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Les noms de la honte

Lorsqu’un enregistreur de noms de domaine se retrouve propriétaire d’une adresse à connotation pédophile, son premier réflexe est de la vendre aux enchères. Surprenant, non ?

Depuis quelques mois, le curieux qui aurait cherché à connaître l’identité du propriétaire du nom de domaine Childrenporno.com aurait eu de quoi être surpris. Une interrogation du service whois (un annuaire recensant tous les noms de domaine et leurs propriétaires respectifs) lui aurait appris qu’il s’agissait de Register.com.Société de notoriété publique exerçant ses activités dans le monde entier, Register.com est ce qu’on appelle un registrar. Ce métier, né de la dérégulation de la vente de noms de domaine, consiste simplement à prendre les commandes de sociétés ou d’individus pour des noms de domaine et à enregistrer ces informations dans une base de données appropriée. Un commerce juteux (les marges sont de 3 à 5 dollars par nom enregistré) à la portée de n’importe quel pseudo-homme d’affaires.Selon sa directrice de la communication, Register.com s’est retrouvé propriétaire de Childrenporno par le plus pur des hasards. Un de ses clients lui avait demandé d’enregistrer ledit nom de domaine. Ce que la société a fait immédiatement, sans scrupule. Car, même si les procédures sont automatiques, on pourrait s’attendre à un minimum de filtrage, avec l’intervention d’un vrai humain sans OGM (organisme génétiquement micro-ordinateurisé). Register.com enregistre le nom de domaine mais, selon la société, le client s’est rebiffé. Bonne blague, peur des poursuites ? Impossible de savoir pourquoi, quoi qu’il en soit, Register.com s’est retrouvé propriétaire de l’embarrassant nom de domaine.Pas de chance, à cet instant même, la planète Terre basculait dans la quatrième dimension. Et Register.com a mis Childrenporno.com aux enchères sur Afternic.com. Ce site, filiale à 100 % de Register.com, s’est spécialisé dans la vente au plus offrant de noms de domaine non utilisés. Un acheteur, non identifié et qui n’a pas souhaité nous répondre, a acquis le nom de domaine pour une vingtaine de dollars.Alors, bien sûr, malgré son nom qui pourrait être ” maketinguement ” efficace, Childrenporno.com ne sera sans doute jamais une destination pédophile. Mais cela ne nous empêche pas de nous interroger sur le manque de scrupule évident de Register.com et de l’ensemble des sociétés du même type. Surtout lorsque l’on constate que des variantes tout aussi sympathiques les unes que les autres (Pornchild.com, par exemple) appartiennent… à un autre registrar, DomainCheck. Ou encore que le nom de domaine Childporn.co.uk est en vente pour 5 000 dollars sur GreatDomains.com. Identique à Afternic, GreatDomains est, elle, une filiale de Network Solutions, elle-même filiale du géant mondial Verisign.Ça commence à faire beaucoup de géants mondiaux qui enregistrent, servent de support à la vente ou sont propriétaires (malgré eux, certes) de noms de domaine tendancieux.Et si, comme ça, pendant l’été, ces registrars se dotaient d’une charte d’éthique et nous en faisaient la surprise pour la rentrée ? S’ils s’engageaient à refuser tout enregistrement de nom de domaine à caractère pédophile, nazi, j’en passe et des ” meilleures ” ?Ce genre d’initiative serait largement préférable à ce que demande l’association J’accuse, qui exige des fournisseurs d’accès qu’ils empêchent les internautes d’accéder à des sites nazis. Plutôt que de cacher les problèmes, on pourrait s’attaquer à leurs fondements, ce serait un peu mieux. Mais sans doute que pour ces registrars (qui sont lune des seules activités rentables sur Internet), business is business.Prochaine chronique le vendredi 20 juillet

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Alain Steinmann