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L’époustouflant stage d’immersion du sénateur

Bernard Seillier, élu de l’Aveyron, a passé deux jours dans la jeune pousse Cybersearch. La réalité de l’entreprise, sans fard.

A son arrivée chez Cybersearch, le sénateur de l’Aveyron, Bernard Seillier, a emprunté l’entrée dallée de marbre, sorte de galerie des glaces de l’immeuble. Puis il a suivi les modestes photocopies couleur indiquant les locaux de ce site de recrutement en ligne dirigé par Laurent Leguide. Un décalage entre rêve et réalité qui se révèle symptomatique de l’histoire de la jeune pousse. Pendant deux jours, l’élu, membre du groupe des non-inscrits ?” il fut autrefois sympathisant du Parti républicain ?” s’est volontiers plié à l’exercice baptisé “stage d’immersion en entreprise” organisé par le Sénat. But du jeu : comprendre le fonctionnement des entreprises de manière à proposer des textes de loi adéquats. Car, selon Bernard Seillier, “aujourd’hui, le plat de résistance des parlementaires est économique et social “. Mais, c’est aussi en qualité de président d’une mission locale chargée d’aider les jeunes en difficulté qu’il a choisi un site de recrutement pour effectuer son propre stage en entreprise.

” Allons en Bourse “

Le décor ainsi planté, dans une froide salle de réunion, l’entrepreneur raconte au parlementaire un parcours plein de remous, à faire frémir l’élu. L’histoire commence fin 1997, lorsque Laurent Leguide ?” 33 ans à ce jour ?” décide de créer sa société, une SARL au capital de 7 600 euros (50 000 francs), grâce à la vente de sa voiture. Puis, en plus de ce cabinet de recrutement, cet ancien consultant monte le site web Cybersearch l’année suivante. Fin 1999, un business angel lui propose 150 000 euros en échange du quart du capital. Marché conclu, d’autant que le riche investisseur voit l’avenir en grand : “Allons en Bourse”, dit-il. Un mois plus tard, les deux SARL ne forment plus qu’une seule société anonyme.Tandis que l’élu de l’Aveyron prend sagement des notes, Leguide poursuit : “En 2000, internet c’était le paradis. […] Les sociétés de capital-risque se battaient.” Ainsi la Caisse des dépôts et consignations propose 1,5 million d’euros pour 15 % du capital. L’offre fait rapidement l’objet d’une surenchère par les investisseurs d’Apollo Invest : 1,07 million d’euros pour 5 % du capital. Le visage de Bernard Seillier s’éclaire d’un sourire : “Et vous avez réussi à garder la tête froide ?” Le PDG rappelle qu’il fallait faire vite en cette année 2000 : conduire le recrutement de près de 100 personnes, la certification ISO 9 002 en l’espace de quatre mois, enfin la préparation de l’introduction en Bourse. Le sénateur est épaté.Prévue pour avril 2000 ?” soit en plein e-krach boursier ?” l’introduction a finalement lieu en juillet : “Si j’abandonnais, c’était le dépôt de bilan.”Mais voilà, quelques jours avant l’entrée en Bourse, les banques décident de se retirer. Tenaces, Leguide et son fidèle associé Bruno Banizette décrochent le téléphone et arrivent à convaincre une centaine de particuliers d’investir. La veille de l’introduction, il manque encore 610 000 euros, qui seront trouvés in extremis auprès d’un oncle. Malgré tout à 13 h 30, le visa est refusé car il manque un papier. L’un de ses investisseurs, appelé à la rescousse, intervient auprès de la COB. 14 h 00 : visa accepté. Mais pour l’entrepreneur, c’est le début des difficultés.Rien ne pourra empêcher les profit warning, au début de l’année dernière puis en novembre, de même que la réduction des effectifs, en juillet 2001, soit 60 départs (dont l’équipe dirigeante) sur un total de 120 salariés. Deux mois plus tard, Cybersearch affiche 152 000 euros de bénéfices, malgré la baisse d’activité que connaissent les sites d’emploi depuis les événements américains du 11 septembre 2001.

” Pas le choix “

Quant à l’année en cours, elle a tout d’abord été marquée par la mise en place des 35 heures, qui a entraîné le départ de six collaborateurs. Ils ont refusé ses conditions d’application, soit une heure de travail par jour en moins, autant dire une mesure virtuelle pour ces salariés dont les journées durent en moyenne 10 heures. Laurent Leguide fixe le sénateur et martèle son propos : “Je n’ai pas le choix” et évoque une prime de compensation. Il mise dorénavant sur une politique d’acquisition pour imposer le nom de sa société.Après ce récit jugé “époustouflant”, le sénateur s’interroge sur la légitimité du pouvoir législatif à intervenir dans la vie de l’entreprise. Mais, vaguement inquiet, il s’enquiert quand même auprès de chaque collaborateur de sa vie de famille.

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Valérie Quélier