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Les directeurs des systèmes d’information à l’épreuve des fusions-acquisitions

BNP et Paribas, Axa et UAP, ou Total, Fina et Elf… La fusion de leurs systèmes d’information détermine la réussite des nouvelles entreprises.

Nous mettons la dernière main à la fusion de nos systèmes d’information : en juin prochain, l’essentiel du projet sera terminé”, se félicite Hervé Gouëzel, directeur des systèmes d’information de BNP Paribas. Deux ans après le rapprochement juridique des deux banques, le nouveau groupe présente déjà un système d’information unifié, qui irrigue l’ensemble de ses métiers. Un record : selon la solution adoptée, certaines entreprises ?”uvrent parfois plus de cinq ans pour réaliser ces opérations titanesques. Selon une récente étude d’AT Kearney, le système d’information est, en effet, au c?”ur du regroupement opérationnel des activités des deux protagonistes : “58 % des fusions échouent, et 20 % de ces échecs sont dus à des problèmes d’intégration opérationnelle. La fusion informatique est fréquemment l’une des composantes clés de cette intégration”, indique François Malavaud, Partner chez Kearney Interactive. D’où l’importance d’impliquer les hommes clés des directions métier dès le choix du système cible.

Axa a imposé son modèle à l’UAP

C’est la première étape de définition des systèmes et des organisations cibles qui doit déterminer le rythme et l’enchaînement des opérations. Fortement impliquée, la direction générale en fixera, bien sûr, les grandes orientations et les échéances. Mais ce sont les impératifs liés au métier même de l’entreprise qui guideront ses choix stratégiques. Plusieurs types de solutions s’offrent donc aux jeunes mariés : choix de l’un des deux systèmes, assemblage des meilleures briques de chacun, ou développement complet d’un nouveau système d’information. A chacun sa méthode.Globalisation oblige, les grands mouvements de concentration ont, dans les années quatre-vingt-dix, touché le secteur de l’assurance. Axa, dont le service commercial s’appuie sur des entités juridiques calées sur les réseaux de distribution, réalise en novembre 1996 une OPE sur son concurrent l’UAP, qui, lui, repose sur des sociétés juridiques organisées par branches métier. Des deux modèles, c’est celui d’Axa qui va s’imposer. “La principale difficulté était de mener en parallèle la fusion par sociétés en même temps que la fusion informatique”, rappelle Serge Morelli. Le chantier informatique a, en effet, collé au chantier de réorganisation opérationnelle et juridique. Dès mars 1997, les premiers groupes mixtes travaillent ensemble. Le comité d’étude du système d’information France effectue le choix du système cible et définit les scénarios de bascule. La DSI unifiée est constituée en avril 1998. La fusion proprement dite, par réseau de distribution, sera achevée en fin 1999. Les deux années suivantes seront consacrées au développement de nouveaux outils de front office et à la rationalisation des systèmes de gestion. “En 1997, nous avions cinq systèmes pour l’IARD (incendie, accidents et risques divers), et trois pour la vie collective. Nous les avons ramenés à un seul en 2001 pour chacune des branches concernées. Dans le même temps, nous sommes passés de treize à trois systèmes en vie individuelle, et nous allons unifier les systèmes vie au niveau du front office”, explique Serge Morelli, DSI adjoint d’Axa France. De même, le système comptable devient unique. Et, au final, un nouveau système d’information équipe cette année l’ensemble du groupe en France. Simplifier et rationaliser les circuits d’information : l’objectif est le même pour BNP Paribas ; seuls les moyens pour y parvenir diffèrent.

