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Le progiciel de gestion intégré: le risque de la surenchère

Applications vedettes des systèmes d’information depuis une dizaine d’années, les PGI ne cessent de s’étoffer. Au risque parfois de perdre de vue les besoins immédiats des clients.

En quelques années, le progiciel de gestion intégré (PGI) est devenu la pierre angulaire des systèmes d’information des entreprises industrielles. D’abord réservés aux grands comptes et principalement à ceux de l’industrie manufacturière, les PGI ?” ou ERP pour Enterprise Resource Planning ?” ont peu à peu conquis l’ensemble des entreprises. La nécessité de rationaliser les processus pour atteindre une meilleure efficacité globale a mis en lumière l’importance de décloisonner les services, et en particulier de faire communiquer leurs applications de gestion.Plutôt que de se lancer dans l’intégration très complexe des systèmes existants ?” souvent des développements spécifiques dont on avait perdu la clé ?”, les entreprises ont massivement adhéré au discours des éditeurs de PGI. Ceux-ci leur proposaient de faire table rase du passé et de bâtir leur système de gestion sur un référentiel unique et homogène de données et de règles. Cette transition lourde fut, en particulier, favorisée au début des années quatre-vingt-dix par le saut technologique des grands systèmes vers les architectures en client-serveur, la base de données relationnelle devenant le dépositaire de l’information.Peu d’éditeurs de PGI ont proposé, dès leur création, des produits tels qu’on les connaît aujourd’hui. En effet, la plupart d’entre eux étaient, à l’origine, spécialistes d’un domaine de gestion spécifique ?” par exemple, la production pour SAP et Baan, ou la gestion des ressources humaines pour Peoplesoft. Puis, soit par croissance externe, soit grâce à leurs propres efforts de développement, ils ont progressivement étoffé leur offre. Les PGI se sont alors articulés autour de trois fonctionnalités de base indispensables : comptabilité et finance, gestion commerciale et gestion de production. Mais la nécessité initiale pour les éditeurs se lançant sur le marché des PGI d’étendre leur spectre fonctionnel a fondé leur culture du développement : enrichir fonctionnellement le produit reste la priorité. C’est donc tout naturellement que, au fil du temps, sont venus s’ajouter de nouveaux modules. En particulier dans les domaines pouvant constituer un fort relais de croissance, comme la gestion de la relation client (GRC ou CRM pour Customer Relationship Management) ou la gestion de la chaîne logistique globale (SCM pour Supply Chain Management).

Le PGI, un passage obligé du commerce électronique ?

Ces derniers mois, deux facteurs ont particulièrement poussé les éditeurs à remettre en question leurs produits et leurs approches : d’une part, la saturation progressive du marché des grandes entreprises et, de l’autre, l’émergence d’internet comme technologie standard de communication. Il a fallu trouver de nouvelles poches de croissance, acquérir des compétences, concevoir de nouveaux produits et rechaper les anciens, renouveler discours et pratiques commerciales. Autant de chantiers qui ont monopolisé deux dernières années agitées. On aura ainsi assisté à des acquisitions ?” Vantive par Peoplesoft, Numetrix par J.D. Edwards ?”, à des fusions ?” Navision et Damgaard ?”, à des disparitions ?” Baan racheté par Invensys ?”, ou à des rapprochements stratégiques (SAP et CommerceOne). A la sortie de cette période d’agitation, les éditeurs n’ont ni la même réussite ni des produits attestant de la même maturité, mais leurs discours et leurs ambitions sont néanmoins très similaires : après l’avoir imposé au c?”ur des systèmes d’information, les éditeurs voudraient faire du PGI le passage obligé du commerce électronique. Pour y parvenir, les éditeurs doivent appréhender un contexte proche de celui qui leur avait réussi dix ans plus tôt : une révolution organisationnelle sur fond de mutation technologique. Au décloisonnement de l’entreprise et au client-serveur succèdent la collaboration et internet. Ce ne sont plus les processus internes de l’entreprise qui sont à revoir, mais ceux qui établissent sa relation avec ses partenaires. “Partout dans le monde, les entreprises vivent la même crise de la globalisation : les marchés changent, les concurrents changent, les cultures d’entreprise changent. Dans ce contexte, elles n’ont souvent d’autre choix que de revoir leur logique économique et leur organisation. Et, inévitablement, de nouveaux besoins émergent”, analyse Guy Dubois, vice-président exécutif de Peoplesoft. Les éditeurs vantent donc un monde où les entreprises fonctionneraient harmonieusement en réseau, où l’information circulerait avec fluidité dans un entrelacs de fournisseurs, de sous-traitants, de prestataires et de partenaires, où l’on gagnerait en rapidité, en coût et en qualité. Déjà défriché en partie par les éditeurs de gestion de la chaîne logistique ou les pionniers du commerce électronique, ce terrain reste néanmoins délicat. En effet, si nul ne conteste l’élégance formelle d’une telle vision, les difficultés techniques et les réticences culturelles dépassent de beaucoup celles qui avaient entravé l’adoption des PGI.

Un risque dangereux de confusion

Dans un tel environnement, les entreprises sont face à une complexité technique et fonctionnelle renouvelée, et les questions se bousculent : comment communiquer avec des systèmes d’information hétérogènes ? comment sécuriser une infrastructure ouverte et décentralisée ? comment consolider l’information ? comment définir et mettre en place des processus hors de l’entreprise ? A ces interrogations, le PGI répond par un prérequis : disposer d’une fondation claire ?” en particulier, au niveau des modèles de données et de règles ?” et susceptible de s’intégrer facilement à des applications. Ces problématiques ont suscité des développements considérables ?”Mysap.com, Peoplesoft 8, Oracle 11i ?”, et le format de données XML est devenu l’indispensable sésame pour accéder à ce monde de l’informatique collaborative.Mais, pour ne pas se cantonner à un rôle obscur de fournisseurs d’infra-structure transactionnelle et entraînés par leur culture de l’expansion fonctionnelle, les éditeurs multiplient les initiatives, les modules, les concepts, et les acronymes. En agissant ainsi, ils risquent néanmoins d’ajouter de la confusion dans une période où les entreprises sont déjà perplexes et circonspectes et, surtout, de perdre de vue leurs besoins d’aujourd’hui en imaginant l’informatique de demain. “Certains acteurs vont chercher à déstabiliser le marché pour créer de la demande. Et on nous posera inévitablement des questions sur ces sujets, explique Pierre Culioli, PDG de l’éditeur Viveo Entreprise. Mais il faudra, de part et d’autre, rester assez lucide pour s’interroger sur les besoins réels de l’entreprise.” La première mouture du PGI a mis plusieurs années à s’imposer ; sa version collaborative ne fera pas l’économie de mois d’ajustement et de pédagogie.

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Jean-Baptiste Dupin et clarisse burger