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Les opérateurs cesseront-ils de subventionner les mobiles en France ?

Avec le succès croissant des forfaits sans engagement, certains analystes prédisent l’arrêt des ventes subventionnées de mobiles par les opérateurs. Tentative de décryptage.

Les consommateurs français avaient pour habitude depuis de nombreuses années d’acheter leur téléphone directement auprès de leurs opérateurs. La raison en est simple : ceux-ci subventionnaient largement les ventes en achetant d’énormes stocks de mobiles auprès des fabricants, puis les proposaient avec d’importantes remises – ou les offraient – à leurs clients. En contrepartie, bien évidemment, d’un engagement de 12 ou, le plus souvent, 24 mois.

Ce mode de distribution, renforcé par le fameux système de points qui permettait aux clients « fidèles » à son opérateur de bénéficier de ristournes sur les prix des mobiles, a très bien fonctionné et a régné de manière monopolistique sur la vente des mobiles auprès du grand public.

Deux événements cruciaux

Pendant des années, rien n’a bougé. D’un côté, les fabricants se sont réjouis de ce canal de distribution qui leur permettait d’écouler de gros volumes de mobiles. Et de l’autre, les opérateurs y trouvaient leur compte, puisqu’en subventionnant les ventes, ils gonflaient le prix de leurs abonnements, se remboursaient en 12 ou 24 mois, puis engrangeaient des bénéfices colossaux au-delà de cette période.

Avant même l’arrivée de Free Mobile, un événement a totalement bouleversé le monde de la téléphonie mobile, que ce soit pour le consommateur, les opérateurs ou même les fabricants : la sortie de l’iPhone en 2007. Il a été le point de départ de l’engouement du grand public pour les smartphones. Tous les fabricants, ou presque, se sont lancés, avec plus ou moins de réussite, à sa poursuite. Et, bien entendu, tous les opérateurs ont fait des pieds et des mains pour l’intégrer à leurs catalogues respectifs. Ce que ces derniers n’avaient pas prévu, c’est qu’Apple s’est révélée intraitable en ce qui concerne les marges de négociation du prix de gros de ses appareils. Les opérateurs ont donc dû revoir leur copie : pour proposer l’iPhone à un tarif « abordable » pour la grande majorité des clients et espérer vendre leurs stocks d’appareils, ils ont été contraints de revoir leurs propres marges. Au fil des années et du renouvellement de la gamme des téléphones d’Apple, les opérateurs ont néanmoins pu maintenir ce canal de vente, mais la tendance s’est confirmée avec l’arrivée des autres marques : peu de marges avec les smartphones haut de gamme.

L’arrivée de Free Mobile

En janvier 2012 est arrivé Free Mobile avec ses offres low-cost et, surtout, sans engagement. Comme nous l’écrivions, pour pouvoir vendre des mobiles et ne pas corréler ces ventes d’appareils aux forfaits proposés sans engagement, le quatrième opérateur a choisi de commercialiser ses téléphones « nus » ou à crédit. Les trois autres opérateurs lui ont emboîté le pas sur le segment de la vente nue ou en trois fois sans frais.

Ces nouveaux forfaits à bas coûts et ce nouveau mode de vente des mobiles ont eu plusieurs impacts. Les trois opérateurs ont réduit fortement leurs marges sur ce type d’abonnements et, dans une moindre mesure, sur les ventes de mobiles. La conséquence de tout cela est que le consommateur a, en quelques semaines, pris conscience du prix des abonnements (tout type confondus, low-cost ou non) et du prix des mobiles. Et le client a également goûté à la liberté de changer d’opérateur quand il le souhaite…

Mauvais calcul pour les opérateurs

Se pose donc aujourd’hui le problème de savoir quel canal de vente va privilégier le client dans les mois et les années à venir. La problématique ne peut être envisagée au niveau européen. En Espagne, Vodafone et Telefonica ont récemment décidé de supprimer purement et simplement la subvention des ventes des mobiles. Mais, si l’arrivée de Free Mobile chez son voisin y est pour quelque chose, cette décision est certainement plus motivée par la situation économique du pays. À l’inverse, en Belgique, les subventions des ventes de mobiles n’existaient pas jusque récemment.

