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Les écoles d’ingénieurs restent sereines face à la crise

Avec la crise, le rapport de forces s’est inversé entre ingénieurs débutants et entreprises. Pour autant, le recrutement n’a pas tari. Il est seulement plus lent et plus sélectif.

C’est moins l’euphorie, mais ce n’est pas alarmant. On pourrait résumer ainsi la situation d’aujourd’hui des jeunes ingénieurs en informatique et télécoms. Le taux d’emploi des jeunes diplômés dans l’informatique relevé par l’Apec en 2002 (*) est certes de 93 %, mais il était de 97 % en 2001, 96 % en 2000 et 1999 et 95 % en 1998. Et, pour la première fois depuis cinq ans, l’informatique ne connaît pas le plus fort taux d’emploi cette année. Autre chiffre révélateur : les recrutements de jeunes diplômés fin 2001 chutaient de 7 % par rapport à l’année précédente.Dans les écoles, si les chiffres officiels de l’insertion des étudiants diplômés cette année tomberont début 2003, certains indices ne trompent pas : moins d’annonces envoyées par les entreprises, moins d’offres de postes par étudiants, moins de stages convertis automatiquement en CDI, moins de stages et de postes en SSII… L’Eisti a même vu lui parvenir des propositions de CDD, chose inconcevable ces dernières années. Et si, l’an dernier, 95 % des diplômés de l’Estaca étaient placés, en octobre 2002, ils étaient 20 % encore en recherche d’emploi. A l’Ensea, le taux de sans-emploi six mois après l’obtention du diplôme étaient de 6 % en 2001, contre… 0 % en 1999 et 2000.

Les jeunes diplômés adoptent un profil bas

Directeur de l’Essi, à Sophia Antipolis, Roger Marlin reconnaît avoir commencé à s’inquiéter dès l’été 2001: “Beaucoup d’étudiants avaient de quasi-promesses d’embauche à l’issue des stages, comme d’habitude. Mais, durant l’été, nous avons vu ces promesses vaciller.” Cependant, la plupart des étudiants ont réussi à se placer dans le mois qui a suivi.Ces constats sont néanmoins loin d’être systématiques. La plupart des directeurs d’école se montrent même sereins tant, d’après eux, les relations étudiants-entreprises semblent revenir à un fonctionnement plus raisonnable. “Avant cette année, explique Nesim Fintz, directeur-fondateur de l’Eisti, plusieurs entreprises proposaient des CDI avant même le stage de fin d’étude. C’est désormais terminé.” Même discours du côté de l’Epita : si en 1999, pour 40 % des étudiants, le stage n’était ni plus ni moins qu’une première embauche, ce cas de figure ne représentait plus que 15 à 18 % en 2001. Avec, pour conséquence, d’après les responsables des écoles, de dégonfler un peu les chevilles de leurs étudiants, trop habitués à être courtisés sans avoir beaucoup à bouger. “J’aurais plutôt tendance à faire une analyse négative de la folie des années passées, affirme Pierre Aliphat, directeur de l’Esiea. Les étudiants avaient adopté une vision à très court terme, ils n’avaient pas de projets de carrière, se contentaient d’avoir plusieurs fers au feu et, une fois embauchés chez l’un, ne prévenaient même pas les autres.” C’est donc un profil légèrement plus bas que les jeunes diplômés sont amenés à adopter cette année. Ce dont convient également François Rodriguez, directeur de l’Enseeiht : “Nos étudiants ont une attitude plus raisonnable et cessent de courir quatre lièvres à la fois.” Lors du dernier forum emploi de l’Eisti, les entreprises avaient ainsi repris la main, notamment concernant les propositions de salaires. “Pour la promotion 2002, ajoute Roger Marlin, on ne trouve pas la même angoisse qu’en 2001. A cette époque, les étudiants tombaient de haut. Cette année, il n’y a pas le même effet de surprise.”De l’avis général, il n’y a donc pas lieu de s’affoler, et surtout pas de comparer avec la crise du début des années 1990. “Par rapport à 1993, note Pierre Aliphat, certaines entreprises ont retenu la leçon et compris qu’il ne fallait pas fermer les vannes à l’entrée des jeunes diplômés.”Juste retour des choses après les années de pénurie, le spectre des recruteurs de jeunes diplômés s’est en réalité déplacé des SSII vers les entreprises utilisatrices. Une tendance particulièrement visible au niveau des stages de fin d’études : “Le stage est une pratique ancienne dans les grandes entreprises. Pour les SSII, c’est davantage une question d’opportunité”, analyse Laurent Trébulle, en charge des relations entreprises à l’Epita. Ce sont les grandes entreprises cette année qui ont intégré majoritairement les jeunes pour effectuer leurs derniers pas avant le diplôme. Et, contrairement à ce qui s’est produit dans les SSII, ces stages ont été souvent suivis d’embauches.

