Passer au contenu

Les PME-PMI, bien parties pour changer d’opérateur

Après deux ans de dérégulation, les PME-PMI n’hésitent plus à changer d’opérateur. Leur premier objectif est de réduire la facture, même si les économies réalisées sont souvent difficiles à chiffrer.

Avec plus de trente opérateurs télécoms alternatifs, les entreprises françaises peuvent, malgré le monopole de France Télécom sur les appels locaux, faire jouer la concurrence en matière de communications nationales et internationales, ce qui provoque parfois des situations piquantes, telle cette réaction d’un responsable de France Télécom s’inquiétant auprès de l’un de ses clients ?” les Laboratoires Peters ?” parce que sa facture s’était soudain effondrée, passant de 50 000 F ht à 10 000 F ht. En fait, la société, (200 salariés), située en région parisienne, venait de basculer sur le ” 5 “, de GTS-Omnicom.
Les entreprises ne sont cependant pas toutes égales devant la déréglementation. Et une PME-PMI ne pourra réduire sa facture téléphonique qu’à condition de bénéficier d’une implantation géographique particulière, avec des communications qui empruntent des destinations privilégiées. Dès lors, les scénarios qui conduisent à confier tout ou partie de ses télécoms à un concurrent de l’opérateur historique sont multiples.

Pour dégonfler la facture, il faut d’abord réduire les appels vers les mobiles

La priorité consiste à limiter les appels vers les portables. Ainsi, Extand, spécialiste du transport urgent de petits colis, doit rester en contact avec une importante flotte de chauffeurs. Le remède choisi par Benoît Pujol, directeur des achats, est radical : le 06 est coupé sur les autocommutateurs ! En revanche, chaque agence dispose de deux ou trois portables. Soixante-dix abonnements, pris pour moitié chez SFR et pour moitié chez Itinéris, ont suffi pour économiser 1 million de francs par an, alors qu’auparavant 30 % de la facture étaient dus aux appels vers les mobiles. “Cette solution est une alternative au reroutage via l’étranger, une méthode qui devient moins intéressante depuis que France Télécom a modifié ses tarifs d’interconnexion, en juin 1999”, précise Bernard Tanguy, directeur associé de Siticom, société de conseil spécialisée en télécoms. La réduction du coût des appels longue distance est la deuxième priorité. Cette étape exige un PABX capable de gérer différents opérateurs simultanément ?” donc muni d’une fonction de LCR (Least cost routing) ?” ou d’installer un boîtier de reroutage. En effet,“la numérotation automatique du passage sur le réseau de l’opérateur alternatif s’impose, si l’on veut que le service soit systématiquement utilisé”, remarque Guy Lemor, responsable des services généraux des Laboratoires Peters. La reprogrammation de l’autocommutateur reste délicate, car modifier un ou deux PABX est financièrement acceptable, mais intervenir sur plusieurs centaines de machines devient extrêmement coûteux pour une entreprise géographiquement très éclatée. De plus, en cas de panne chez l’opérateur alternatif, comment s’y prendre pour rerouter rapidement ses appels vers France Télécom ? Faut-il reprogrammer le PABX dans l’urgence ? La possibilité de présélection de l’opérateur longue distance, malheureusement limitée à un seul transporteur, est attendue pour janvier 2000. Elle reportera cette tâche chez l’opérateur de boucle locale, France Télécom dans la majorité des cas.

Faire des économies tout en gagnant sur la qualité de service

Les boîtiers de reroutage ne constituent pas la panacée, car ils ont la réputation d’être peu fiables. Mais il suffit de les débrancher en cas de difficulté. Extand dispose de quarante-sept sites. La moitié d’entre eux a été basculée sur Belgacom, tandis que l’autre moitié a été confiée à Cegetel, le tout par l’intermédiaire de boîtiers de reroutage. Compte tenu de l’absence de durée de contrat, la firme peut décider du retrait des boîtiers à sa convenance ! La réduction sur la facture atteindrait 10 à 15 %, voire 20 %. En outre, Cegetel et Belgacom font une ristourne globale sur le total de minutes consommées par l’ensemble des sites, ce que n’accorde pas France Télécom.
Cerruti 1881 représente un autre exemple de société ” infidèle “, puisque les communications des deux sites parisiens ont été basculées sur RSL Com. Les appels concernent surtout l’international, essentiellement l’Amérique du Nord, l’Italie et l’Allemagne. Un boîtier de reroutage a été installé sur le PABX. Si, pour l’utilisateur, rien n’a changé, en revanche, la facture télécoms annuelle de cette entreprise de quatre-vingt-dix salariés, qui s’élevait à 1 million de francs, s’est trouvée allégée de 30 % environ. Saül Lehyani, p.-d.g. de l’imprimerie Imprigraphic, emploie pour sa part quarante personnes sur ses deux sites parisiens. Le passage à l’opérateur Western Telecom a fait chuter la facture annuelle de 150 000 F ht à 90 000 F ht (40 % de réduction), en particulier grâce aux économies réalisées sur les appels vers le Maroc et vers les mobiles. Michel Jarriel, responsable télécoms d’Agri-Naples, bénéficie d’un attachement direct à WorldCom, justifié par une facture mensuelle de 120 000 F ht. La réduction atteint près de 20 % par rapport à la dernière proposition de France Télécom. Agri-Naples n’emploie que sept personnes, mais gère les télécommunications de douze entreprises, réunissant trois cents employés hébergés dans les mêmes locaux. Agri-Naples a dû s’engager pour un an auprès de WorldCom.
Certaines PME-PMI ont déjà une vieille habitude de la concurrence. Systour, voyagiste s’adressant aux comités d’entreprises, travaillait à l’origine avec des ” call-backers “. Les soixante salariés de cette PME sont répartis sur une dizaine de sites, principalement à Paris, à Lyon et à Avignon. Séduit par les annonces de Colt, proposant de 30 à 40 % de réduction vers l’international, Bruno Barthélémy, directeur informatique, a partiellement basculé sur ce réseau et remarque, en outre, une amélioration de la qualité de service.

