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Le renseignement vit actuellement un «âge d’or», selon la NSA

Dans un document stratégique, le service secret dévoile son désir de puissance, voulant tout surveiller à n’importe quel moment. L’usage généralisé du chiffrement apparaît comme l’un des principaux obstacles sur sa route.

Etre capable de siphonner les données de « n’importe qui, n’importe quand, n’importe où », tel est l’objectif que s’est fixé la NSA pour ces prochaines années. Et c’est elle-même qui le dit dans un document datant de février 2012 et intitulé « SIGINT Strategy 2012-2016 » que vient de révéler le New York Times, sur la base des documents d’Edward Snowden. « SIGINT » est l’abréviation de « Signal Intelligence » et veut dire surveillance électronique.

Ce but d’omnipotence peut sembler ambitieux, voire prétentieux. Pourtant, le service secret américain est assez confiant, car il estime que le monde actuel, de plus en plus interconnecté par l’Internet, vit un « âge d’or du renseignement électronique ».  D’ailleurs, la NSA n’est pas très loin de cet objectif et a des idées assez précises sur la manière d’y arriver. Ainsi, le New York Times révèle l’existence d’un nouveau programme baptisé « Treasure Map », c’est-à-dire « Carte aux trésors ». Il s’agit ni plus ni moins d’une carte interactive de l’Internet global, capable de référencer entre 30 et 50 millions d’adresses IP en temps réel, avec à la clé des informations précises sur l’équipement associé, son type (ordinateur, tablette, routeur…), son propriétaire, sa localisation géographique, etc. Ces données proviennent des différents programmes de surveillance mis en place, et dont nous avons déjà parlé (Prism, Muscular, Special Source Operations, etc.). En particulier, il s’appuie sur « Packaged Goods », un programme capable de suivre les chemins que prennent les données sur la Toile.

Influencer les fournisseurs de technologies

Evidemment, il existe aussi des obstacles sur la feuille de route de la NSA. L’usage généralisé du chiffrement par les entreprises et les personnes est l’un d’entre eux. Pour le contourner, le document stratégique propose de continuer la recherche sur la « cryptanalyse », c’est-à-dire les moyens techniques et algorithmiques permettant de casser un chiffrement. En particulier, il faut investir dans le calcul haute performance et les supercalculateurs (High Performance Computing). Un autre moyen de contourner le chiffrement est d’avoir ses entrées chez les fournisseurs de technologies avec qui la NSA envisage de multiplier les partenariats commerciaux. Si de tels accords ne sont pas possibles, il faudra recourir à l’espionnage traditionnel, basé sur les écoutes ou le renseignement humain (« HUMINT »).

Un autre grand obstacle est d’ordre politique. Selon la NSA, le cadre légal de la surveillance ne correspond plus à la réalité du terrain, confronté à une mutation rapide et incessante des technologies. Par conséquent, il faudrait instaurer une politique plus « flexible » en la matière. Cette exigence était formulée avant les révélations d’Edward Snowden. Compte tenu des répercussions politiques que celles-ci vont engendrer, on peut estimer (voire espérer) que la NSA n’atteindra pas son objectif sur ce point.

Les cyberattaques, un risque pour la suprématie américaine

Pour autant, il est peu probable que la NSA mette un frein à ses programmes R&D, ne serait-ce que pouvoir anticiper et déjouer les cyberattaques. En effet, celles-ci sont perçues par la NSA comme un véritable risque à la suprématie américaine. « Les cyberattaques offrent un moyen d’éclipser la dominance militaire conventionnelle américaine, et cela d’une manière instantanée et difficile à analyser. Ces attaques ne créeraient pas des millions de morts comme les attaques nucléaires, mais elles pourraient paralyser le pays de la même manière », peut-on lire dans le document. En effet, développer un virus sophistiqué coûtera toujours moins cher que d’investir dans un arsenal de missiles nucléaires…

Lire aussi:

Face aux risques d’espionnage, Twitter muscle son chiffrement, le 25/11/2013
Surveillance de la NSA, les Etats-Unis admettent des problèmes en Europe, le 19/11/2013
Notre dossier sur la surveillance américaine

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Gilbert Kallenborn