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L’e-poubelle déborde

Il se dégage des technologies de l’information l’image d’un domaine propret et non polluant, fait d’échanges immatériels, de flux d’octets et de productions intellectuelles. Faux : nos terminaux numériques commencent à représenter une sérieuse menace écologique.

Quelque 250 millions de PC partiront à la poubelle dans les cinq ans aux Etats-Unis, un des rares pays pour lequel ces chiffres sont facilement accessibles. Extrapolons à l’échelle mondiale, le chiffre approximatif de 1 milliard de machines mises au rebut d’ici à 2007 est crédible. Ajoutons-y les téléphones mobiles, les PDA, les ordinateurs portables, les serveurs. Rappelons qu’un PC, ce n’est pas qu’une unité centrale, et qu’aujourd’hui déjà des dizaines de millions de tubes cathodiques finissent sur les trottoirs chaque année.Vous avez vu la place que ça prend, un PC qui fonctionne ? Vous imaginez ce que ça représente 1 milliard de PC obsolètes ? Un tas de processeurs cacochymes gros comme la Grande Arche du quartier de la Défense. Assez de disques durs saturés pour former un anneau autour de la Terre. Beaucoup plus de plomb et autres métaux dangereux que nécessaire pour tuer la population française. Et avec les écrans, vous imaginez la chouette autoroute quatre voies, de Paris à Moscou, qu’on pourrait faire, la seule avec revêtement en verre garanti hyperglissant en cas de pluie ?Toujours dans le domaine des grands nombres, ayons une pensée émue pour les CD promotionnels, pur plastique et métal pas facile à recycler. En France, il s’en est distribué par voie de presse plusieurs dizaines de millions l’an dernier. Combien avez-vous jeté de kits de connexion inutiles, de compilations de shareware sans intérêt, de logiciels dont vous n’aviez plus besoin ces cinq dernières années ? Cinquante ? Le double ?Bref, les Américains commencent à se poser des questions sur le devenir de ces e-dechets. Aujourd’hui, la meilleure solution consiste à les expédier vers les pays en voie de développement, où ils sont stockés ou incinérés, au mépris de toute considération écologique. Et le recyclage ? Après tout, les matières premières qui servent à construire un PC n’ont pas beaucoup changé en vingt-cinq ans. Mais le recyclage est un échec : il coûte plus cher de recycler que d’acheter des matières premières qui ne valent rien. L’Europe s’attaque au problème, sans cacher que le recyclage aura une influence sur les prix, et sans préciser de quelle façon s’effectuera la collecte des équipements arrivés en fin de vie.Et puis, timidement, le directeur du Mercury Policy Project (centre de lutte contre la pollution par le mercure), fait aussi remarquer que faire changer aux gens de PC tous les quatre ou cinq ans (et souvent moins en entreprise), c’est une aubaine pour les constructeurs. Et qu’aucun ne semble aujourd’hui particulièrement intéressé à l’idée que les machines puissent évoluer au lieu d’être systématiquement remplacées. Vous pouvez étendre le discours aux téléphones mobiles, ça marche encore mieux.Mince alors ! Moi qui croyais que l’informatique c’était la dématérialisation, les industries propres, le règne de l’échange d’informations contre celui des biens matériels, voilà que mon PC est un pollueur et une menace écologique… Rien de comparable avec lautomobile, qui menace vraiment de nous suffoquer à court terme, mais tout de même : derrière son clavier, chacun de nous est un pollueur.Un site sur les conséquences écologiques et humaines de la high-tech :


www.svtc.orgProchaine chronique le jeudi 20 juin

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Renaud Bonnet