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Le régime juridique des noms de domaine

Le contentieux du nom de domaine a été et restera certainement encore longtemps l’un des premiers contentieux de l’internet. Les décisions ne cessent de tomber dans la plupart des pays du monde.

Si aujourd’hui les questions simples comme : ” Comment lutter contre le cybersquatting ? “ sont apparemment bien résolues, d’autres questions n’ont pas encore trouvé une réponse définitive ou totalement satisfaisante, comme : ” Le nom de domaine est-il créateur de droit ? Quelle est la qualification juridique du nom de domaine ? Le nom de domaine peut-il être cédé ou vendu ?… ou encore ” Que ce passe t-il lorsqu’il y a des conflits de droits légitimes ? Le nom de domaine fait-il partie du patrimoine de l’entreprise ? “…Le projet de loi dit LSI tente, au moins pour l’espace ” .fr ” d’appréhender un certain nombre de ces questions.

Bonjour à tous et à toutes. Nous sommes très heureux de recevoir Eric Barbry. Bonsoir à tous et merci pour cette nouvelle invitation. Romeo : A qui doit-on s’adresser pour déposer un nom de domaine ? (J’ai lu que plusieurs organismes revendiquaient cela) Cela dépend du type de nom de domaine que vous souhaitez enregistrer. Il y a globalement ce que l’on appelle les gTLD et les ccTLD. Autrement dit, il y a les noms de domaine génériques de type “.com” et les noms de domaine géographiques comme la zone “.fr” pour les noms de domaine français. Lucas : Y-a-t-il eu un procès concernant un nom de domaine qui a fait jurisprudence ? Je n’ose pas vous donner le nombre car il est considérable tout aussi bien en France qu’à l’étranger. On peut même dire que le contentieux des noms de domaine a été et reste encore le PREMIER contentieux de l’Internet. Lucas : Alors peut-être un procès retentissant qui a fait date ? En tout cas merci ! Beaucoup de jurisprudences sont diffusées en ligne comme sur le site de l’APP (legalis.net) ou sur celui de juriscom.net. Les dernières jurisprudences, en tout cas celles qui sont diffusées en ligne portent sur des marques ou des noms de domaines Danone, VSD, Garnier, etc.Elise : Les problèmes concernant les noms de domaines se soldent souvent par un accord financier non ? Y-a-t-il des cas où cela s’est mal passé (en France) ? Mal passé pour qui ? En réalité généralement cela se passe toujours mal pour ce que l’on appelle les cyber-squatteurs c’est-à-dire les personnes qui pensent pouvoir enregistrer le nom de domaine d’une grande entreprise pour le lui revendre. Mais vous avez raison, beaucoup de litiges font l’objet de transactions et donc de règlements financiers. Thom : Si mon nom de famille est Lacoste par exemple, puis-je encore ouvrir un site lacoste.fr ou lacoste.com si cela n’a pas été encore déposé ? La question a déjà été soulevée devant les juridictions pour une grande marque dont évidemment je tairais le nom. Une personne revendiquait de par son patronyme, le droit d’enregistrer un nom de domaine en “.com” a la place d’une marque notoire. La décision rendue rappelle que dans le cas d’espèce la personne n’apportait pas la preuve de son identité et que ses agissements pouvaient emporter un risque de confusion dans l’esprit du public et il a donc été condamné à arrêter toute utilisation dudit nom de domaine. Là encore pour plus de précision je vous invite a aller sur le site legalis.net.Elise : On peut donc encore gagner gros avec des noms de domaines qui peuvent intéresser des marques ? 🙂 ? Je pense tout le contraire. En réalité cela peut coûter très cher à celui qui agit en fraude des droits d’une société qui dispose d’une marque. Rares sont aujourd’hui les cas ou les entreprises sont prêtes à payer pour récupérer ce qui leur appartient. Lorsque je parle de transaction, je parle de transaction au bénéfice des entreprises et non à celui des cyber-squatters. Fyr : L’aventure de monsieur Diop avec Vizzavi peut-elle se reproduire aujourd’hui encore ? Pouvez m’éclairer d’avantage car j’avoue que si je connais plusieurs centaines de décisions je ne suis pas en mesure de toutes les connaître (heureusement :-)). Chacha : Quelle limitation de responsabilité peut imposer un organisme enregistrant et gérant des noms de domaine ? Ces règles existent déjà chez a peu près tous les professionnels qui gravitent autour des noms de domaine. Qu’il s’agisse des règles de nommage établies par les registres ou de celles des prestataires qui enregistrent les noms de domaine pour le compte de leur client. Les unes sont généralement définies dans ce que l’on appelle les “Chartes” ou les “Terms & Conditions” les autres sont inscrites dans les contrats ou les bons de commandes des professionnels. En général tout le monde dégage, ou devrais-je dire transfère, sa responsabilité sur le voisin. Audrey : J’ai vu que beaucoup d’entreprises spécialisées avaient déjà déposé beaucoup de noms de domaine ! Ce business est-il lucratif ? Il doit l’être puisque nombreuses sont les entreprises qui proposent des services autour des noms de domaine mais leur réussite (commerciale j’entends) n’est pas au rendez-vous de la même manière pour tout le monde. Fyc : Ababacar Diop, leader du mouvement des sans-papiers a gagné plusieurs millions de francs en revendant son adresse vizzavi.fr à Vivendi ! Cela vous éclaire ? Parfaitement, je vois très précisément de quoi vous parlez mais comme il y a aussi eu un contentieux autour de ce même nom de domaine je voulais que vous m’éclaircissiez avant de répondre à côté. Pour ce qui concerne ce dossier, il semble effectivement qu’il y ait eu cession d’un nom de domaine mais à ma connaissance il n’y avait alors pas de contentieux sur l’origine même du nom de domaine déposé. Plus généralement, il y a effectivement des personnes qui “inventent” des noms de domaines “porteurs” qui ne sont pas attentatoires aux droits d’un tiers. Dans cette circonstance, rien ne s’oppose à ce type de transaction.Sms : Quelle est la légitimité de l’Afnic dans l’attribution des noms de domaines .fr ? Cette légitimité a été reconnue à plusieurs reprises par les tribunaux et sera prochainement confirmée par la LSI (loi sur la société de l’information). Nelly : Vous pouvez nous parler un peu plus du projet de loi LSI, je suis un peu perdue ! Depuis que l’Internet est entré dans nos vies de nombreuses lois ont démontré certaines carences. L’objectif global de la LSI est de modifier un certain nombre de lois existantes pour, le cas échéant les mettre au goût du jour, c’est-à-dire intégrer les conséquences de l’Internet. Vero : Vous êtes-vous déjà occupé vous mêmes de litiges concernant un nom de domaine ? (Enfin si vous avez le droit d’en parler ! lol ) Oui à la première question, non à la seconde. 🙂 .Chacha : Peut-on, dans un contrat avec un registrar, imposer une clause de réversibilité afin que ce dernier s’oblige à prendre toutes les mesures et frais pour assurer le transfert des noms de domaine à une autre entreprise ? Pourquoi pas mais je ne crois pas ce que soit le cas à l’heure actuelle, sauf à me détromper, il est vrai que quelque soit le contrat envisagé (accès, hébergement, nom de domaine, etc.) il est important de prévoir ce type de clause, qui comme vous le dites s’appelle une clause de “réversibilité”. Alfy : Si un nom de domaine existe déjà en .com, est-il de ce fait plus difficile de déposer la même chose en .fr ? Non, rien ne l’empêche, sauf le respect de la Charte de l’Afnic et évidemment le droit des tiers. Business : Que faire quand deux sociétés homonymes (même sigle) veulent ouvrir leur site ? Qui a plus le droit que l’autre d’avoir son nom de domaine ? Là encore il m’est difficile de répondre de manière rapide, voire même brutale, mais ce que l’on peut dire c’est que nous sommes dans un situation déjà connue en matière de droit des marques qui est le conflit de légitimité. Il est fort à parier que dans ce type de situation le juge privilégiera la règle du premier arrivé, premier servi, dès lors que l’enregistrement du premier n’est pas uniquement destiné à parasiter ou à faire de l’ombre au second. Sur Internet il y a aujourd’hui beaucoup de situation de coexistence “pacifique” de noms de domaine.Alfy : Excusez mon ignorance , mais la charte de l’Afnic, elle consiste en