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L’électronique est elle cinégénique ?

L’atterrissage du groupe à Hollywood a été difficile. Remis sur pieds, les studios Sony tentent aujourd’hui d’innover sur l’internet à haut débit.

Le mariage entre Sony, roi de l’électronique, et Hollywood, l’empire du cinéma, paraît toujours aussi étonnant. À la fin des années 1980, lorsque Sony s’est emparé de Columbia et Tri-Star, la maison japonaise ne savait pas vraiment comment gérer ses studios. Elle fit donc appel a des professionnels, les flamboyants Peter Guber et Jon Peters, et jeta dans la balance 200 millions de dollars (218,7 millions d’euros) pour rallier leur société de production à Sony. Las ! Quelques années plus tard, en 1998, le groupe encaissait une perte de 3,2 milliards de dollars, due, entre autres, aux extravagances de la direction américaine et aux pauvres performances de ses choix cinématographiques.

Rentabilité, le retour

Fini les paillettes, le champagne, la frime hollywoodienne. Après la débâcle, Sony a installé dans le fauteuil du PDG John Calley, un vétéran de United Artists, ami du metteur en scène Mike Nichols. L’homme est déterminé à jouer sa carte profil bas. John Calley relègue au placard les grosses productions à risque au bénéfice de films moyens, moins ambitieux et moins chers… mais capables de ramener quelques dollars dans les caisses de Sony. Quinze des dix-neuf derniers films produits par Sony ont été rentables. Tigre et Dragon (Crouching Tiger, Hidden Dragon), L’Homme sans ombre (Hollow Man), Un Mariage trop parfait (The Wedding Planner)… ont tous été de modestes succès commerciaux.

Un mariage peu parfait

Le prudent John Calley ose désormais rêver de films plus chers. À Noël sortira ainsi Ali, avec l’acteur Will Smith dans le rôle du boxeur Mohammed Ali, alias Cassius Clay. Suivront en 2002, Stuart Little 2, Men in Black 2 et Spiderman. La première histoire de la petite souris adoptée par la famille Little avait rapporté 300 millions de dollars au box office. Et Men in Black, l’original, avec Tommy Lee Jones et Will Smith en policiers d’élite combattant les extra terrestres, avait ramené 587 millions de dollars dans l’escarcelle de Sony en 1997 ! Rassuré, John Calley, a accepté de financer des numéros bis, en prenant des risques limités. Grâce à lui, les studios ont été remis sur la bonne voie. Ils affichent pour leurs actionnaires japonais un chiffre d’affaires de 9,3 milliards de dollars et 199 millions de dollars de bénéfices courants. Mais le défi d’origine, le mariage entre les gadgets électroniques de Sony et les contenus cinématographiques d’Hollywood, reste en suspens. Les juteuses synergies imaginées ne sont pas vraiment au rendez-vous. Et l’on en est toujours à se demander si cette créature à cinq pattes fera son apparition un jour sur le grand écran. Deux projets illustrent la quête de Sony : Screenblast et la vidéo à la demande sur PC.Cet été, Sony et quatre autres studios ?” MGM, Universal Studio, Paramount et Warner Bros ?” ont annoncé en grande pompe l’arrivée en 2002 de vidéos pour les bénéficiaires de l’internet à haut débit.

Évincer les pirates

Les films seront enregistrés sur l’ordinateur et pourront être vus par le spectateur durant une période de 30 jours. Les premiers foyers branchés, environ 1,5 million, paieront le tarif habituel pour une vidéo, 4 à 5 dollars la séance. L’initiative, loin de paraître audacieuse, a été jugée “inévitable” par les professionnels. “Les studios n’ont pas le choix, explique Rob Enderle, du groupe de consultants Giga Information. Les jeunes verront les films légalement ou en fraude. Mieux vaut donc anticiper le mouvement et commencer à offrir ce service.”

Screenblast megamix

Le site Screenblast, lui aussi sur l’internet à haut débit, semble plus innovant. Le projet de 35 millions de dollars laisse les internautes devenir metteurs en scène. Sony met à leur disposition des kilomètres de films, d’émissions télé, de musiques… et les apprentis créateurs travaillent sur ce matériel, imaginent leur propre film en y incorporant des effets spéciaux, des explosions archivées par Sony… Une fois le produit fini, il sera conservé sur le serveur Sony, prêt à être montré à l’entourage de l’apprenti créateur. La direction de Sony espère bien sûr vendre quelques gadgets maison dans la foulée : le passionné de Screenblast pourrait être tenté d’acheter caméras digitales, console de jeux Playstation ou l’indispensable logiciel Screenblast Creation Suite. Bien sûr, tout le succès de l’entreprise dépend de la percée de l’internet à haut débit. Aujourd’hui, seuls 8,6 millions de pionniers y ont accès. Ils seront 28,8 millions, espère-t-on, en 2005. Combien y a-t-il dapprentis sorciers parmi eux ?

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Caroline Talbot