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Le Net, tremplin pour les candidats à la Maison Blanche

En 2004, à l’instar du démocrate Howard Dean, les rivaux de George W. Bush transforment le web en une puissante machine d’activisme, de marketing et de mobilisation politique.

Si Howard Dean devient, le 2 novembre prochain, le 44e président des Etats-Unis, il le devra en grande partie à Internet. Encore inconnu du grand public il y a un an, cet ex-gouverneur de l’Etat du Vermont
(600 000 habitants) est devenu au fil des mois une sorte de ‘ candidat du web ‘. Au point d’être aujourd’hui en tête dans les sondages pour décrocher l’investiture démocrate.Le processus de désignation (primaires, convention politique), qui débute ce 19 janvier avec le ‘ caucus ‘ de l’Iowa, dira si Howard Dean est promis à un destin national ou s’il
n’est qu’une étoile filante de la politique. Mais un chose est sûre : longtemps méprisée par l’appareil démocrate, sa candidature n’aurait jamais eu un tel écho sans Internet.Car si, au début, Howard Dean n’était pas vraiment féru de nouvelles technologies, il en a très vite compris le potentiel. Et a su s’entourer à dessein. Son directeur de campagne, Joe Trippi, est un vétéran de la politique (il a
collaboré depuis trente ans avec Ted Kennedy, Walter Mondale, Gary Hart ou Richard Gephardt), mais c’est aussi un linuxien de c?”ur, tout droit échappé de Progeny, une start-up de la Silicon Valley. C’est lui qui a très tôt fait la jonction entre
la ‘ War Room ‘ (l’état-major) du candidat démocrate et
Meetup.com.Ce site propose aux internautes de dialoguer en ligne et de se retrouver physiquement pour partager une passion commune. Ce fut l’un des premiers points de ralliement des supporters d’Howard Dean. Aujourd’hui, les rangs ont
considérablement grossi. Sur Meetup.com, ils sont désormais près de 180 000 à se donner rendez-vous régulièrement dans tout le pays, à se motiver et à se fixer parfois des objectifs de collecte de fonds.Car dans une campagne présidentielle américaine, l’argent est souvent un facteur déterminant. Sur ce terrain, Internet avait déjà montré une certaine capacité à mobiliser les énergies. En 2000, après sa victoire dans les primaires
républicaines du New Hampshire, le rival de l’époque de George W. Bush, le sénateur républicain de l’Arizona John McCain, avait récolté en ligne près de deux millions de dollars. Quatre ans plus tard, Howard Dean a pulvérisé ce record
en récoltant, grâce à la dynamique créée sur le web, un trésor de guerre de plus de 40 millions de dollars.

Un nouveau mode d’expression démocratique

Autre dimension de la candidature Dean : utiliser le web comme un vaste cahier de doléances, pour permettre aux internautes de s’approprier la campagne du candidat démocrate. DeanforAmerica,
le site officiel de la campagne, a donc accordé une très large place aux blogs (ces journaux intimes virtuels où chacun peut devenir un leader d’opinion potentiel).Résultat : le phénomène d’identification fonctionne à merveille. ‘ On n’avait jamais vu autant de personnes financer une campagne via Internet ‘, commente Carol Darr, directrice
de l’Institute for Politics, Democracy and the Internet, citée par la BBC.Reste qu’Howard Dean n’est pas le seul à être dopé par le web. Le général en retraite Wesley Clark, également candidat à la magistrature suprême, peut lui aussi revendiquer plus de 60 000 supporters sur Meetup.com et
recrute en ligne des spécialistes de l’open source pour soutenir son rythme de campagne.Parallèlement, 2004 pourrait bien rester comme l’année du réveil de l’opinion publique dans une démocratie américaine que beaucoup considèrent aujourd’hui paralysée par les intérêts des grands acteurs économiques.C’est en tout cas l’opinion d’Eli Pariser, le coordinateur du site
MoveOn.org. Ce site, créé à la fin des années 90 pour lutter contre la campagne de destitution lancée contre le président Clinton, s’était déjà fait remarquer au début de la guerre en Irak.Il récidive aujourd’hui en finançant une campagne télévisée de critique des quatre années Bush grâce au concours de ses 2,3 millions de membres et du milliardaire Georges Soros.
Un grand concours a même été organisé sur le web : 1500 projets (d’amateurs et de professionnels) ont été soumis à l’appréciation des internautes qui en ont retenu 26.Et, il y a quelques jours, un jury composé de personnalités comme les cinéastes Michael Moore, Gus Van Sant ou les chanteurs Moby ou Michael Stipe, de R.E.M., ont choisi un spot qui sera diffusé ces jours prochains sur
l’ensemble des chaînes américaines.Alors, Internet est-il en train de réinventer le mode d’expression démocratique ? Rien n’est moins sûr, tant il est vrai que les promesses de campagne sont souvent sans lendemain. Cependant, le web est devenu (aux Etats-Unis du
moins) un outil de marketing politique extrêmement puissant, capable si nécessaire de court-circuiter les appareils politiques traditionnels.Ainsi, au moment où Howard Dean s’assure le soutien des internautes, les caciques du parti démocrate (Democratic National Committee) en sont encore à
solliciter auprès des internautes des témoignages sur la vie quotidienne pendant les années Bush. Preuve, s’il en était besoin, d’un décalage persistant entre lélecteur de base et la représentation politique.

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Philippe Crouzillacq