Passer au contenu

Les opérateurs télécoms, à la croisée des chemins

Pour les opérateurs, la location d’applications est un moyen de se positionner au-delà de prestations d’hébergement, mais aussi d’évoluer vers des services à forte valeur ajoutée, en s’associant à des ASP ou en marchant sur leurs traces.

Lorsqu’une entreprise nous loue une application, environ un tiers de la facture totale est constitué par les coûts télécoms”, estime Jean Collet, directeur général de GlobalASP. Même si ce ratio fluctue selon le contexte réseau de l’entreprise, il a de quoi attirer les opérateurs, qui ont immédiatement vu là un moyen de remplir leurs fibres optiques. À ce titre, ils ont un rôle proactif à jouer en fournissant les infrastructures réseaux adéquates. De leur capacité à déployer le plus vite possible des boucles locales rapides dépendra l’essor du marché des TPE et PME, cibles des ASP. Mais, les opérateurs ne sont pas simplement intéressés en tant que fournisseurs de tuyaux, activité dont ils tentent, depuis des années, de se démarquer. Ils cherchent à enrichir leurs prestations de services, notamment à travers la fourniture de réseaux IP clés en main ou d’hébergement de sites Web avec une valeur ajoutée croissante. On peut cependant se demander s’ils peuvent évoluer vers la fourniture d’infrastructures d’applications en ayant les ASP pour clients, ou devenir ASP eux-mêmes. Pour autant, ont-ils vocation à louer des applications ? La plupart admettent que cette activité nécessite des compétences jusqu’alors concentrées chez les éditeurs et les SSII. Partant de ce constat, les stratégies des opérateurs, auxquels on peut associer les ISP, sont multiples. Nombre d’entre eux estiment avoir une légitimité à proposer des services de location d’applications orientées communication telles que la messagerie et, plus généralement, le travail collaboratif. KPNQwest a ainsi lancé un tel service en s’appuyant sur l’offre LiveLink, d’Open Text. De même que Global One, dont Global eCollaboration repose sur Lotus Domino. Cegetel envisage de suivre ce chemin, par ailleurs déjà exploré par des ISP. Même si les éditeurs fournissent la technologie, c’est bel et bien l’opérateur qui délivre le service et facture les clients.Les opérateurs et les ISP se positionnent également en tant que fournisseurs d’infrastructures d’hébergement. Cegetel a conclu un accord avec Interliant, qui exploite des centres informatiques outre-Atlantique. La société américaine développera le centre d’hébergement de Cegetel en France. Une activité de fourniture d’infrastructures d’hébergement qui, ajoutée aux coûts télécoms, pourrait faire tomber dans son escarcelle jusqu’à 50 % du chiffre d’affaires réalisé par les ASP. Certes, aujourd’hui, ces derniers restent nombreux à posséder leurs propres centres informatiques. “Notre centre de production de huit cents mètres carrés, qui contient plus de mille cinq cents serveurs, nous permet de nous différencier”, annonce fièrement Jean Collet, de GlobalASP. Mais les opérateurs estiment – ou espèrent – que ce type de démarche tient à l’immaturité du marché. Sébastien Ozanne, directeur marketing de Matra Grolier Network, s’attend à un revirement : “Nombre d’ASP feront machine arrière et décideront de se faire héberger.” La pléthore de salles blanches informatiques géantes qu’ouvrent Cable & Wireless, Global One, KPNQwest, ou WorldCom doit répondre à la demande des ASP, au moins autant qu’à celle de l’hébergement traditionnel de sites Web. Mais, pas question pour les opérateurs de se cantonner à ce rôle ingrat d’artisans de l’ombre. Il s’agit pour eux, au contraire, d’apparaître au grand jour, en s’associant à des éditeurs, des SSII, voire à des constructeurs.

Une collaboration technique et commerciale

Une démarche qui va au-delà d’une complémentarité technique. “Les opérateurs pourront mieux vendre leurs connexions ADSL s’ils proposent des offres les valorisant”, affirme Olivier Dellenbach, président de l’ASP eFront. À l’inverse, grâce à la granularité de leur couverture géographique, certains opérateurs peuvent orienter leurs clients vers leurs partenaires (en prélevant leur dîme au passage).En corollaire, les ASP et les éditeurs ont donc beaucoup à gagner en considérant les opérateurs comme des partenaires plutôt que comme de simples fournisseurs d’infrastructures. À ce titre, l’association regroupant Stéria (SSII), Cegetel (opérateur), JDEdwards (éditeur d’ERP) et HP (fabricant de serveurs) est exemplaire. Stéria est le leader mais il ne joue pas seul. “Nos trois partenaires nous permettront de diffuser plus largement notre offre, notamment en province, où le réseau commercial de Cegetel, par exemple, est très dense”, assure Christian Treu, directeur de l’offre ASP. Le premier service disponible s’appuie sur ASP Solutions, version en ligne de l’application One World, de JDEdwards. Cette synergie est efficace sur le marché des PME, principale cible des ASP. “Dans ces entreprises, le responsable informatique est chargé des télécoms. L’opérateur le connaît déjà. En lui proposant un service de location d’applications, il lui apporte les avantages d’un guichet unique”, explique Yannick Ragonneau, directeur de projet chez Siticom. Enfin, certains opérateurs évoquent une évolution vers un métier d’ASP pure player, le rôle des éditeurs et des SSII se réduisant à celui de fournisseurs de technologies. Il en va ainsi de KPNQwest, pour qui l’offre LiveLink constitue les prémices d’une offensive, ou de WorldCom et PSINet, qui n’ont encore rien annoncé.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Thierry Lévy-Abégnoli