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Les leçons du Pianiste

Un film sur le martyre juif à l’ère nazie. Un film de plus. Mais y en aura-t-il jamais assez pour dire le barbare et l’intolérable ?…

Un film sur le martyre juif à l’ère nazie. Un film de plus. Mais y en aura-t-il jamais assez pour dire le barbare et l’intolérable ? Pour témoigner de l’enfer ? Rescapé du bombardement de Varsovie et du ghetto de Cracovie, Roman Polanski livre avec Le Pianiste, palme d’or à Cannes (bande annonce et interviews sur www.festival-cannes.org, cliquer sur “The Pianist”), son long métrage le plus personnel, en même temps que le plus universel. Plutôt que de s’inspirer de sa propre histoire, le cinéaste choisit d’adapter les mémoires de Wladyslaw Szpilman, pianiste juif polonais qui échappe miraculeusement à la déportation, endure les souffrances du ghetto de Varsovie et lutte pour sa survie au milieu du chaos.C’est Adrien Brody, acteur américain habitué aux films indépendants (filmographie sur le site officiel, www.lepianiste-lefilm.com), qui incarne, magistralement, ce survivant. Affamé, humilié, terré et privé de son piano. Un rôle énorme, dont Brody avouait, à Cannes (télécharger la vidéo de la conférence de presse sur www.festival-cannes.org, cliquer sur “The Pianist”), avoir eu du mal à se défaire. Pour Roman Polanski (www.rp-productions.com), “le plus douloureux fut la préparation du film, les recherches sur cette période, rédiger le script.” Le tournage aura duré six mois. Le ghetto de Varsovie fut presque entièrement reconstitué par la production. Au final, des images très poignantes (vous n’oublierez pas le plan, terriblement esthétique, du ghetto bombardé, à voir sur www.lepianiste-lefilm.com, après avoir passé l’intro), des scènes pudiques et pourtant insoutenables (humiliations à répétition des juifs, tueries arbitraires, trains de la mort) : un document autant qu’un film. Très réaliste. Très loin d’Hollywood. Polanski filme au plus près des faits, sans en rajouter, sans manichéisme, et c’est déjà assez insupportable comme cela.

Fallait-il ? Comment ? Pourquoi ?

Bien sûr, le spectateur sait, savait déjà : il a lu les livres d’Histoire, vu les images d’archives. Mais il reste incrédule, une fois de plus. Noué, bouleversé, il enrage. Et s’interroge, à l’instar de deux personnages du film, en partance pour les camps de la mort : les juifs polonais ont-ils assez résisté ? Fallait-il attendre le 19 avril 1943 et l’incroyable courage des derniers habitants du ghetto pour se soulever ? Les Polonais non juifs ont-ils marqué, assez, leur solidarité avec leurs concitoyens ? Parce qu’il était un brillant pianiste, Wladyslaw Szpilman fut épargné : toutes les vies ne sont-elles pas équivalentes ? Luttant avec une indescriptible force de vie contre les terreurs s’acharnant contre lui, Szpilman est-il un vrai résistant ? Ou un individualiste regardant son monde s’écrouler sans prendre part à la lutte ? Des questions a posteriori, bien sûr. Pour ceux qui connaissent la fin de l’histoire. Qui ne l’ont pas vécue. Qui n’ont pas souffert. Polanski revisite les débats toujours d’actualité chez les historiens et la communauté juive, sans apporter de réponse définitive. À chacun sa leçon de vie.The Pianist, sur les écrans depuis le 25 septembre.

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Sophie Janvier-Godat