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Le Web à l’infini

Libre, ouvert et universel, c’est ainsi que Tim Berners-Lee a voulu et conçu le World Wide Web. Vingt ans de révolution numérique et sociétale…

Que reste-t-il à inventer ? Depuis sa création, le Web n’a cessé d’évoluer, d’étendre ses champs d’application, de générer de nouveaux usages. Ses possibilités semblent infinies : Cloud Computing, recherche intelligente, identité numérique, interactivité, applications 3D, accès aux contenus de la Toile tout en étant hors-ligne… Comme si tous les champs possibles s’ouvraient à nous, un à un. Et nous n’avons pas fini d’être surpris avec l’arrivée du HTML5. Nouveau langage. Nouveau Web… L’inventeur du Web, Tim Berners-Lee, aurait-il pu imaginer jusqu’où irait sa découverte ? Son idée lumineuse a bouleversé les usages de la fin du XXe siècle.Nous sommes en 1989. Personne ne connaît l’Internet en dehors des milieux universitaires et de la recherche, l’usage du PC ne s’est pas encore démocratisé. Tim Berners-Lee est physicien au Cern (Organisation européenne pour la recherche nucléaire), en Suisse. Devant la masse d’informations et de documents qu’émettent les scientifiques, il réfléchit depuis quelques années à un moyen de regrouper les différentes données du laboratoire et de faciliter leur transmission en interne. Le jeune homme présente alors à ses supérieurs un projet baptisé “ Gestion de l’information : une proposition ”. Il s’agit d’un système qui permet de transférer des informations sur Internet grâce à des liens hypertextes et de naviguer facilement d’un texte à l’autre sur les pages du réseau. Grâce à cet outil, les chercheurs du Cern peuvent mettre en commun toutes les données stockées dans les ordinateurs du laboratoire. Un an plus tard, Robert Cailliau, un ingénieur systèmes, rejoint le projet et l’équipe développe alors les trois technologies qui poseront les fondements du Web : le HTTP, un protocole grâce auquel un ordinateur peut accéder facilement à un serveur, le HTML qui permet d’agencer et de mettre en forme des contenus (texte, images, liens) sur des pages Web, et les adresses Web ou URL, indispensables pour identifier une page et son emplacement par un utilisateur.

Nourri aux technologies d’Internet

Il faut alors donner un nom à ce système d’édition et de navigation. Après mûres réflexions, le système est baptisé World Wide Web, la grande Toile mondiale. Il a failli s’appeler MOI (pour Mine of Information, une mine d’information), ou TIM (pour The Information Mine). Le World Wide Web, une appellation compliquée à prononcer, sera plus connu sous le sigle WWW, puis prendra rapidement le diminutif de Web dans le langage courant. Son apparition va permettre de populariser Internet, alors qu’il n’en est qu’une application (au même titre que la messagerie instantanée ou le courrier électronique). Pourtant, très vite, les deux termes ? Internet et Web ? vont se confondre dans l’esprit du grand public.Les premiers serveurs Web étaient uniquement implantés dans des laboratoires européens, les seuls lieux à posséder des ordinateurs suffisamment sophistiqués pour avoir accès à la plate-forme NeXT du Cern sur laquelle le premier navigateur s’exécutait. En 1991, un navigateur, capable de fonctionner sur n’importe quel ordinateur ou terminal, est testé. Le World Wide Web s’exporte aux États-Unis, où le premier serveur Web américain est installé en décembre de la même année, au Slac, un institut de recherche de Stanford. Pour accélérer son développement, Tim Berners-Lee lance un appel aux développeurs via Internet. L’une des grandes contributions de cet esprit novateur fut peut-être d’avoir rendu son idée totalement libre, sans brevet ni droits. Le tout en combinant les technologies présentes dans les ordinateurs personnels, issues des réseaux informatiques et de l’hypertexte, au cœur d’un système d’information mondial puissant et facile à utiliser.Car le Web est lié à Internet comme l’araignée à sa toile. Il repose sur les technologies d’Internet, plus particulièrement les protocoles TCP/IP qui permettent d’assurer le transfert des données, le DNS pour convertir les noms d’utilisateurs en adresses numériques (IP), le standard MIME pour gérer les différents formats de données.

La guerre des navigateurs

Tim Berners-Lee fonde en 1994 le World Wide Web Consortium (W3C), un organisme qui réunit plusieurs sociétés décidées à créer des standards basés uniquement sur des technologies libres de tout droit afin que chacun puisse les utiliser. À la fin de cette même année, le Web comptait 10 000 serveurs et 10 millions d’utilisateurs.Mais pas de Web sans navigateur : l’idée fait son chemin dans le petit monde de l’informatique. Au Centre national pour les applications de super-informatique (NCSA) de l’université de l’Illinois, un étudiant, Marc Andreessen, met au point en 1993 la première version de Mosaic, un navigateur gratuit exécutable dans un environnement X-Window pour les systèmes Unix, très populaires dans la communauté de la recherche. De nouvelles versions suivent, destinées à rendre le Web accessible aux PC et aux Macintosh. Elles posent les bases de ce que seront les navigateurs modernes. La popularité du Web s’accroît au rythme de ses développements. Le jeune étudiant ne s’arrête pas là. Avec son équipe issue de NCSA, il sort, un an après, Netscape Navigator, le premier navigateur commercial qui va, en quelques mois, supplanter Mosaic et dominer le marché. Un succès aussi foudroyant qu’éphémère. Car devant le fabuleux potentiel que génère le Web, Microso lance dans la foulée son propre outil, Internet Explorer, et avec lui la guerre des navigateurs.Netscape ne peut plus suivre face aux pratiques commerciales agressives de la firme qui intègre son navigateur à Windows 95. L’équipe fonde alors en 1998 le groupe Mozilla pour tenter de créer un navigateur libre et gratuit. Quand Mozilla 1.0 sort en 2002, Internet Explorer détient déjà 90 % du marché. La partie est perdue pour Netscape qui jette l’éponge. La guerre sera relancée avec la sortie de Firefox en 2004. Face à un Internet Explorer que Microsoft tarde à réactualiser et à sécuriser, les navigateurs alternatifs modernes tels que Firefox, Konqueror, Safari et Opera ont leur chance. Tous contribuent au développement du Web, qui devient de plus en plus accessible et explore de nouvelles directions.

