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Les DRH font leur entrée dans les start-up

Jugée superflue et onéreuse, la DRH était jusqu’à présent la grande absente des organigrammes des start-up. Un oubli loin d’être sans danger. Craignant un rappel à l’ordre du social, certaines de ces entreprises inaugurent la fonction.

” Ce n’est pas notre priorité. “ Le leitmotiv est fort couru dans les entreprises de la nouvelle économie à la seule évocation de la création d’une direction des ressources humaines (DRH). Pourtant, le social commence à se rappeler à elle. En juin dernier, les salariés de 365France (site d’information sportive) se sont mis en grève. A l’origine du conflit : rémunérations et conditions de travail. La jeunesse d’une structure n’empêche plus la confrontation à des problématiques on ne peut plus traditionnelles. Faire l’impasse sur la gestion des ressources humaines peut mettre ces jeunes entreprises en danger.
” Postes mal définis, missions mal expliquées, personnel mal accompagné… une mauvaise gestion des ressources humaines peut même faire capoter une société “, alerte Christine Blache, du cabinet 9A+, spécialisé dans le recrutement pour start-up. Ignorance, inconscience… D’où vient cette cohabitation difficile entre gestion des ressources humaines et start-up ?

Une DRH coûte cher

” Elles ont avant tout une culture technique, avance Christine Blache. Ces start-up ont une forte compétence stratégie métier, un projet, savent où elles veulent aller, connaissent le marché. Mais leur management est le plus souvent jeune et inexpérimenté, et n’a pas le temps de se former. “L’autre argument est financier. Un élément non négligeable pour une jeune entreprise à l’heure de structurer son organigramme. ” Vient d’abord le directeur technique, explique Bertrand Hanicotte, associé fondateur du cabinet Talento dédié au financement et au recrutement pour les start-up. Il pèse 500 KF, mais est jugé stratégique. Le directeur commercial (350 KF, plus variable) arrive trois à six mois après la création de la société. Longtemps après, au moins un an, vient le directeur financier. ” Le DRH, quant à lui, n’est pas jugé stratégique et en plus, il coûte cher. ” Un DRH pèse environ 500 KF sur le marché du travail, poursuit Bertrand Hanicotte. Le coût est jugé trop important. D’autant plus que la taille de l’entreprise n’appelle généralement pas à un plein temps pour ce poste. ” Il n’en demeure pas moins que les start-up doivent prendre à bras le corps un problème vital pour elles : le recrutement.” C’est considéré comme un coût ponctuel, souvent externalisé, constate Bertrand Hanicotte. Ou bien, elle embauche un responsable du recrutement dont le salaire est d’environ 250 KF. Mais il ne peut répondre à l’ensemble de la problématique. ” Malheureusement, recruter à grand train n’est pas une simple opération mathématique. ” Il ne s’agit pas seulement de gérer les recrutements. Il faut aussi les accompagner, insiste Christine Blache. Un rôle d’interface doit être tenu. Il faut remettre du réseau dans l’entreprise. ” Certes, certaines start-up se dotent d’emblée d’une DRH. Mais ce sont des émanations, des spin off de grands groupes.
” L’habitude de la gestion des ressources humaines et la conscience de sa nécessité est établie et donc transposée “, relève Christine Blache. Chez les autres, l’idée commence à faire son chemin. Affaire d’expérience pour les unes, de seuil d’effectifs pour les autres.

Le social a ses règles

Chez e-Front (ASP), née seulement en mars 1999, une DRH a fait son apparition. Son fondateur, Olivier Dellenbach, fut également le fondateur de Nat Systems. ” Il avait déjà du recul sur l’enjeu de l’organisation d’une entreprise “, affirme Béatrice Vachenfranche, la nouvelle DRH, issue d’un cabinet de chasseurs de têtes.L’initiative n’a guère tardé. ” L’entreprise s’est consacrée au développement technique pendant un an. Lors de son lancement opérationnel, en mai, l’équipe est passée de cinq à vingt-cinq personnes sans compter, en externe, des forces de vente supplétives. J’ai pris mes fonctions
de DRH stricto sensu en juillet. Même si ces fonctions ne constituent qu’un mi-temps, j’en ai le titre. Et l’existence de cette fonction montre toute l’importance qu’on accorde aux équipes.”Multimania a inauguré cette fonction en février 2000. ” C’était avant l’introduction en Bourse. L’effectif atteignait déjà quarante-huit personnes “, rapporte Karine Branger, DRH en titre et à plein temps. Occuper ce poste dans une start-up peut sembler un luxe. ” Dans une grande entreprise, le ratio équipe DRH-collaborateurs est de un pour cent. Chez nous, il est de trois pour cent personnes environ. ” Multimania a effet embauché depuis un responsable du recrutement et un responsable formation. L’entreprise a aussi opté pour la prise en compte du social et de ses réglementations.
Certains seuils d’effectifs vont de pair avec des aspects réglementaires : dix personnes, c’est un délégué du personnel ; cinquante personnes, cela entraîne la création d’un comité d’entreprise. Il faut gérer des partenaires, organiser des élections… ” Plus les effectifs grandissent ?” depuis décembre, ils ont augmenté de 127 % ?”, plus les attentes en matière de communication se font pressantes.
Il s’agit de donner de la visibilité aux équipes non seulement sur la stratégie, mais également en matière de mobilité. Le recrutement ne se limite plus à la cooptation et prend une tournure industrielle. Une métaphore culinaire s’impose : il faut un liant pour que la sauce prenne. Et lier par anticipation. C’est pour cette raison que nous avons mis en place un CE avant même le cap des cinquante collaborateurs.
La création du poste de responsable de formation, en avril dernier, relève de la même démarche. Une nouvelle étape dans ce que Karine Branger appelle la ” progression de la maturité d’entreprise “. Un travail d’anticipation dont devront s’inspirer nombre de start-up avant que code du travail et syndicats ne les rattrapent.

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Annick Le Berre