce mécanisme a fait l’objet d’un amendement du socialiste Christian Paul, mais a été rejeté par la commission. Les organisations de producteurs et éditeurs, la Sacem et les fournisseurs d’accès à Internet sont eux aussi hostiles à cette
idée.Le peer-to-peer est-il interdit ?Non. Les plates-formes de peer-to-peer ne sont pas illégales, mais c’est l’usage qui en est fait qui peut conduire un internaute devant la justice. Le projet de loi autorise seulement la transmission sur un réseau
de copies techniques destinées à ‘ une utilisation licite de l?”uvre ‘ (un site de téléchargement légal, par exemple).

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Arnaud Devillard