quoi ? (Et ne me dites pas, allez sur le site de l’Afnic !!! lol ). Merci de vos conseils avisés en tout cas ! Commençons donc par le début de l’Histoire, l’Afnic est l’organisme qui est chargé d’organiser la zone “.fr” et depuis quelques mois je crois, la zone “re” pour l’Ile de la Réunion. L’enregistrement des noms de domaines tous comme tous les actes qui sont pris postérieurement (transfert, suppression, changement de FAI, etc.) sont réalisés sur la base d’une règle générale et harmonisée que l’on appelle la “Charte Afnic”. Il s’agit en fait des “règles du jeu” applicable a tous pour la zone “.fr”.Chacha : Que pensez-vous de l’arrêt 7ways du 13 septembre 2001 qui précisait que l’on ne peut pas mettre à la charge des registrars en .com le soin de vérifier la disponibilité des termes susceptibles d’être réservés en noms de domaine ? C’est au travers de cette question, toute la problématique de la responsabilité des intermédiaires qui est posée. Je pense effectivement que la demande émane avant tout d’un client et que son comportement est le premier fautif. Pour le reste il faudra savoir aussi apprécier les cas d’espèce ou l’intermédiaire, quel qu’il soit pourra aussi être considéré comme ayant activement participé à la faute. Tout dépend aussi des engagements contractuels pris par les parties. Pierre : On oublie aussi de dire qu’il y a beaucoup d’extensions libres (700 je crois sur le site INDOMCO). On peut tout à fait cohabiter avec montblanc.fr et montblanc.biz pour reprendre des exemples célèbres. C’est un bon exemple, que j’ai soigneusement évité d’évoquer pour éviter que je sois moi-même auteur d’une “contrefaçon” ;-). Soso : Pensez-vous que les nouvelles extensions à l’étude résoudrons les problèmes de noms de domaines ? Franchement… non je crains exactement le contraire. Bandit : Combien ça coûte de déposer un nom de domaine ? En .com, .fr et .net , quels sont les différents tarifs ! Merci ! Si vous vous y retrouvez je vous engage… Plaisanterie mise à part les tarifs sont généralement libres. Si l’on prend par exemple la seule zone .fr il y a un tarif indicatif de l’Afnic mais en réalité chaque prestataire va proposer son propre tarif qui va essentiellement dépendre des services à valeur ajoutée qu’il peut proposer à son client.Curieux : Quelles sont les dernières décisions en matière de contentieux de noms de domaines qui vous semblent tenter de régler les problèmes ? A vous entendre, on va avoir besoin de plus en plus de vous pour régler ces conflits ! Avocat sur le net , un vrai métier d’avenir ! ( humour :))) ) Merci de vos réponses en tout cas 🙂 Les premières décisions étaient relativement simples. Il suffisait presque de se présenter avec une marque pour avoir gain de cause (en cas de cyber-squating s’entend). Les dernières décisions sont plus exigeantes et entrent dans le détail de l’existence ou non de la marque, de l’existence ou non d’une concurrence déloyale. Il faut aussi savoir apprécier les évolutions dans les décisions qui pour certaines demandent la suppression des noms de domaine en cause et pour d’autre imposent le transfert. Il y a même aujourd’hui une jurisprudence fort intéressante sur la protection même du nom de domaine en l’absence de toute marque. Enfin il y a la “fameuse” Danone à la frontière entre la contrefaçon, la dérision, l’humour et le dénigrement. Comme vous le voyez nous n’avons pas fini, mais ne croyez pas que nous y prenions un vrai plaisir, le rôle de l’avocat est plus de créer que de détruire (non je ne suis pas démago 🙂 Suzie : Quel serait le mode d’attribution “idéal” des nouveaux noms de domaine ? (cf attribution par tirage au sort des .biz) Je pense très franchement que le respect des droits est la seule règle qui peut s’appliquer par principe. Tout le reste, premier arrivé premier servi, tirage au sort, etc. ne sont que des règles de mise en oeuvre pour tenter d’assurer une règle neutre et transparente.Chacha : Existe-t-il un site sur lequel on peut retrouver tous les noms de domaine qu’une société a réservé ? Je ne crois pas mais encore une fois je n’ai pas la prétention de tout connaître. Il existe