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Les dessous de la taxe pour la copie privée

Lors de l’achat de certains matériels électroniques, le consommateur s’acquitte, souvent sans le savoir, d’une rémunération pour copie privée. Son montant et son application sont sujets aux critiques, jusqu’à celles du Conseil d’Etat.

Elle est invisible sur les étiquettes, inconnue ou presque des consommateurs, mais pas indolore. La rémunération pour copie privée représente ainsi 1 euro sur un DVD vierge, 8 euros sur un baladeur MP3 de 4 Go, 12 euros sur une tablette tactile avec 40 Go de mémoire, ou encore 20 euros sur un disque dur externe de 1 To. Son montant, auquel il faut ensuite appliquer la TVA, est donc loin d’être anodin, pourtant la majorité des consommateurs ignore son existence. Seuls 12 % des Français âgés de 16 ans et plus en ont déjà entendu parler, selon un sondage effectué en ligne par Opinion Way pour le groupement d’industriels Gitep Tics, et publié en juin. Séance de rattrapage pour tout savoir sur celle que l’on surnomme la “ taxe ” copie privée.A quoi correspond la taxe pour la copie privée ?Le principe de la copie privée est une exception au droit d’auteur. Il permet à un particulier qui a acheté une œuvre culturelle, comme un morceau de musique ou un DVD, de la copier pour son usage personnel, et de pouvoir l’écouter ou la visionner sur plusieurs supports (PC, baladeur…). Depuis 1985, il existe une contrepartie financière à cette disposition au profit des auteurs, artistes et créateurs, c’est la rémunération pour copie privée. Il s’agit de compenser le manque à gagner qui résulte de la copie. Pour 2009, le montant total du prélèvement s’est élevé ainsi à 181,8 millions d’euros. Les trois quarts de la somme sont reversés aux ayants droit, le dernier quart sert au financement de manifestations culturelles.Tous les appareils numériques stockant du contenu sont-ils concernés ?Non. Les ordinateurs et les photocopieuses, notamment, ne sont pas soumis au prélèvement. En revanche, les clés USB, les disques vierges, les disques durs externes, les appareils capables d’enregistrer des contenus numériques, comme les téléviseurs à disque dur, les enregistreurs numériques, les smartphones et, depuis janvier, certaines tablettes tactiles, le sont.Et si le matériel ne sert pas à faire des copies, faut-il quand même payer ?Oui. La rémunération pour copie privée est comprise dans le prix de vente. C’est le revendeur qui se charge de la reverser ensuite aux organismes de collecte.En échange de cette taxe, est-il possible de copier tout ce que l’on veut ?Non. Le droit à la copie privée s’applique uniquement aux biens acquis légalement, et dans le cadre d’une utilisation strictement personnelle. Pas question de faire des copies pour ses voisins ou ses collègues, par exemple. Même lorsque toutes les conditions semblent remplies, il n’est pas toujours possible d’exercer son droit. Certains CD et DVD empêchent la copie grâce à un verrou logiciel. Et, selon la législation, le consommateur n’a pas le droit de contourner une telle protection… (lire notre article “ Que dit la loi ? ”, paru dans Micro Hebdo n° 689, page 16).Qui décide du montant de la rémunération pour copie privée ?C’est une commission spéciale, intitulée la Commission sur la rémunération pour copie privée, qui fixe les barèmes de la rémunération. La commission comprend vingt-quatre membres plus un président, lequel est nommé par le ministre de la Culture. Elle regroupe des représentants des bénéficiaires de la rémunération (douze sièges, soit la moitié), des représentants des consommateurs (six sièges) et des représentants des fabricants et importateurs de supports numériques (six sièges). Les décisions sont adoptées à la majorité relative.Comment sont établis les barèmes ?Les montants de la rémunération sont établis en fonction du type d’appareil et de la capacité de stockage. Ils sont censés être en adéquation avec la réalité du manque à gagner que crée le droit à la copie privée. Pour l’apprécier, les membres de la Commission s’appuient sur des études relatives à l’usage des appareils, menées par des instituts de sondage. Les fabricants et revendeurs de matériel, en minorité au sein de la commission, dénoncent régulièrement les décisions finales qui, selon eux, alourdissent injustement le prix des produits. A plusieurs reprises, le Conseil d’Etat a tranché en leur faveur. En 2006, il a établi que la détermination de la rémunération ne pouvait prendre en compte que la copie privée licite, et en aucun cas le préjudice dû au téléchargement illégal, obligeant ainsi la commission à revoir son barème. La dernière intervention du Conseil d’Etat, qui date du 17 juin dernier, a confirmé que la rémunération ne doit pas s’appliquer aux produits acquis dans un but professionnel. La commission a six mois pour “ définir à nouveau la rémunération pour copie privée ”. L’association de consommateurs CLCV a aussitôt mis en garde : cela ne doit pas “ [se traduire] par une augmentation de la taxe supportée par les consommateurs […] ou par l’extension de celle-ci à de nouveaux produits, comme les ordinateurs ”.Comment cela se passe-t-il dans les autres pays d’Europe ?La directive de l’Union européenne du 22 mai 2001 a généralisé le système de cette taxe, laissant à chaque Etat membre le soin de définir ses barèmes. Du coup, le montant pour un produit varie d’un pays à l’autre, la France étant le pays où la contribution est la plus élevée, comme le montre l’étude internationale publiée par un organisme de collecte des droits d’auteur des Pays-Bas. A l’heure actuelle, le Luxembourg et Malte n’appliquent pas de redevance, tandis que le droit à la copie privée n’existe ni en Grande-Bretagne ni en Irlande. La Commission européenne, par l’entremise du commissaire des affaires intérieures, Michel Barnier, a l’intention de nommer un médiateur afin de réfléchir à une harmonisation des manières d’établir les barèmes.

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Olivier Lapirot