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Les bases de données en accès libre pillables avec modération

L’affaire PR Line/News Invest assouplit l’interprétation de la loi sur les bases de données de 1998. La réexploitation d’une base de données en accès libre sur Internet et sur un site concurrent est désormais admise si elle reste limitée.

La décision rendue par la cour d’appel de Versailles le 11 avril dernier ?” que le Forum des droits de l’Internet (FDI) vient de mettre en ligne ?” introduit une nouvelle nuance dans la législation, déjà un peu floue, sur les bases de données. Désormais, une société exploitant une base de données ne peut interdire la réutilisation d’une partie de son contenu par une entreprise concurrente, dès lors que son contenu est librement accessible sur Internet. PR Line, société créée en 1998 et spécialisée dans la diffusion des communiqués et des rapports annuels de sociétés cotées en Bourse, a été déboutée de la plainte qu’elle avait déposée contre sa concurrente, News Invest, créée en 1999.L’affaire remonte à septembre 1999. PR Line reproche à News Invest d’avoir réutilisé des communiqués de prline.com sur ses propres sites, newsinvest.fr et newsinvest.com. La plainte se fonde sur l’atteinte aux droits sur les bases de données, définie par la loi du 1er juillet 1998, à l’origine d’une partie des articles du code de la propriété intellectuelle (CPI). Le 16 mai 2000, le tribunal de commerce de Nanterre donne raison à PR Line, invoquant la “concurrence déloyale” de News Invest, qui a concurrencé “sans effort” PR Line par l’extraction de ses bases de données, fruit d’un travail conséquent en qualité. A ceci près, que PR Line est le simple rediffuseur de ces bases, et non le propriétaire.C’est la raison pour laquelle, la cour d’appel de Versailles a infirmé le jugement du tribunal de commerce, arguant qu’il n’y avait pas eu “concurrence déloyale”, News Invest n’ayant repris sur son site qu’une dizaine de communiqués et deux rapport annuels. Les extractions reprochées ne sont donc pas “substantielles” ni en quantité ni en qualité. Autre argument-clé : il n’y a pas eu violation de la loi de juillet 1998, ni même des droits d’auteur, News Invest ayant eu accès librement à ces données ” libres de droit, et disponibles sur la presse économique et sur Internet ” ?” ce qui inclut le site Web de PR Line. Ce dernier ne peut donc arguer de l’exception prévue à l’article L 342-3 du code de la propriété intellectuelle.

Extraire oui, mais un peu

Cette décision marque une inflexion par rapport aux affaires Keljob et France Télécom contre De Particulier à Particulier. En septembre dernier, Keljob a été condamné face à Cadremploi pour “extraction de base de données”. Et le 14 novembre dernier, c’est France Telecom qui était condamné, par la tribunal de grande instance de Paris, pour avoir diffusé des petites annonces de PAP sur son portail Voilà !. Là encore le travail massif de collecte de données était invoqué. En effet, “dans ces deux cas, estime Benoît Tabaka, avocat spécialisé dans le droit de l’Internet, la condamnation émanait d’une extraction massive, contrairement à l’affaire PR Line”.L’affaire PR Line précise donc quelque peu la loi de juillet 1998, qui relève du droit sui generis ?” en substance le droit produit par les jurisprudences. Elle limite le droit, pour les producteurs de données, d’interdire l’extraction ou la réutilisation du contenu de sa base. D’autant que ” cette loi n’est qu’une transposition d’une directive européenne de 1996. Or, la langue juridique de Bruxelles protège l’investissement, le temps passé, au-delà du droit d’auteur. Ce qui implique le droit d’empêcher l’extraction substantielle dune base de données “, analyse Cyril Rojinsky, avocat.Une question demeure : à partir de quand une extraction est-elle ” substantielle ” et donc condamnable ? Et la cour ” de passer sous silence la question de la concurrence “, pointe Benoît Tabaka.

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Capucine Cousin