Une plate-forme communautaire

La souplesse de communication qu’apporte le Web, sa facilité d’utilisation, ses avancées technologiques et l’évolution de ses contenus donneront naissance, dans les années 2000, au phénomène du “ Web 2.0 ”. Le Web se transforme en plate-forme communautaire, interactive au sein de laquelle les internautes deviennent des auteurs et des acteurs qui alimentent les sites en contenus. C’est l’éditeur et auteur d’ouvrages informatiques Tim O’Reilly qui a consacré le terme Web 2.0 en 2005.Avec des nouvelles technologies comme la messagerie instantanée (apparue en 1996) et les courriers électroniques plus la baisse des prix d’accès au Net, les utilisateurs sont de plus en plus nombreux à s’approprier la Toile. Les interfaces s’enrichissent, les architectures sont plus flexibles, les protocoles de communication plus ouverts. Le trafic s’intensifie, le Web n’est plus uniquement un outil de collecte de documents. Il devient un espace de socialisation. Sur la Toile fleurissent les forums, les blogs et des communautés virtuelles : l’encyclopédie en ligne Wikipédia en 2001, le site de réseautage social MySpace en 2003, le réseau professionnel LinkedIn la même année. Le plus célèbre des réseaux sociaux Facebook voit le jour en 2004. Il transforme radicalement le Web qui devient un lieu où l’on se rencontre entre amis, en famille, pour échanger… dans une toute relative intimité.

La guerre de la mobilité

En parallèle, le commerce électronique monte à l’assaut de la Toile jusqu’à l’affleurement d’un modèle économique nouveau en 1995, avec les deux pionniers Amazon et eBay. Le Web prend alors un tournant commercial majeur. La plupart des marques s’engouffrent sur ce créneau très porteur et les boutiques en ligne explosent. Mais ça, c’est une autre histoire, que l’on vous contera bientôt… Conçu pour être accessible avec tout type de matériels informatiques, le Web franchit un nouveau cap avec l’arrivée des smartphones, ces téléphones portables intelligents qui combinent les fonctions de l’Internet, du multimédia, de la géolocalisation et de la téléphonie.Après les balbutiements du langage Wap se sont développés les premiers navigateurs mobiles, comme Pocket Internet Explorer sur PocketPC en 2000. La généralisation des réseaux Wi-Fi dans les années qui suivront contribuera à l’expansion du Web mobile. Avec l’apparition de l’iPhone en 2007 et de son navigateur Safari, une nouvelle étape est franchie vers le grand public. Surfer sur le Web peut désormais se faire facilement de n’importe quel endroit.La guerre a repris entre la dizaine de navigateurs mobiles lancée sur le marché. Tous veulent leur part du gâteau : Internet Explorer Mobile, Opera, Firefox, Chrome… Avec l’accès aux images, aux vidéos, aux jeux, au tchat, à la télévision, les services Web mobiles se multiplient. La convergence facilite les usages. Plus besoin d’être relié à son PC pour accéder à ses données ou ses sites préférés avec son téléphone portable. Tout passe au travers des services hébergés en ligne. “ Le pouvoir du Web est son universalité ”, affirmait Tim Berners-Lee. Plus de vingt ans ont passé depuis la naissance du Web. Le langage HTML, qui était resté figé depuis dix ans à sa version 4.0.1, ne suffit plus à fournir des contenus de plus en plus sophistiqués et homogènes. En 2007, le W3C et les éditeurs de navigation décident alors de créer un groupe de travail autour du HTML 5.Ce nouveau langage de balisage des pages Web préfigure les enjeux et les performances du Web de demain. Parmi les technologies en cours de développement, l’amélioration des interfaces de programmation permettra l’intégration et le contrôle des contenus audio et vidéo sans plug-in ou encore la possibilité de modifier le contenu, la structure et le style des documents de manière interactive. Des navigateurs comme Firefox, Chrome et depuis peu Internet Explorer dans sa version 9 (lire l’encadré ci-contre) en tirent profit de mieux en mieux.

Demain, le Web intelligent

Plus ambitieux encore s’annonce le projet de Web sémantique ou Web 3.0. Un Web “ intelligent ”, capable de comprendre au plus près nos requêtes, d’interpréter leur contexte et de nous envoyer des résultats toujours plus pertinents. Cette technologie doit permettre l’intégration et la combinaison de données provenant de sources diverses que les moteurs de recherche et les sites seraient à même d’interpréter. Tim Berners-Lee la présente comme “ la prochaine évolution ”, aussi importante que l’invention du World Wide Web lui-même.

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Frédérique Crépin