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Les nouveaux barbares

Imaginés au nord de l’Europe, imprimés au Luxembourg, loin du carcan syndical hexagonal, distribués en marge des réseaux traditionnels et sans recours aux aides de l’État,…

Imaginés au nord de l’Europe, imprimés au Luxembourg, loin du carcan syndical hexagonal, distribués en marge des réseaux traditionnels et sans recours aux aides de l’État, les quotidiens gratuits envahissent nos rues. Mais dans quel monde vit-on ? Surpris par cette brutale concurrence, nos confrères de la presse quotidienne vitupèrent contre “ces journaux sans journalistes”, produisant une information au rabais et au mètre. Bref, le marché publicitaire susciterait l’irruption de nouveaux barbares, bousculant les lois avec le seul profit comme foi.Récent repreneur de la petite radio RMC Info, Alain Weill a, de son côté, réussi à rafler l’exclusivité des retransmissions de la Coupe du monde de foot. RTL ou Inter, qui n’ont rien vu venir, éructent contre l’audacieux. Autre barbare. À tout le moins, détonateur. Car les dirigeants des clubs de foot aimeraient bien à leur tour taxer la presse écrite, qui noircit des pages sur le championnat, qu’elle vend ensuite aux annonceurs…
Information-spectacle ? Au début du siècle, Zapata avait été jusqu’à céder à une agence américaine la couverture exclusive de la révolution mexicaine ?” morts à la bataille, victimes civiles, orateurs enfiévrés et espoirs du peuple, le tout sous contrat. Excès bien sûr. Il faut le marteler : “L’information n’est pas une marchandise !” Autrement, elle s’appelle communication. Il n’en reste pas moins que ces nouveaux barbares, par leur audace ou leur cynisme, démontrent que le marché s’infiltre partout. Que tôt ou tard, la dérégulation concerne tous les secteurs économiques, même ceux cadenassés au plan politique et syndical. Que les lois du marché imposent la demande dans une économie structurée par l’offre. Et que ceux qui se limitent à pousser des cris d’orfraie se condamnent au déclin. Après tout, ces quotidiens gratuits sont faits de dépêches d’agence (publique) de presse. Et seul un Français sur vingt achète encore un quotidien tous les jours.

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Jean-Jérôme Bertolus, directeur de la rédaction