Et pourquoi ne pas devenir son propre opérateur ?

En particulier, la ligne est disponible dès que le combiné est décroché, alors qu’avec certains prestataires qui ne bénéficient pas d’une interconnexion directe avec France Télécom la passerelle fournie sature au-delà de dix appels simultanés. Aujourd’hui, Systour a recours à trois opérateurs alternatifs : Colt, LCR (anciennement Golden Line) et Western Telecom, sans durée d’engagement. Son PABX, un Alcatel 4220, est donc doté d’une fonction de LCR via une option baptisée ARS (Alcatel routing system), qui coûte environ 5 000 F ht. Bruno Barthélémy reçoit désormais trois ou quatre factures qui lui indiquent le montant économisé. Revers de la médaille : le directeur informatique note qu’il passe trop de temps à gérer ces nouveaux intervenants. Il appelle donc de ses v?”ux l’interlocuteur unique, revendeur de minutes, qui délivrerait une seule facture et orienterait en permanence vers l’opérateur assurant le meilleur coût ?” un service que fournit, depuis peu, une société comme Transnet.
Tirer parti de la concurrence peut nécessiter de mettre les équipements à niveau. Ainsi, pour la société Pressor, fabricant de matériel de compactage, qui comprend cent personnes travaillant sur trois sites, les économies réalisées en passant par Tele2 pour ses communications nationales (entre 60 000 F ht et 100 000 F ht annuels) lui permettront de changer de PABX afin de disposer d’une fonction de LCR, non disponible sur son Siemens Hicom 125.
Chez Kiabi, spécialiste du vêtement, Eric Joly, architecte télécoms et réseaux, fait d’une pierre deux coups en échangeant son Opus 4000, installé en 1990, contre un Alcatel 4400. Il s’affranchit des problèmes liés au passage à l’an 2000 et bénéficie du LCR. Le siège social, qui est situé à Hem, dans le Nord, concentre la moitié du trafic téléphonique face aux quatre-vingt-dix autres implantations de la firme en France. Dans ce cas particulier, la médiation d’un boîtier de reroutage était impossible, l’Opus 4000 n’autorisant qu’un raccordement MIC voie par voie, mal accepté par ce genre de boîtier.
A l’extrême, il est possible de devenir son propre opérateur en bâtissant un réseau privé. C’est le cas chez Joliez-Regol, courtier en assurances. Alain Couderc, directeur informatique, a préféré basculer ses communications téléphoniques intra-entreprise sur le réseau Frame Relay, qui vient d’être déployé par Siris et qui relie dix-sept sites.

Les oubliés de la dérégulation

Les appels de la province vers des clients ou des fournisseurs situés à Paris empruntent également le réseau privé. Ils le quittent à Paris pour être reroutés vers leur destination finale. L’entreprise ne paie ainsi qu’une communication locale. Dans un second temps, les appels Paris-province seront acheminés selon le même principe. Ce faisant, Alain Couderc évalue l’économie globale annuelle à environ 400 000 F ht. La facture téléphonique initiale intrasite était d’environ 500 000 F ht avant le basculement. Or, le réseau de liaisons louées Transfix aurait coûté 1,1 million de francs hors taxes par an, alors que le réseau Frame Relay ne revient, lui, qu’à 1,3 million de francs hors taxes. Certains types d’entreprises sont cependant les oubliés de la dérégulation. En effet, une structure éclatée, mais trop locale, freine considérablement les possibilités de recourir à la concurrence. Ainsi, la Banque Populaire de Lorraine, avec un budget télécoms global de 10 millions de francs (voix et données), semble un beau parti pour un opérateur alternatif. Malheureusement, ce budget est à fractionner entre une centaine d’agences. Résultat, la mariée est beaucoup moins belle. De plus, France Télécom sait jouer des ristournes et des remises diverses. L’offre Modulance activée au niveau local assure 15 % de remise environ sur les communications voix.

Une mauvaise expérience ne fait pas renoncer

Une consolidation au niveau national permet de grappiller encore quelques pourcentages. “Mais il devient difficile de s’y retrouver dans la jungle des remises par volume et par groupe”, note Alain Legrand, directeur de la division Micro-informatique et télécoms de la banque. Nombre d’opérateurs l’ont sollicité mais ont vite abandonné. De toute façon, le gain éventuel réalisé en passant à un autre opérateur aurait été gommé par le temps perdu à traiter une double facturation ! Enfin, il est rassurant de constater qu’une mauvaise expérience avec un opérateur n’empêche pas de recourir aux services d’un autre. C’est le cas d’Extand, d’Imprigraphic et de Pressor, qui, déçus par le service offert par leurs premiers prestataires, ont basculé sur un concurrent, sans cependant retourner dans le giron de France Télécom. ;

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


par Jean-Pierre Blettner