L’industrie offre des débouchés nombreux et de qualité

Au premier rang des grands utilisateurs friands de jeunes diplômés, le secteur des banques et assurances est cité par la plupart des écoles préparant des ingénieurs en informatique de gestion comme un des principaux débouchés pour les jeunes diplômés. BNP Paribas, le groupe Axa, mais aussi la Société Générale, le Crédit Agricole ou le CCF accueillent volontiers les débutants. “Nombre de nos jeunes sont attirés par ces entreprises car ils souhaitent évoluer par la suite vers les métiers de la finance”, indique Laurent Prével, de l’association des anciens élèves de l’IIE.Les ingénieurs en informatique de gestion pourront également faire leurs premières armes dans le secteur des services, au sens large : Accor, Carlson Wagon Lits, le groupe André, ou bien encore la grande distribution ?” Carrefour Promodès notamment ?” donnent leur chance aux jeunes.Mais la palme revient aux spécialistes de l’informatique scientifique et industrielle, pour qui les débouchés sont nombreux et de grande qualité : l’aéronautique ?” EADS, Aérospatiale, Eurocopter ou l’automobile, avec notamment Renault et PSA, ou bien encore les grands industriels français comme Dassault, Air France, TotalFinaElf… Sans oublier les ouvertures sur l’étranger qu’offrent ces entreprises. “Nos jeunes diplômés sont de plus en plus nombreux à partir en Asie, notamment en Chine, pour aller travailler sur de gros projets industriels, et notamment en raison de la préparation des jeux olympiques”, précise Patrick Prévot, directeur du département génie productique de L’Insa Lyon. Pour les uns comme pour les autres, le canal des SSII n’est pas pour autant totalement fermé. Certains îlots de prospérité subsistent, en premier lieu chez les spécialistes comme ceux de l’informatique industrielle notamment. Martine Fourmanoir, de l’association des anciens élèves de l’Isep, recense ainsi les relations constantes qu’entretient l’école avec Altran, Alten, Beijaflore ou Quaternove. Et si les très grandes généralistes ont mis un coup de frein à leurs embauches de jeunes diplômés, quelques exceptions subsistent. Les écoles enregistrent ainsi des offres d’emploi émanant d’Atos, ou bien du “jeune” Sogeti.Reste que les sociétés de services sont désormais largement minoritaires dans la panoplie des débouchés ouverts aux jeunes diplômés. “Le recrutement des jeunes est très fortement ralenti cette année. C’est très préoccupant”, s’alarme Pierre Dellis, délégué général au Syntec Informatique. A y regarder de plus près, la situation pourrait s’avérer en effet préoccupante pour les SSII, qui se privent ainsi d’une part indispensable de leurs ressources humaines… Et d’éventuels futurs prescripteurs dans les entreprises.(*) Etude annuelle effectuée par l’Apec sur les jeunes diplômés inscrits à ses services deux ans auparavant.

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Xavier Biseul, Arnaud Devillard et Corinne Zerbib