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Les dérives des jeux de gestion

A cent lieues des jeux de guerre, les jeux de gestion, non violents et intelligents, sont un vrai bonheur… sauf quand ils sont le reflet d’une idéologie poussiéreuse.

On reproche souvent aux jeux vidéo d’être violents. Le reproche est parfaitement fondé pour certains, dans lesquels le ‘ scénario ‘ consiste à tirer sur tout ce qui bouge, le tout avec un luxe de détails
sanglants d’un réalisme à faire frémir le joueur le plus aguerri.Pourtant, en marge de ces défouloirs, objets de tant de critiques parfois fondées, il existe une catégorie de jeux pacifiques et d’une valeur pédagogique indiscutable : les jeux de gestion. Même si vous êtes définitivement
allergique aux loisirs sur PC ou sur console, vous avez sans doute entendu parler de Sim City.Avec ce logiciel, vous prenez entièrement en main les destinées d’une ville. Au cours du jeu ?” mais peut-on encore parler de jeu ? ?” vous décidez du tracé des routes et autres voies de communications, vous
placez les zones résidentielles, les espaces commerciaux, les services publics…Vous allouez des crédits par-ci, vous en retirez par-là et vous voyez la ville évoluer en fonction de vos décisions. Bien entendu, le temps est accéléré : une année à Sim City ne dure que quelques minutes sur
votre ordinateur.Le grand mérite d’un tel jeu est que vous pouvez mesurer, dans des conditions pas totalement irréalistes, les conséquences à court et long terme de vos actes. Quand j’entends quelqu’un s’exclamer ‘ Ah, si j’étais
au Gouvernement, ça ne se passerait pas comme ça ! ‘,
je rêve de lui faire prendre virtuellement en main les destinées du pays devant un logiciel de gestion … Et de noter ses résultats.Ce n’est pas pour rien si de nombreux chefs d’entreprises ont demandé aux concepteurs de Sim City de développer une version personnalisée et adaptée à leur propre entreprise, afin d’étudier en toute tranquillité
différentes hypothèses de marché.Depuis, Sim City a fait des émules. On ne compte plus aujourd’hui les logiciels censés vous initier à la gestion d’un parc d’attractions, d’un zoo, d’un réseau de train électrique, d’un hôtel, d’un restaurant, d’une
armée, etc. Avec quelques dérapages, comme en témoigne ce jeu que vous trouverez sur le site www.puteland.com/index.php. Le nom du site étant assez explicite, permettez-moi de vous en épargner la description.J’ai gardé pour la fin le plus célèbre des jeux de gestion, le jeu plus vendu au monde : Les Sim’s, dont la version 2 sort dans quelques jours. En gros, vous prenez en charge la destinée d’un groupe
d’individus et vous tentez d’en faire des êtres épanouis en satisfaisant leurs besoins primaires et leurs aspirations.En dépit d’un accueil très favorable de toute la presse spécialisée, j’estime que, comparé aux autres jeux de gestion, Les Sim’s souffre d’un grave défaut. Car, pour ce jeu censé singer la ‘ vraie
vie ‘, le comble du bonheur, pour les êtres virtuels que vous dirigez, est avant tout de gagner autant d’argent que possible, d’en dépenser un maximum pour s’équiper de biens de consommation, de réussir socialement et surtout, d’être
dans la norme.Tout cela évoque plus la société puritaine américaine que la vie dans nos contrées. Comme chacun, j’ai quelques fragiles idées sur la notion de bonheur. Mais je ne l’associe pas nécessairement à la réussite sociale, à la taille de mon
logement ou de ma voiture, pas plus qu’au montant de mon compte bancaire.Nous avons tous présents à l’esprit des individus qui, bien que fondamentalement asociaux, ont laissé une ?”uvre impérissable dans des domaines aussi variés que la musique, la littérature, le cinéma ou les hautes technologies. Nul
doute que Mozart, perpétuellement fauché, Newton, affligé d’un caractère épouvantable, ou Rimbaud, souvent pris de boisson, eussent réalisé, comme personnages des Sim’s, des scores ridiculement bas.* Rédacteur en chef adjoint de l’Ordinateur IndividuelProchaine chronique le vendredi 17 septembre

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Etienne Oehmichen*