malgré tout de très nombreuses bases de données sur les noms de domaine enregistrés avec des moteurs de recherches performants.Jacques : C’est curieux de parler de noms de domaines toujours en terme de protection. Pour reprendre un exemple d’un intervenant de tout à l’heure, rien n’empêche de vendre du chocolat sur montblanc.fr et des stylos sur montblanc.biz ? Si c’est une activité réelle oui, mais si c’est pour procéder à une concurrence déloyale ou un agissement parasitaire alors il y a faute, ce qui veut dire “protection” de la victime. On parle effectivement plus facilement de protection par ce que seul les contentieux font les grands titres des journaux alors que les contrats et les choses bien faites ne posent pas de problème. Dede : Peut-on céder ou vendre facilement son nom de domaine ? Quels sont les pièges à éviter ? Comme dans tous les contrats, car la cession d’un nom de domaine doit faire l’objet d’un contrat pour être bien protégé (pardon de parler encore de protection :-), ce qui est important c’est la garantie que va vous apporter celui qui vous cède le nom de domaine notamment sur sa disponibilité et l’absence de contentieux en cours.Sonda : Le projet de loi Lsi est-il en accord avec les dispositions des autres pays européens ? Son objectif est effectivement non seulement de toiletter les lois existantes mais aussi de les mettre en harmonie avec les directives communautaires qui sont nombreuses à s’appliquer sur le Net comme par exemple la question des contrats à distance, la signature électronique ou encore la responsabilité des prestataires internet. Jacques : Ca prouve bien que des marques légitimes peuvent cohabiter sur le net et que la règle stricte du .fr (1 nom, 1 propriétaire) ne reflète pas l’ouverture sur le monde que permet l’internet. Pardonnez-moi mais je crois que vous vous méprenez sur les termes de la Charte de l’Afnic car a ma connaissance il n’y a plus la restriction que vous indiquez, je crois que la limite est fixée aujourd’hui à 5 noms de domaines mais je peux me tromper. Il s’agit là sans doute d’une première évolution qui en appellera peut-être d’autres. La Charte a déjà beaucoup évolué cette année.Di : Quel intérêt, le .name qui sort dans quelques jours ? Permettre sans doute le dépôt de noms de domaine des personnes physiques qui est toujours un peu compliqué surtout en cas d’homonymie avec le nom des sociétés. Fille : Comment valorise-t-on un nom de domaine pour une entreprise ? Cela fait-il parti de son patrimoine ?Sur un plan juridique je pense que oui. D’ailleurs il suffit de voir les quelques décisions prises à l’occasion de procédures de liquidations judiciaires où les noms de domaines sont intégrés dans les éléments d’actifs de la société liquidée et qui sont souvent vendus. Quant à leur valeur économique alors là… flo : Juridiquement, comment caractérisez-vous un nom de domaine ? Deux thèses s’affrontent : l’une qui considère que le nom de domaine n’est l’expression que d’un élément de protection pré-existant (marque, raison sociale, enseigne, nom patronymique, etc.) et d’autres qui pensent que le nom de domaine devrait avoir une protection en propre. Je pense que l’un et l’autre ne sont pas inconciliables mais il faudrait qu’un texte le précise et apparemment ce n’est pas le cas de la LSI qui ne dit mot sur le statut lui même du nom de domaine. Di : Les personnes physiques ont le choix entre de nombreuses zones .com/net/org/info/etc. Que rajoute le .info ? Les nouvelles extensions proposées sont destinées de ce que l’on nous dit a désengorger les noms de domaine existants (.com et .net pour les plus couramment utilisés). Il devrait pour certains faire l’objet d’un contrôle de premier niveau sur l’activité réelle du demandeur. De la à ce que cela devienne une opération purement commerciale pour ceux qui lont inventé…Fidel : Comment protéger efficacement son nom de domaine ? Déposez une marque. Merci beaucoup Eric Barbry , le mot de la fin ? Protégez votre nom de domaine et évitez de prendre celui du voisin 😉 Bonsoir à tous et bon pont.

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La rédaction