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Les Fan Games, ces jeux qui font trembler Nintendo et consorts

Peu de temps avec l’annonce de sa console Switch, Nintendo s’est fait remarquer en s’en prenant aux jeux développés par des fans sur la base de ses licences. L’occasion de faire le point sur ces projets à part.

Récemment, Nintendo a interdit la diffusion d’Another Metroid 2 Remake. Sous cet acronyme se cache l’un des fan games les plus ambitieux et les plus attendus de ces dernières années. Développé depuis plus de deux ans par un inconditionnel de la série Metroid, Another Metroid 2 Remake entendait reprendre le classique de Nintendo et en améliorer les quelques (nombreux ?) points discutables.

Plébiscité par les joueurs qui ont eu la chance (et le temps) de le télécharger gratuitement, AM2R n’a pas du tout été du goût de Nintendo ! Qu’importe si son développeur ne demandait pas le moindre centime pour sa création, ni même que cette dernière ait été publiée pour fêter les vingt ans de la licence…

Pour Miyamoto et les autres pontes de Nintendo, les initiatives de fans n’ont de valeur que si elles ne touchent pas aux propriétés intellectuelles de la marque. C’est dit. D’ailleurs, l’interdiction d’AM2R n’était qu’un début. Nintendo s’est ensuite attaqué aux centaines de jeux « amateurs », et gratuits, utilisant des personnages lui appartenant hébergés par la plateforme Game Jolt. Là encore, une partie de la communauté s’est indignée de cette « atteinte à la liberté de création des fans ».

Si on peut facilement comprendre la déception des fans, il ne faut cependant pas oublier que l’histoire du jeu vidéo est parsemée de situations analogues et que tout n’est pas toujours aussi simple qu’il n’y paraît.

Touche pas à ma licence, manant !

En 2009, les développeurs de Chrono Trigger : Crimson Echoes, un fan game continuant l’aventure du mythique Chrono Trigger, reçoivent un courrier de Square Enix leur intimant l’ordre d’arrêter le développement de leur jeu et de ne le diffuser sous aucun prétexte. Une décision qui arrivera après cinq ans de développement et à quelques semaines, seulement, de sa publication sur le web.

Une situation que connaîtra également, en 2014, le projet Metal Gear Remake. Développé par des fans, tous vétérans de l’industrie du jeu vidéo, ce projet devait être un remake du premier Metal Gear, sorti sur MSX2 en 1987. Le projet était si inspirant que David Hayter, la voix officielle de Snake, avait accepté de prêter son concours (et sa voix) au projet. Le plus surprenant reste, qu’à son annonce, ce remake avait reçu le soutien et les encouragements de Konami. Une position qui évolua, sans que l’on sache clairement pourquoi, jusqu’à l’interdiction pure et simple de l’initiative…

Les exemples d’annulation de fan games se comptent par centaines, et ne concernent pas uniquement les éditeurs japonais, comme le prouve, entre autres, la mésaventure vécue, en 2014, par les développeurs de Project Vaulderie, le remake de Vampire : The Masquerade – Bloodlines.

Vampire The Mascarade : BloodLines
Activision/Troika

Passionnée par le jeu de rôle papier (comme nous) et désireuse de corriger les (très) nombreux défauts du jeu vidéo édité en 2004 par Activision, l’équipe avait entrepris un remake intégral utilisant l’ensemble des possibilités offertes par les PC du XXIe siècle. Bien mal lui en a pris puisque CCP Games, éditeur/développeur d’Eve Online et propriétaire à l’époque de la licence Vampire The Masquerade, lui ordonna de stopper tout développement et de faire disparaître tout élément utilisant d’une façon ou d’une autre la marque, les personnages ou les lieux de la licence.

Comme ce fut le cas pour AM2R, la réaction de la (petite) communauté suivant le projet n’a pas manqué de faire entendre sa voix, sans que cela change quoi que ce soit. Un constat d’autant plus frustrant que si CCP Games avait, un temps, envisagé d’exploiter la licence Vampire The Masquerade dans un MMORPG, il avait abandonné le projet et revendu les droits à l’éditeur Paradox.
C’est, peut-être, pour faciliter cette transaction et/ou éviter de réduire ses prétentions financières que le remake de Vampire The Masquerade fut tué dans l’œuf… offrant, théoriquement, un boulevard pour la sortie d’un nouveau jeu exploitant la licence… dont les fans attendent encore l’annonce !