En France, l’arrêt pur et simple de ces subventions pourrait avoir plusieurs conséquences fâcheuses pour les opérateurs.
D’une part, cela les priverait d’une vision à moyen terme (24 mois) sur leurs rentrées d’argent. En laissant les organismes de crédit s’emparer de ce marché, les opérateurs auraient beaucoup plus de mal à retenir leurs clients ; ces derniers ne considérant alors plus que le prix des forfaits. Par ailleurs, le marché du smartphone – toutes gammes confondues – est devenu un enjeu fondamental. En cessant de subventionner les ventes, les opérateurs pourraient tout simplement se faire court-circuiter par les fabricants. N’oublions pas qu’Apple, Samsung et consorts fabriquent également des ordinateurs, des tablettes et toutes sortes d’appareils high-tech. De là à voir fleurir des « packs ordinateur + smartphone » à des prix défiant toute concurrence…
D’autre part, les fabricants chinois qui voient leurs ventes de smartphones croître de façon exponentielle pourraient en profiter pour écouler leurs mobiles qui sont vendus 300 ou 400 € quand un iPhone, ou un Galaxy SII, avoisine les 700 €.

Statu quo

Certes, le coût des mobiles pour les opérateurs en Europe est estimé à 13 milliards d’euros pour 2011, et ces derniers ont besoin de financer les infrastructures de leurs réseaux 4G. Oui, les forfaits low-cost sans engagement rencontrent un succès croissant. Mais, n’en déplaise à l’Arcep, tous les opérateurs que nous avons contactés sont unanimes : l’arrêt des subventions sur les mobiles n’est pas pour demain.

Quand certains nous l’ont dit à demi-mot, d’autres se sont exprimés clairement sur le sujet à l’image de Julien Allisy, directeur marketing chez OMEA Telecom (Virgin Mobile) : « La suppression des abonnements avec mobile subventionné n’est pas à l’ordre du jour chez Virgin Mobile. Les clients continuent en effet à montrer un intérêt fort pour ce modèle, nous le vérifions chaque jour dans nos chiffres de vente. L’arrivée d’un 4e opérateur ayant tout misé sur un modèle Sim-only n’a rien changé à ce constat ». Le service de presse de SFR nous a confirmé que l’opérateur maintiendrait également ce type d’offres, même s’il prévoit de réduire le nombre de modèles au catalogue et que le volume des ventes de téléphones subventionnés passera de 8 millions en 2011 à 7 millions pour 2012.
De son côté, Bouygues Telecom semble tabler pour ses forfaits avec mobile subventionné sur des services premium comme des débits supérieurs et constants pour la data. Enfin, Orange, qui a récemment baissé globalement de 20 % les tarifs de ses forfaits classiques met une nouvelle fois en avant la qualité de son réseau et son réseau de 1 200 boutiques. « Nous sommes plus chers [que Free Mobile], mais on assume, car on a du service en plus », déclarait lors d’une conférence de presse la directrice exécutive d’Orange France, Delphine Ernotte.

Et à l’avenir ?

Il reste une quasi-certitude : le consommateur français est, de manière générale, plus que réticent devant les offres de crédit à la consommation. La seule exception en la matière étant peut-être l’automobile. De plus, le mobile subventionné lié à un forfait présente un côté rassurant, le client n’a qu’un seul interlocuteur.
À l’image de ce qu’évoque Guillaume van Gaver, président de Phone House France : « Une fois que les tendances seront confirmées, peut-être nous orienterons-nous dans une direction où chacun pourrait finalement trouver son compte (opérateurs, distributeurs, fabricants et consommateurs). Les opérateurs pourraient très bien proposer des forfaits avec mobiles subventionnés dont les prix baisseraient au bout de x mois, une fois que l’opérateur a été remboursé du montant du mobile ».

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Benjamin Gourdet