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Le stylo communicant au secours des skieurs

Les pisteurs secouristes de Courchevel renouvellent une expérience originale. Ils envoient les informations médicales urgentes à l’aide d’un stylo à bille à reconnaissance numérique d’écriture.

‘ Quand un collègue m’a montré ce gros stylo pendant l’été 2003, j’ai immédiatement visualisé comment améliorer le travail des pisteurs ‘, raconte Lucien Cadoz,
directeur de l’information médicale du syndicat interhospitalier de Tarentaise. En collaboration avec France Télécom R&D et l’ANPSP (Association nationale des professionnels de la sécurité des pistes), la Société des Trois Vallées
a mis en place depuis l’hiver dernier un système de transmission des diagnostics exploitant
la technologie Anoto. Celle-ci se compose d’un stylo intégrant une microcaméra infrarouge chargée de capturer tous les mouvements effectués sur une feuille de papier au tramage
spécial et de les convertir en données numériques.Dans la pratique, les secouristes décrivent l’état d’un blessé en cochant diverses cases d’un formulaire préétabli. Le bilan est immédiatement transmis aux autorités administratives et médicales de la vallée :
les données transitent du stylo vers un téléphone mobile par une connexion
Bluetooth, puis sont transférées par
GPRS.Dès qu’il découvre cette technologie, Lucien Cadoz contacte les chercheurs de France Télécom R&D de Meylan (38), qu’il connaît bien pour avoir développé avec eux des projets de télémédecine.
‘ France Télécom R&D disposait de la technologie Anoto. Dès lors, l’objectif de cette expérimentation n’était pas d’accomplir une prouesse technique, mais de vérifier qu’elle était utilisable
sur le terrain ‘,
continue Lucien Cadoz.

Un outil structurant

L’expérience démarre l’hiver 2003-2004, avec, dans un premier temps, des formulaires transmis sous forme d’images. Sur le site des Trois Vallées, trois postes de secours ont été équipés chacun de deux stylos
numériques. Un soin particulier a été apporté à la rédaction des formulaires de saisie durant l’automne 2003.‘ L’utilisation d’un tel outil fournit aux pisteurs une méthode de travail rigoureuse. On ne transmet pas des données électroniques de la même façon que l’on parle à la radio. L’outil
lui-même est structurant ‘,
relève Lucien Cadoz. D’ordinaire, la transmission des informations sur les blessés s’effectue par liaison radio : le pisteur contacte son responsable, puis celui-ci ou la
secrétaire du central de secours avertit les services de secours compétents.Avec cette solution de stylo Anoto, le secouriste transmet les informations aux destinataires institutionnels (tel le responsable des secouristes) ou occasionnels (par exemple, le SMUR héliporté). La mise en ?”uvre technique
d’Anoto n’a pas posé de problèmes.Seul petit souci climatique : la bille du stylo qui gelait, empêchant le pisteur de voir ce qu’il écrivait, même si cela ne gêne pas la transmission des informations. Un signal sonore indique au secouriste que le message a
bien été reçu sur le serveur central. Pour les cas graves, le pisteur peut cocher sur le formulaire la case ‘ Me rappeler ‘.‘ L’hiver dernier, on envoyait une image sur le serveur central ; le contenu devait être ensuite saisi manuellement dans la base de données des accidents de montagne. Cet hiver, nous mettrons en place
le renseignement automatique de cette base, pour éviter les redondances de saisie ‘,
indique Lucien Cadoz. Autre évolution, la taille des feuilles de papier (à l’origine en A4) devrait être réduite pour faciliter son
transport par les pisteurs.De fait, certains d’entre eux montraient encore des réticences à l’issue de la première saison d’expérimentation : ‘ Nous avons profité de l’été pour discuter avec eux de tous les
avantages. Par exemple, après une intervention, un pisteur devait remettre un formulaire au médecin, un formulaire de reconnaissance de dette au blessé, et retourner au central de secours pour poser les originaux. Grâce à Anoto, la dernière étape
est supprimée. Résultat, les réticences ont disparu ‘,
affirme Lucien Cardoz.

Anticiper l’hospitalisation

Laurent Fillion, directeur du domaine skiable de Courchevel et de La Tania, émet toutefois encore quelques réserves sur la solution Anoto : ‘ À la radio, tout le monde, dans le central, entend ce qui se
passe, et peut réagir si le pisteur a oublié certains éléments importants comme, par exemple, que l’accident a eu lieu dans un endroit où les câbles de téléphériques pourraient gêner l’intervention de l’hélicoptère… Autre
handicap, les pisteurs, qui, d’ordinaire, ne font que du secours, doivent remplir des papiers, ce qui représente une surcharge de travail à un moment mal choisi. Reste que cette solution est très simple d’utilisation et qu’elle
permet aux hôpitaux d’anticiper l’arrivée de blessés. ‘
De fait, si la technologie Anoto n’accélère pas les secours, elle améliore leur régulation. À noter que les pisteurs disposent toujours d’une radio pour les zones où la liaison GPRS n’est pas possible.
‘ En informatique, il faut jouer des complémentarités ‘, explique Lucien Cadoz.Cette année, les champs d’expérimentation du stylo Anoto s’élargissent. Les pisteurs ‘ nivologues ‘, chargés de surveiller la température et la profondeur de la neige afin de prévoir les
avalanches, enverront aussi leurs informations à la météo par Anoto, et non plus par fax. Concernant les secours sur les pistes, l’opération s’étendra cet hiver à d’autres sites (transmission de fichiers images sur Tignes, La
Plagne, Val-Thorens, Les Menuires…), tandis qu’elle sera approfondie sur le site des Trois Vallées, avec la saisie automatique dans la base de données des accidents de montagne.

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Pierre Berlemont