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Les politiques nous écoutent mais ne nous entendent pas “

Croissance Plus voudrait éclairer les responsables de l’État sur la spécificité des entreprises technologiques. Son Livre Blanc avance plusieurs mesures, politiquement peu correctes.

En France, les pouvoirs publics répondent-ils de manière satisfaisante aux besoins des entre- prises de croissance ? La plupart des politiques confondent dot-com et start-up. On a l’impression que les pouvoirs publics nous écoutent mais ne nous entendent pas. À travers les différents rapports commandés par Bercy ou le Premier ministre, il semble que pour la France il soit important d’être présent dans le secteur des nouvelles technologies. Les représentants de la majorité nous ont souvent rencontrés depuis six mois. Mais les mesures qu’ils sortent montrent qu’ils n’ont rien compris. Ils annoncent un PEA[Plan d’épargne en action, ndlr] éligible aux valeurs européennes, ce qui aura pour effet d’orienter les sommes des investisseurs privés vers les grands groupes européens (Siemens, Hoechst…). Il y a aussi la mesurette sur les FCPI [Fonds communs de placement pour l’innovation, ndlr] qui est une non-mesure. Ce n’est donc qu’un joli ruban autour de quelque chose qui existait déjà. La France a pourtant réussi à rattraper son retard sur les États-Unis, avec des sociétés compétitives dans le domaine des technologies de l’information. Un cercle vertueux de financement et de savoir-faire s’est enclenché, même si comme partout, il est freiné par la mauvaise conjoncture. Côté internet, que souhaitez-vous en priorité? Nous sommes évidemment favorables au haut débit. Mais plus que la technique, ce sont les accès forfaitaires qui feront la différence. Or, ils sont actuellement bloqués par France Telecom. Une des raisons pour lesquelles les Américains surfent plus que nous, ce n’est pas qu’ils ont du haut débit ?” beaucoup ont un débit moyen ?” mais que leur accès est forfaitaire. Ce qui leur permet d’être connectés toute la journée. Nous demandons donc ce système, à un tarif le plus bas possible. Mais dans l’ordre des priorités, nous sommes avant tout attachés à la survie du Nouveau Marché. Car si les entreprises internet n’ont pas les moyens de lever des fonds, cela leur sera un peu égal de savoir qu’il y a des accès haut débit au réseau. Quelles sont les principales mesures contenues dans le Livre Blanc que vous allez rendre public dans quelques jours ? Ce Livre Blanc contient une trentaine de propositions, très concrètes. Elles ont trait à la propriété intellectuelle, à l’éducation, à la réglementation sociale. Celles qui nous semblent prioritaires sont au nombre de trois. Pour commencer, une mesure très politiquement incorrecte : l’exoné- ration de l’ISF (impôt sur la fortune, ndlr) au titre de l’outil de travail. L’exonération actuelle a été rédigée à une époque où le modèle de l’ entreprise de croissance n’existait pas. À un moment où la participation des entrepreneurs n’était pas diluée. Or, l’entrepreneur type de la nouvelle économie détient, en moyenne, 10 % de son entreprise. Il n’est pas normal qu’il doive payer l’ISF sur ses parts sociales. Politiquement une telle mesure n’a hélas que très peu de chances de passer, même si les parlementaires de tous bords, les conseillers de Bercy et de Matignon nous disent qu’il s’agirait là d’un rétablissement de l’équité fiscale entre patrons de PME et entrepreneurs de la nouvelle économie. Cette réforme nous paraît essentielle. Trop de sièges sociaux ont déjà été délocalisés à l’étranger. Piorité suivante : les réformes qui ont trait à la chaîne de financement. C’est-à-dire la fiscalité des business angels. Enfin, nous demandons l’élargissement des BSPCE (Bon de souscription pour les créateurs d’entreprises). Notamment en les autorisant pour les administrateurs. Ce serait un bon levier pour recruter des gens de talent, notamment des étrangers. Et il faudrait que davantage d’entreprises soient éligibles à ce régime. Comment peut-on favoriser l’émergence d’entreprises de croissance ? Sans aller vers un statut propre à ces sociétés, nous souhaiterions une simplification d’un certain nombre de régimes dans les premières années de vie de la société. Par exemple en fusionnant les comités d’entreprise et les délégués du personnel. Ou en obtenant une exonération plus longue et sur des montants plus importants de l’impôt sur les sociétés (IS). Idem pour les charges sociales. L’idée étant de favoriser la période ” infantile ” de l’entreprise.Pensez-vous que le modèle économique des entreprises de croissance soit remis en cause par la conjoncture actuelle ? Notre modèle de croissance est fondé sur un recours important au capital pour arriver à se développer très rapidement, notamment grâce aux business angels, aux venture capitalists et à la Bourse. Nous sommes extrêmement inquiets de la tournure que prennent les événements en France : on a un peu l’impression que l’on jette le bébé avec l’eau du bain. Et qu’on risque de revenir à la situation que l’on connaissait il y a six ou sept ans, quand il n’était pas possible de s’introduire en Bourse ou de lever des capitaux sur un marché de croissance. Aux États-Unis, notre mode de développement existait bien avant internet, et il devrait perdurer, notamment dans les pays anglo-saxons, quand la bourrasque boursière sera passée.

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Propos recueillis par Nicolas Arpagian