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Les Mems font rebondir le marché de la puce

Très efficaces et peu onéreuses, ces micromachines complèteront les semi-conducteurs dans de nombreuses applications. En recherche de courants porteurs, investisseurs et industriels ont flairé la manne.

Le marché des semi-conducteurs est en panne ? Qu’à cela ne tienne, les investisseurs et industriels ont déjà identifié leur nouvelle source de revenus : les Mems, des puces qui allient électronique et mécanique. Invisibles à l’?”il nu, ces micromachines émergent des laboratoires et trouvent leur place dans l’industrie. Les capital-risqueurs, qui “ ne savaient pas ce que Mems signifiait il y a peu, commencent à regarder le vivier de près“, confie Marlène Bourne, analyste chez Cahners In Stat Group. Ils ont investi l’an passé 500 millions de dollars environ (588,2 millions d’euros) dans ces technologies et autant pour le premier trimestre de cette année. Un signe qui ne trompe pas. En France, PHS Mems, une start-up grenobloise, a levé 31 millions d’euros il y a quelques semaines, montant important compte tenu de la frilosité actuelle des investisseurs .

Mode de fabrication avantageux

Les Mems se révèlent précieux pour de nombreuses applications. Leur avantage majeur : la taille, qui oscille entre 10 et 100 microns ?” l’épaisseur d’un cheveu est de 150 microns. “À cette échelle, les lois physiques sont totalement différentes“, précise Jean-Paul Colin, directeur du développement d’Intel. Un exemple : contrairement à l’homme, la puce, elle, peut chuter de mille fois sa hauteur sans frémir ! Un moteur de l’ordre du micromètre ne subit ainsi aucune inertie. “Une roue dentée de cette taille peut tourner pendant des mois sans lubrification à un million de tours par seconde “, relate Jean-Paul Colin. De plus, les Mems sont peu gourmands en énergie, un avantage pour les appareils où la taille des batteries est critique.Si les Mems ont une réelle chance d’envahir le marché, c’est surtout grâce à leur mode de fabrication. Réalisées en silicium, les micromachines sont une formidable source de diversification pour les fondeurs. Leur production utilise les technologies de gravure devenues obsolètes pour les semi-conducteurs. Un constat d’autant plus intéressant que moderniser une usine de puces revient aussi cher qu’en construire une neuve (2,5 milliards de dollars). Intel vient ainsi d’annoncer la fabrication de micromachines dans son usine d’Israël.Analog Devices, fabricant de semi-conducteurs, s’intéresse aux Mems depuis déjà dix ans, notamment pour les applications automobiles. “ Avec plus de 15 millions d’euros [100 millions de francs] de chiffre d’affaires sur ce créneau, nous faisons partie des rares sociétés à produire cette technologie en volume “, avance-t-elle.Les Mems, qui tenaient le haut du pavé jusqu’à présent, étaient principalement des capteurs, dont le rôle était de mesurer différents paramètres, comme la température, la pression ou l’accélération. Dans le milieu médical par exemple, ils mesurent la pression sanguine, et permettent de suivre les patients pendant les opérations. Mais la nouvelle génération de ces micromachines devient plus complexe. Les Mems interagiront de plus en plus sur l’environnement.Pour équilibrer son portefeuille, Analog Devices se tourne vers les applications optiques, “celles qui ont réellement attiré l’attention de l’industrie“, selon Marlène Bourne. Les Mems font partie des technologies appelées à se substituer à l’électronique dans les réseaux optiques. Dessinés sur des puces, des micromiroirs orientés par des actionneurs réfléchiront ou non la lumière vers des fibres spécifiques (voir ci-dessous). “Le tout optique permet d’éviter la baisse de capacité du passage par l’électronique “, confirme Jean-Michel Karam, fondateur de la société grenobloise Memscap. Les Mems apporteront aussi beaucoup aux ” Labs on a chip “, ces microlaboratoires implantés sur des puces de moins d’un centimètre carré, qui analysent des quantités infimes d’échantillon (ADN, protéines, gaz toxiques). “Mais si les applications potentielles sont réellement fascinantes, il ne faut pas oublier la complexité du mécanisme“, prévient Christian Mahler, directeur Europe des ventes de Coventor, qui met au point des outils spécifiques au développement des Mems. “Beaucoup de petites sociétés ont sous-estimé l’ampleur de la tâche : il faut investir pas moins de deux ou trois millions de dollars pour obtenir un prototype viable“, insiste-t-il.

Des concentrations en vue ?

Un mouvement de concentration s’amorce. Des géants comme JDS Uniphase ou Corning mettent la main sur des jeunes pousses prometteuses. Mais ce marché n’en est qu’à ses premiers pas, ses 14,2 milliards de dollars de revenus réalisés en 2000 semblent lilliputiens par rapport aux 300 milliards générés par l’industrie des semi-conducteurs dans son ensemble…” Il faudra encore attendre un peu avant de voir émerger l’Intel des micromachines“, tempère Marlène Bourne.

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Agathe Remoué