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Les candidats à l’Elysée votent pour Internet

A moins de trois mois du premier tour, les états-majors politiques peaufinent la stratégie présidentielle de leur candidat sur Internet. Un nouveau type de communication politique dont les webmasters sont les principaux architectes.

Ils sont (presque) tous venus. Jeudi 24 janvier, les principaux responsables de sites des candidats à l’élection présidentielle étaient réunis dans la salle multimédia de l’hôtel de ville d’Issy-les-Moulineaux, à l’initiative du magazine
Profession politique
et du club e-Public. Objectif : échanger et deviser sur leur stratégie Internet respective.Seul absent de marque, à part les représentants de l’extrême gauche (LCR et LO) et du MRG, le Parti communiste. Pour motiver son refus, l’un des responsables du PC a avancé que “réunir tous les webmestres des candidats a autant d’intérêt que de réunir les chauffeurs des candidats”. L’Internet aurait-il du mal à trouver sa place chez les anciens adeptes du “centralisme démocratique ” ? On nous affirme que le site du candidat Robert Hue ouvrira ses portes très prochainement.Après l’échec relatif des dernières élections municipales à ancrer durablement le Net dans la vie politique, on peut se demander quel sera l’impact du Réseau sur la présidentielle de 2002.Si tout le monde s’est converti au nouveau média, les plus fervents pratiquants se trouvent parfois chez les petits candidats qui y voient une chance de faire entendre leurs idées et d’instaurer (le temps d’une campagne ?) un lien naturel avec l’électeur.

Les forums mis à l’Index

A l’extrême droite, on entonne ainsi le couplet d’un Internet “média de démocratie directe, encore libre et interactif”, dixit Martial Bild, responsable politique du site de Jean-Marie Le Pen. Alors même que son concurrent mégretiste, reprenant la thématique du “on nous cache tout, on nous dit rien “, voit dans Internet le moyen de contourner, “le prisme déformant des observateurs et des médias”
(sic).Plus sérieusement peut-être, les états-majors commencent à instrumentaliser Internet en prenant soin tout de même que ce nouvel outil de communication politique ne bouleverse pas l’ordre établi. Ce sont des chats que l’on organise régulièrement entre le candidat, tel ou tel membre de son équipe de campagne et les électeurs. Chez le candidat de la France humaine, François Bayrou, on “chate” tous les vendredis midi, juste avant de partir en week-end. Un moment où le site enregistre invariablement un “pic d’audience”.La pratique du chat a parfois supplanté le sacro-saint forum. Celui-ci, pourtant très en vogue sur les sites institutionnels (Sénat et Assemblée nationale), est jugé par beaucoup “contre-productif” (donnant souvent lieu à des incursions agressives de la part de militants d’autres partis). De plus, la mise en place d’un forum est techniquement difficile, surtout chez les petits candidats dont les moyens financiers ne sont pas toujours très importants.

Des sites de campagne camouflés

Mais s’ils semblent toujours désireux de se servir du Net pour élargir leur base électorale, les candidats à la présidentielle l’utilisent aussi pour renforcer leur dispositif interne. Ce sont alors des intranet ou extranet mis à la disposition des militants et/ou des cadres du parti (comme, par exemple, Alain Madelin ou le RPR). Par ailleurs, certaines formations prévoient d’utiliser lors des prochaines législatives des réseaux de sites ” clefs en main ” pour chacun des candidats présents dans les 577 circonscriptions de l’Hexagone.Du côté des candidats ” virtuels “, ” probables ” et non déclarés, on préfère ne pas trop s’avancer. Pour Xavier Moisan, responsable du site de l’Union en mouvement (UEM), machine électorale au service de ” l’hôte de l’Elysée “, il peut ainsi y avoir “des sites dans la campagne” qui ne soient pas forcément “des sites de campagne”. Malgré tout, des forums thématiques sont organisés avec des experts, d’où parfois un certain délai de latence dans l’acheminement des réponses… La sous-traitance technique du site a par ailleurs été confiée “à une société de marketing qui travaillait déjà avec le RPR”.

Une audience encore confidentielle

Au Parti socialiste, la secrétaire nationale à la communication, Anne-Catherine Frank, annonce l’ouverture dans les prochains jours d’une nouvelle version du site, avec à la clé une “formidable opportunité d’installer Internet dans la pratique “. Jusqu’à présent, le site du PS générait 33 000 visiteurs par mois pour une durée de consultation de douze minutes par session.Sur le plan de l’audience, les chiffres des sites politiques ne sont pas phénoménaux, et restent cantonnés à l’auditoire traditionnel des formations. Dans l’ensemble, la fréquentation varie de 1000 à 15 000 ou 20 000 connexions par jour. Des données à prendre avec précaution quand on connaît l’imprécision de certains outils de mesure officiant sur le Web.Pour Olivier Blondeau, sociologue et rédacteur en chef du site de Noël Mamère, “Internet peut aider à sortir la politique de son confinement”. Par son caractère atypique, Internet pourrait en effet être un outil de prosélytisme et de rassemblement au-delà des clivages traditionnels.Un paramètre que Jean-Christophe Frachet, responsable de la campagne de Jean-Pierre Chevènement a d’ores et déjà aujourd’hui intégré dans sa stratégie. Selon lui, le candidat du “pôle républicain” préparerait “un coup” pour la prochaine fête de l’Internet. Qui vivra verra !En attendant, selon un récent sondage CSA-Groupe Serveur, 83 % des Français déclarent ne pas avoir l’intention de consulter un site de candidat pendant la campagne présidentielle. Sur Internet comme ailleurs, qu’elle semble loin la route qui mène à l’Elysée…

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Philippe Crouzillacq