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Lee Tien (EFF) : ” Les menaces contre les libertés individuelles sur Internet se multiplient “

Epic, Aclu, EFF, pas une semaine sans que le monde de l’Internet ne soit touché par un procès ou un communiqué de presse lancé par une de ces toutes-puissantes associations de défense des libertés individuelles américaines. L’un des juristes de l’Electronic Frontier Foundation (EFF) fait le point sur les combats qu’il mène aujourd’hui.

Lee Tien est l’un des juristes (First Amendment Attorney) de l’Electronic Frontier Foundation (EFF), une association qui milite aux Etats-Unis pour la protection des droits civiles.
01net. : A quoi sert une association de défense des libertés individuelles sur le Web ?
Lee Tien : En 1991, à nos débuts, Internet était loin, on en était à se demander si la police avait ou non le droit de regarder un disque dur. Notre principal inquiétude, et elle n’a pas changé depuis, c’est que les lois réprimant les crimes liés à l’informatique aillent trop loin. De fait, tout à changé avec le Communication Decency Act voté par le Congrès en 1996. Dès ce moment-là, les menaces contre les libertés civiques sur Internet n’ont fait que se multiplier.Qu’incluez-vous dans les libertés civiques ?Toutes les libertés garanties par la Constitution américaine : la liberté d’expression, le droit à la vie privée, la liberté contre la surveillance gouvernementale. L’idée est que la majorité ne doit pas dicter son opinion à la minorité.Depuis les événements du 11 septembre, les parlementaires américains travaillent à l’élaboration d’une nouvelle loi facilitant les enquêtes antiterroristes. La considérez-vous comme dangereuse ? Oui, avant tout parce qu’elle aura été rédigée sans de longues délibérations examinant soigneusement ses avantages et ses inconvénients. L’EFF est évidemment préoccupée par le terrorisme mais nous ne croyons pas qu’accroître la surveillance gouvernementale soit la réponse. Le risque est grand de menacer la vie privée sans véritable amélioration de la sécurité.Pourquoi faut-il s’inquiéter particulièrement pour Internet ?Prenez l’exemple des ” pen/trap devices “. Cette catégorie d’instruments d’écoute permet, dans le cas de la téléphonie, de collecter les numéros appelés et appelants. Comme cela ne permet pas de connaître le contenu d’une conversation, cela s’effectue sans grand contrôle de la justice.Incluez-vous le code source dans les modes d’expression à défendre ?Oui, parce que vous pouvez traduire un langage de programmation comme le C en commandes en anglais. Regardez le cas de Dmitry Sklyarov
[programmeur russe arrêté aux Etats-Unis pour avoir fait sauter les protections du livre électronique d’Adobe, NDLR]. Il y a typiquement conflit entre liberté d’expression et protection de la propriété intellectuelle. Sklyarov ne faisait que dire ce qu’il avait à dire.D’où vos batailles au sujet des brevets, de la propriété intellectuelle ?Ces règles empêchent les gens de s’exprimer. C’est pour cela que nous sommes impliqués dans les procès relatifs au DECSS
[code de protection pour les DVD, NDLR] et au SDMI
[méthode de protection de la musique en ligne, NDLR] où, à chaque fois, la volonté de réduire la liberté d’expression est manifeste. Les lois sur le copyright et le droit d’auteur ont le potentiel de contrôler ce que les gens ont le droit de faire, lire et dire.Quelle est votre position sur le procès Yahoo! ?Le contenu incriminé sur Yahoo! n’est pas illégal. Le premier amendement reconnaît aussi aux nazis le droit de s’exprimer, de manifester. Nous savons bien que chaque gouvernement a sa propre idée du monde, que ce qui est acceptable aux Etats-Unis ne l’est pas ailleurs. Mais, à l’instar des autres organisations de défense des libertés individuelles, nous croyons qu’une cour américaine créerait un précédent dangereux en validant les sanctions contre Yahoo!. Que se passera-t-il ensuite si Singapour ou la Chine ont les mêmes prétentions que la France ?Vos activités dépassent-elles les frontières américaines ?L’EFF fait partie du Glic [Global Internet Liberty Campaign, regroupement d’associations de défense des libertés individuelles, NDLR] mais sans y être vraiment actif. Nous entretenons surtout des liens avec des organisations de pays anglophones. Il y a quelques années, nous avions projeté l’ouverture d’un bureau en Belgique mais ça ne s’est pas fait, pour des raisons d’argent. Nos finances proviennent de donateurs individuels. Même si nous tombons parfois d’accord avec l’industrie, comme pour le procès Yahoo!, nous sommes le plus souvent en conflit avec elle ; il n’y a aucune chance de la voir sérieusement contribuer à l’EFF.

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Propos recueillis par Ludovic Nachury, à New York