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Les blocages de la facture numérique seront-ils levés en 2003 ?

Entre des opérateurs et des progiciels peu interopérables et des directeurs financiers qui redoutent le changement organisationnel induit, la facture virtuelle, devenue légale, attend toujours de devenir une réalité.

Coincée entre le mythe de Sisyphe et la loi de Met-calfe, la facture électronique a, décidément, bien du mal à émerger. D’un côté, les fournisseurs technologiques ressemblent à ce roi de Corinthe condamné à faire rouler sur la pente
d’une montagne un rocher qui retombait toujours avant d’avoir atteint le sommet. Faute de mise en pratique.De l’autre côté, les directeurs financiers en entreprise attendent que la loi de l’inventeur du protocole Ethernet prenne corps. Celle qui prédit que ‘ plus un réseau est adopté par les utilisateurs, plus sa
valeur et son utilité grandissent, et plus il attire de nouveaux utilisateurs ‘.
Pour qu’un tel échange fonctionne, il faut être nombreux. Or, tant du côté des ‘ fournisseurs ‘,
qui émettent la facture, que celui des ‘acheteurs‘, qui la reçoivent, la fusion ne s’opère pas.

Un marché qui ne veut pas décoller

Et cela fait plus de dix ans que ça dure. Que l’on tourne en rond. Que l’EDI (échange de données informatisé) a été autorisé légalement. Sans que la facture numérique émerge et qu’elle prenne significativement sa place. Pourquoi ? Où
sont donc les blocages ?‘ Avec les EDI, la facture numérique a connu un faux départ, ausculte Jean Alécian, délégué général de l’Association des directeurs financiers et de contrôle de gestion (DFCG). Au début des années
quatre-vingt-dix, certaines grandes entreprises ont voulu imposer un diktat à leurs fournisseurs pour les obliger à transmettre leurs documents par voie électronique. Or, ces fournisseurs ­ principale- ment des PME ­ n’ont pas pu suivre, et les
projets ont souvent capoté. Et quand un projet capote une fois, c’est beaucoup plus dur de le lancer une seconde fois. C’est ce qui ce produit aujourd’hui. ‘
Voilà pourquoi, lorsqu’on parle de facture dématérialisée, les directeurs financiers feignent l’indifférence. Et ils auraient raison, car, ‘ tous les ans, les analystes et les consultants annoncent l’explosion du
marché,
reproche François Génin, directeur du développement des activités de Peoplesoft. Or, elle ne vient pas. ‘ En fait, le modèle américain de présentation et de paiement électronique EBPP (Electronic
Bill Presentment and Payment), essentiellement destiné aux particuliers, a échoué en Europe. ‘ Ce marché grand public est en fait peu intéressant en France, où les prélèvements automatiques sont très développés
‘,
estime Nicolas Routier, directeur général délégué stratégie et développement de La Poste.Il croit davantage aux échanges interentreprises. Même s’il vient de revendre son service Post@accès à Deskom, ‘ faute de perspectives à court terme sur ce marché ‘. De fait, le modèle
actuel, promu par les opérateurs, sous-tend une offre essentiellement destinée aux fournisseurs de factures, car ils devaient être les plus motivés. ‘ Ce qui s’est révélé faux ‘, analyse François Génin,
pour qui aucun acheteur ne peut envisager d’avoir un processus de gestion qui dépende de l’opérateur choisi par le fournisseur de la facture. Les factures dématérialisées gérées par ces opérateurs, qu’il s’agisse de B-Process, d’Answork, d’AS-POne,
de France Télécom ou de Post@cces/Deskom, n’étant pas, de plus, interopérables. Ce qui n’est pas adapté aux besoins de l’acheteur. Or, c’est ce dernier qui, généralement, mène la danse en cas de négociation. Voilà aussi pourquoi sont apparus des
systèmes de gestion internes à l’entreprise acheteuse, utilisant une ergonomie différente de celle offerte aux comptables, comme e-Settlements ou PAS International.

Des projets aux très fortes implications

Cette nécessité va dans le sens d’une séparation de la gestion et de la comptabilisation des factures. Ce qui est déjà le cas dans nombre d’entreprises ayant des comptabilités fournisseurs. Mais là réside un autre grand écueil : la
mise en place d’un flux électronique de gestion dématérialisé des factures peut provoquer une gigantesque réorganisation de tous les services administratifs de l’entreprise. Peu de DSI et de directeurs financiers n’osent véritablement lancer un tel
projet.Claude Changarnier, contrôleur financier Emea de Microsoft, en liste les trois aspects essentiels : ‘ La standardisation d’abord, qui consiste à mettre en place des plates-formes et des outils communs.
L’automatisation des chaînes de traitement ensuite, pour lier les achats aux facturations et aux livraisons/réceptions. La délégation aux employés enfin, pour qu’ils soient autonomes. ‘
Sa chance, reconnaît-il, est d’utiliser
un système d’information récent, bâti sans historique.Ce qui n’était pas le cas d’Alain Sommer, directeur finances gestion systèmes d’information d’Industeel. ‘ La dématérialisation, ça marche. Mais c’est très difficile à mettre en place. Par contre, dématérialiser
pour instaurer une méthodologie de changement, c’est très efficace ‘,
pointe-t-il, puisque la stratégie a été imposée sans discussion par sa direction générale. Il note que la dématérialisation modifie le régime des
responsabilités ­ et donc des pouvoirs ­ dans les flux comptables.A l’usage, ‘ il faut pouvoir auditer en permanence les systèmes
pour savoir qui fait quoi, qui a appuyé sur le bouton, à quel moment ‘. Cela d’autant que, lorsqu’on n’a plus
de trace écrite, il est parfois très dur de retrouver un document. Enfin, ‘ j’ai vu un workflow s’arrêter par manque d’intérêt des personnes, et les processus manuels revenir progressivement ­ d’abord par petites
touches ‘.
Les réticences à dématérialiser les factures sont fortes. Et, pourtant, deux éléments incitent à penser que 2003 lèvera certains freins. D’abord, la transposition en droit français de la directive européenne facilitera les aspects
réglementaires. Ensuite, la croissance du volume des achats en ligne, par le biais de l’e-procurement ou des places de marchés électroniques, rend évident le lienentre commande et facture. Comme d’autres, Answork l’a bien compris, en intégrant le
système e-Settlements de Peoplesoft dans les services d’achat en ligne de sa place de marché.

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Hubert d'Erceville