Développons heureux, développons cachés

Si certains éditeurs sont intransigeants quant à l’utilisation de leur propriété intellectuelle, ce n’est heureusement pas le cas de tous. Ainsi, il arrive qu’éditeurs et autres ayants droit donnent leur consentement officiel ou ferment les yeux sur certaines publications. Deux cas de figure qu’illustrent parfaitement King Quest : The Silver Lining et Street of Rage Remake.

Alors que la série n’a plus connu d’épisode depuis plus de dix ans et qu’elle semble tombée dans le fond de catalogue d’Activision -qui avait racheté les droits des jeux Sierra- un groupe de fans entreprend le développement de King Quest : The Silver Lining. Le but avoué ? Faire revivre l’une des plus grandes séries du jeu vidéo des années 90. Après des mois de travail, que l’ensemble de la communauté salue comme exemplaire, le couperet tombe : Activision demande l’arrêt immédiat du développement !

Les réactions d’indignation ne se font pas attendre et personne ne comprend pourquoi l’éditeur semble autant tenir à l’arrêt du projet. Finalement, face à la levée de boucliers de la communauté, l’éditeur décide d’autoriser le projet hommage et en profite pour annoncer que la série reviendra, cette fois officiellement, dans un format épisodique !

Pour Street of Rage Remake, les choses sont légèrement différentes. Disponible sur PC, Linux et autres machines open source, Street of Rage Remake est une relecture fidèle et pourtant extrêmement moderne des trois jeux sortis sur Megadrive. Si Sega a demandé aux porteurs du projet d’arrêter le développement, la société japonaise n’a finalement rien fait de concret pour empêcher sa sortie et son portage sur de multiples machines. Est-ce parce que son équipe de développement a entièrement réalisé programmation et graphismes, pour un résultat exceptionnel ? Ou parce qu’avec l’abandon du remake officiel, c’était un excellent moyen de faire vivre la licence dans le cœur des fans… Impossible à dire mais le titre est toujours disponible sur le Net.

Pourquoi pas si la dot est bonne… 

Parfois, même si c’est assez rare, éditeurs et fan games convolent en justes noces. Ainsi, après des années de développement, Sonic Mania va enfin sortir. Initialement imaginé comme un hommage gratuit à la série mythique de SEGA, le projet a tellement séduit les pontes de la firme qu’ils décidèrent de soutenir officiellement le projet… en le publiant pour fêter les vingt-cinq ans de la série. De gratuit, le projet devint donc commercial, pour le plus grand plaisir de ses concepteurs.

Une situation qu’ont également connue les développeurs de Black Mesa. Ce mod destiné à permettre aux possesseurs de Half-Life 2 de revivre l’aventure originale, en profitant des apports offerts par le Source Engine (le moteur graphique utilisé par Half-Life 2) est disponible depuis 2012. Mais, face à l’excellent travail réalisé par l’équipe de modders, Valve a décidé de soutenir officiellement le projet.

Une reconnaissance qui a permis aux concepteurs de Black Mesa de revoir leurs ambitions à la hausse et de faire du projet un jeu à part entière. Ainsi, plus qu’un simple portage de l’aventure originale, la version finale de Black Mesa proposera de nouvelles musiques, de nouveaux dialogues, de nouvelles armes et bien d’autres améliorations. En revanche, pour en profiter, il vous faudra payer 19,99 euros sur Steam.

Il est évident que le jeu vidéo est, aujourd’hui, une véritable industrie du divertissement. Et, comme toutes les industries, c’est avant tout l’aspect financier qui détermine les décisions des entreprises. Les relations des éditeurs de jeux avec les fan games ne dérogen pas à cette logique. Lorsque de telles initiatives n’ont aucun intérêt financier pour un éditeur, voire pourrait révéler son manque d’investissement, ce dernier aura tendance à interdire les projets amateurs.
En revanche, lorsque cela peut l’aider à fédérer une communauté ou à entretenir la nostalgie en vue d’un plan commercial, les projets sont plus facilement tolérés. Et si ces derniers collent parfaitement à l’actualité ou à une demande des consommateurs et peuvent être commercialisés, pourquoi se priver de revenus faciles.

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Jean-Pierre Abidal - The Game