BNP Paribas a choisi le meilleur des deux

A l’approche de l’an 2000, l’union de deux grandes banques françaises ?” BNP et Paribas ?” s’inscrit dans une tendance lourde, tant en France que dans les autres pays européens. Avec des métiers proches mais des pratiques très différentes, chacune d’elles apporte dans la corbeille de mariage des atouts qui ne compteront réellement qu’une fois traduits dans un nouveau système d’information. Entre la décision du rapprochement des deux entités, intervenue en septembre 1999, et sa réalité juridique en mai 2000, c’est à la direction des systèmes d’information de prendre ?” en six mois ?” les décisions déterminantes : “Nous avons, pour chacune des grandes fonctions de l’entreprise, soit choisi les systèmes de l’un ou de l’autre partenaire, soit réalisé un mixage des deux”, souligne Hervé Gouëzel. Pour ce faire, chaque système d’information a subi une véritable découpe chirurgicale. Objectif : conserver le meilleur de chacun d’eux. “Il était exclu de choisir l’un des deux systèmes dans sa totalité, poursuit-il. Ce qui, en définitive, nous a amenés à effectuer cent quatre-vingts choix pour quarante métiers.” L’option consistant à créer de toutes pièces un nouveau système avait été écartée d’emblée, les délais étant incompatibles avec les impératifs du marché.Menée de manière ” industrielle “, cette fusion des systèmes d’information est, aujourd’hui, terminée pour l’essentiel. Conclusion d’Hervé Gouëzel : “A la fois douloureuse et passionnante, cette opération revient, en fait, à construire un nouveau système, socle d’une nouvelle entreprise. Son coût global s’élève à 400 millions d’euros. Mais elle nous aura permis de générer 160 millions d’euros de gains en 2001, et environ 250 millions cette année.”Associer modernisation organisationnelle et retour sur investissement rapide est aussi l’objectif poursuivi par Philippe Chalon, DSI de TotalFinaElf. Coup sur coup, le pétrolier français s’est offert deux fusions. La seconde ?” la plus importante de par la taille ?” est intervenue en fin 1999, quelques mois à peine après la première. En attendant sa validation juridique, la direction des systèmes d’information s’est mise à l’?”uvre dès février 2000. Et lance dans la foulée le rapprochement des organisations et des informatiques des trois activités du nouvel ensemble : exploration et production, raffinage et marketing, et enfin chimie.

Le pétrolier opte pour la refonte complète

Parallèlement, la DSI du pétrolier constitue une coordination forte au niveau groupe. Objectif : harmoniser les systèmes à court terme, préalable à une refonte complète qui se déroulera dans un second temps et durera plusieurs années. “Certains de nos systèmes de gestion étaient périmés. Nous avons donc lancé un grand chantier de refonte, basé sur SAP”, précise Philippe Chalon. Mais, dans l’intervalle, l’harmonisation revêt différentes formes selon les activités. Le système d’information technique de l’activité d’exploration et de production disposait déjà d’applications cohérentes. L’accent est alors davantage mis sur la fusion de données disparates entre les trois sociétés. Les quelques cas de conflits entre deux systèmes sont résolus simplement : c’est le plus gros qui l’emporte. Par contre, l’activité raffinage et marketing, qui consiste à réaliser les produits finis et à les commercialiser, repose essentiellement sur un système d’information dont la refonte complète est planifiée à l’horizon 2006. “En attendant, nous utilisons les systèmes existants, que nous interconnectons”, confie simplement Philippe Chalon. De longue haleine, la fusion informatique de l’industriel est en bonne voie : tous les projets sont lancés, et les opérationnels s’appuient sur un système d’information dont les briques, encore disparates, communiquent déjà entre elles.Axa, BNP Paribas et TotalFinaElf. Ces trois exemples de fusions-acquisitions mettent l’accent sur l’une des composantes essentielles du métier de DSI dans les grands groupes internationaux. Ils ?”uvrent sur tous les fronts : choix fonctionnels et techniques, organisation, nouveaux projets, qualité de service, an 2000 et euro… Mais, surtout, ils apparaissent comme la cheville ouvrière de la phase la plus critique de tout changement organisationnel de grande envergure : la mise en application opérationnelle.

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Corinne Zerbib et Christine Peressini