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Les hébergeurs spécialistes de la location d’espace sécurisé en plein doute

Touchées par l’effondrement des start up internet et des opérateurs alternatifs, les sociétés de colocation sont désormais à la recherche de nouveaux clients.

Jusqu’en fin 2000, on pouvait parier sur l’explosion du nombre de serveurs web. En raison de l’éclatement de la bulle internet, le marché de l’hébergement n’a pas tenu toutes ses promesses. La demande est moins forte que prévu, et les sociétés qui avaient misé sur le développement du besoin d’espace se retrouvent dans l’embarras.C’est le cas des start up de la colocation dite “neutre”?” des hébergeurs indépendants, qui louent un espace sécurisé pour y installer les infrastructures internet de leurs clients. Elles ont pour nom Redbus Interhouse, Interxion, IX Europe, Telehouse ou encore Telecity. La plupart de ces sociétés ont investi des sommes gigantesques dans la construction de centres de données. Et, de ce fait, elles doivent impérativement les remplir, sous peine de disparaître ou d’être rachetées.

Des points de rencontre multi-opérateurs

L’éclosion des start up de colocation avait pourtant suscité un engouement important des investisseurs. Leur histoire débute en 1998-1999, au plus fort de la vague internet et de la dérégulation des télécoms. A l’époque, l’externalisation des sites web est sur le point d’exploser, conséquence directe du développement des dotcoms. Et les nouveaux entrants sur le marché des télécoms ont pour impératif de multiplier leurs points de présence. Les sociétés de colocation s’engouffrent dans la brèche en proposant de construire des centres de données sécurisés, sortes de points de rencontre multi-opérateurs. Sur le papier, leur lien avec plusieurs opérateurs leur confère un profil séduisant : neutralité quant au choix de la connexion (d’où leur appellation anglo-saxonne de “neutral carrier” ou “carrier hotel”) et continuité de service du réseau.Outre la connectivité, les sociétés de colocation offrent une infrastructure de haut niveau : salles blanches hautement sécurisées avec redondance de la climatisation, de l’alimentation électrique, etc. “Soit une infrastructure physique plus professionnelle que celle de la plupart des hébergeurs”, souligne Claire Bardez, consultante du cabinet PAC (Pierre Audoin Conseil). Un service dont l’unité de facturation est la location au rack ou au mètre carré.Fortes de ces atouts, beaucoup de ces sociétés se voient déjà constituer de véritables places de marché physiques. “On trouvait opportun de créer des centres, carrefours de communication entre opérateurs, qui deviendraient ensuite de véritables centres d’échange internet”, se rappelle Michel Brignano, directeur marketing de Telecity France. Car le ralliement des opérateurs alternatifs et des fournisseurs d’accès est susceptible d’attirer ensuite, par effet boule de neige, les autres acteurs de l’internet : dotcoms, spécialistes des applications, constructeurs, loueurs d’applications, etc. Une course à la construction de centres de données s’engage alors sur le territoire européen. Ces start up soulèvent des sommes astronomiques aux heures de gloire de l’internet. La société néerlandaise Interxion a, par exemple, reçu 300 millions d’euros de financement sur la seule année 2000. Elle dispose désormais d’une vingtaine de centres en Europe, qui représentent une surface totale d’hébergement de 125 000 mètres carrés.

Des salles blanches à moitié vides

Mais l’éclatement de la bulle spéculative liée à internet et aux télécoms a eu raison de leurs ambitions. Touchés de plein fouet par l’effondrement de leurs principaux clients ?” start up internet, opérateurs alternatifs ou fournisseurs d’accès internet ?”, les spécialistes de la colocation ont revu leurs objectifs à la baisse. Fini la construction frénétique de centres d’hébergement. Il faut désormais chercher à les remplir en tenant compte d’une demande moins élevée que prévu. “L’une des faiblesses de ces acteurs est d’avoir surdimensionné ?” peut-être sous la pression des investisseurs ?” leur capacité d’hébergement par rapport aux réels besoins du marché”, souligne Emmanuelle Olivié-Paul, directrice adjointe du cabinet Markess International. “L’idée de départ n’est pas obsolète, mais trop de sociétés ont voulu faire la même chose, oubliant quelque peu le consommateur”, analyse également Michel Brignano, de Telecity France. Conséquence : la plupart se retrouvent avec des salles blanches souvent à moitié vides hors de leur pays d’origine.Certains de ces hébergeurs indépendants d’infrastructures cherchent alors à ajouter de nouvelles sources de revenus à la location d’espace proprement dite. IX Europe et Telecity, par exemple, vendent désormais de la bande passante. D’autres, tel le Britannique Redbus Interhouse, restent fidèles à leur métier initial : la location d’espace. “Notre vocation est uniquement de fournir une infrastructure sécurisée, et de le faire efficacement”, estime Stéphane Duproz, directeur général France.La majorité de ces start up essaie de diversifier une clientèle jusqu’alors constituée en grande partie d’opérateurs ou de fournisseurs d’accès internet ?” en la matière, c’est surtout du côté du client final, principale manne de revenus, qu’elles lorgnent désormais. Elles doivent, pour ce faire, monter dans la chaîne de valeur des prestations. Leur stratégie ? Se rapprocher des sociétés de services informatiques ou des loueurs d’applications susceptibles de leur apporter leur clientèle de PME-PMI et de grandes entreprises.

Un manque de pérennité qui freine des alliés potentiels

Les spécialistes de l’infogérance ?” Atos, HP, IBM Global Services, etc. ?” suscitent tout particulièrement les convoitises. “La technologie de leurs centres d’exploitation devra bientôt être renouvelée. Au lieu de construire de nouveaux centres, ils se poseront la question de louer de l’espace”, justifie Fabrice Coquio, directeur général d’Interxion France. Mais les infogérants ne semblent pas pressés de s’allier à des acteurs à la pérennité mal assurée. “Les contacts que nous avons pris n’ont pas abouti. Nous n’avons pas une taille suffisante, et les infogérants préfèrent, pour l’instant, conserver la propriété de leur centre”, reconnaît Michel Brignano, de Telecity France.Ce que confirme Laurence Guihard-Joly, responsable des services d’hébergement d’IBM Global Services France : “IBM n’a pas vraiment besoin de place d’hébergement supplémentaire. Ce qu’il nous faut, ce sont des partenaires pérennes, qui puissent nous apporter une clientèle.” Nombre de start up de colocation misent aussi sur les services de secours informatique. Clientèle visée en priorité : les banques et les assurances, également avec l’appui de partenaires. IX Europe a, par exemple, conclu un accord avec HP pour héberger ses services de back up sur la région parisienne. “HP inclut, en effet, dans son offre la connectivité et le centre sécurisé que nous lui apportons”, précise Bruno Paolini, DG France d’IX Europe.Reste que, quelle que soit la stratégie, la rentabilité n’est toujours pas au rendez-vous. Conséquence : des sociétés cotées en Bourse, comme Telecity ou Redbus Interhouse, ont une valorisation très faible. Et il est probable que l’on assiste à des rachats. “Nous étions une trentaine il y a deux ans. Nous serons moins de dix d’ici à la fin de l’année”, estime Fabrice Coquio, d’Interxion France. En définitive, l’avenir de ces nouvelles sociétés dépendra de leur capacité à persuader les différents acteurs et compétences de l’hébergement d’adhérer à leur projet. Notamment les SSII. Sachant que, faute d’une réserve de fonds importante, leur temps est compté.

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Olivier Discazeaux