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Le pionnier des PDA cherche son nouveau “Pilot”

Palm n’a pas vu venir la concurrence d’Handspring et de Microsoft. Récit d’un revers de fortune exemplaire.

La quasi totalité des parts de marché en 1998, la moitié cette année… 45 millions de dollars (51 millions d’euros) de profits en 2000, 356,5 millions de dollars de pertes en 2001… L’ascension éclair et la chute brutale de l’entreprise Palm figureront peut-être un jour au programme des business schools. Comment la firme dont le produit phare, Palm Pilot, est encore synonyme d’ordinateur de poche pour le consommateur (15 millions d’unités vendues depuis 1996) a-t-elle pu perdre la main en si peu de temps ? Faute d’avoir trouvé une réponse à cette question existentielle, Carl Iankowski, quatrième PDG de Palm en quatre ans, a dû démissionner le 8 novembre dernier. Le Français Éric Benhamou, ex-PDG de 3Com (l’ancienne maison mère de Palm dont il préside encore le conseil d’administration), a été chargé de l’intérim. Le temps de trouver un nouveau patron providentiel. Il y a urgence : depuis le 1er janvier, l’action Palm a perdu 90 % de sa valeur pour tomber à 3 dollars ! Pourtant, la société qui a popularisé le concept d'”assistant numérique personnel ” (ou PDA, pour Personal Digital Assistant) n’est pas la première start-up venue.

Conflit d’hommes

Fondée en 1992 par Jeff Hawkins et Donna Dubinski, rachetée en 1995 par US Robotics, devenue propriété de 3Com en 1997, Palm a acquis son indépendance le 2 mars 2000 en plaçant la majorité de son capital en Bourse. Ce jour-là, la star des organizers fait son entrée au Nasdaq en tutoyant les 100 dollars. L’entreprise a levé d’un coup 875 millions de dollars ! Mais la roue de la fortune a déjà tourné : en conflit avec le patron de 3Com, Éric Benhamou, l’inventeur du Palm Pilot, Jeff Hawkins, claque la porte dès 1998 pour fonder Handspring. Le Frenchy lui a refusé l’indépendance boursière… qu’il accordera pourtant deux ans plus tard à Palm ! Grave erreur d’appréciation : Handspring vendra 2 millions de Visor, un concurrent du Palm Pilot servi par un design sexy façon Apple et la possibilité d’extension de ses fonctionnalités (baladeur lecteur MP3, téléphone GSM, etc.). Aujourd’hui, les faits sont là : le système Palm est installé dans plus de quatre PDA sur cinq, mais les Pilot (51,2 % du marché, contre 60 % l’an dernier) subissent la concurrence des nouveaux venus qui ont adopté ce système (Handspring, Sony, etc.).

L’offensive Pocket PC

Une autoconcurrence suicidaire ? “ Palm a choisi de licencier sa technologie pour générer du chiffre d’affaires, mais aussi pour éviter de rééditer l’histoire d’Apple qui a failli couler pour s’être cramponné à son système propriétaire. Ce n’est pas forcément une erreur “, répond Victor Jachimovicz, directeur des labos d’essai de la Fnac. Plus inquiétant, depuis deux ans, le géant Microsoft est passé à l’offensive : son logiciel Pocket PC est désormais installé dans près de 1,5 million d’ordinateurs de poche, notamment dans ceux de Compaq, Casio et Hewlett-Packard. Encore limitée à 10 %, sa part de marché ne cesse de monter…De son côté, le patron de Palm France, Philippe Nahman, y voit “une évolution naturelle du marché : quand un produit pionnier devient grand public, il est imité par de nouveaux entrants et le leader subit nécessairement une dilution“, argumente-t-il. Pas de quoi faire trembler Palm, assure-t-il : “ 15 millions d’utilisateurs de Palm Pilot dans le monde, c’est toujours quinze fois plus que le nombre de PDA sous licence Microsoft.” Et Philippe Nahman d’ironiser : “ Le plus grand concurrent de Palm restera longtemps l’agenda papier.” En attendant, c’est Palm qui a aujourd’hui bien besoin d’un assistant personnel.Wall Street a tranché : pour les analystes, le CEO idéal n’est autre… que le père fondateur Jeff Hawkins. La pression monte en faveur d’une réunification Palm-Handspring. Mais sur le papier, c’est Palm (valorisée à 1,8 milliard de dollars en Bourse) qui rachèterait Handspring (585 millions de dollars).C’est sans doute pourquoi Jeff Hawkins a démenti tout velléité de “ hot sync“?” jeu de mots sur le système de synchronisation de données cher aux Palm ?” avec son ancienne entreprise. Mais il pourrait être amené à revoir sa position : Handspring (126 millions de dollars de pertes en 2001) a aussi souffert de la guerre des prix avec Palm et Microsoft…Palm veut en tout cas éviter une OPA hostile de la part d’un gros prédateur (la rumeur évoque Nokia, après Apple…). Aussi, le groupe prépare-t-il un nouveau plan social (on parle d’une coupe de 400 postes, après les 500 déjà supprimés) et s’apprête-t-il à filialiser son activité logicielle Palm OS pour se concentrer sur les terminaux.Étrangement, le pionnier des PDA pourrait trouver un nouvel élan grâce à un autre français de la Silicon Valley : Jean-Louis Gassée a récemment vendu à Palm sa start-up Be, détentrice d’une technologie susceptible d’apporter aux Pilot une vraie dimension multimédia.

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Jean-Christophe Féraud