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Le MP3 tire sa révérence après 20 ans de révolution de la musique

Le créateur du MP3 a annoncé qu’il valait désormais mieux utiliser de nouveaux formats de compression, alors que ses brevets tombent dans le domaine public. On retrace l’histoire de ce format de fichier historique, aux origines de la mutation de notre consommation de musique.

Le MP3, plus que tout autre innovation, représente l’alliance réussie entre la technologie et la culture. A la base de sa création, l’institut Fraunhofer vient d’annoncer la fin de son programme de licence. Ses brevets viennent en effet de tomber dans le domaine public. Retour sur ce format qui a révolutionné nos usages et l’industrie musicale.

  • Fin des années 80 – Les premiers développements

La conception du MP3 remonte à la fin des années 80, pour une première disponibilité en 1993. La version finale du format sera quant à elle lancée en 1995, après sa normalisation internationale ISO/CEI. Le principe de fonctionnement est simple : compresser les données audio jusqu’à un point acceptable et presque indécelable pour l’oreille humaine.

Fraunhofer – L’équipe de développement en 1987.

En cela, les travaux de l’équipe de développement ont été conceptuellement très proches de ceux utilisés par l’opérateur AT&T au début du XXe siècle lors du développement du téléphone aux Etats-Unis. Utiliser le moins de ressource possible tout en conservant l’intelligibilité de la conversation. Pour y parvenir, de nombreux liens seront faits avec la psychoacoustique.

L’une des anecdotes les plus fameuses concerne la chanson Tom’s Diner de Suzanne Vega. C’est elle qui fut le plus utilisée dans les tests en “double aveugle”. Sa simplicité et la finesse de ses arrangements permettaient effectivement de se rendre compte du moindre défaut de l’algorithme d’encodage.

  • 1995 – Le MP3 est mort-né

Malgré tout, le MP3 connaît des débuts difficiles. Comme le raconte Stephen Witt dans son livre « How Music Got Free », la mort du format était déjà annoncée dès 1995. Deux ans après son premier lancement, le MP3 n’avait en effet pas réussi à percer auprès des constructeurs et développeurs de logiciels. L’avenir ne s’annonçait donc pas brillant pour ce format qui avait nécessité des années de développement. Mais les choses vont vite changer.

  • 1997 – Winamp

Cette année-là, Winamp est le premier logiciel à intégrer le décodage de MP3. Avec son système de skins personnalisables, il sera téléchargé plus de trois millions de fois… huit mois après son lancement. Winamp sera la première brique de la révolution en cours.

  • 1999 – Napster

La seconde brique d’envergure fut sans aucun doute Napster. Fondé par Shawn Fanning et Sean Parker, il a été le premier service de partage de fichiers en P2P. Si l’on pouvait déjà échanger des MP3 via IRC ou les Newsgroups, Napster va largement en simplifier le principe et faire ainsi exploser le piratage musical. Il en fera les frais en fermant dès juillet 2001, seulement deux ans après son lancement. Mais la voie était ouverte à ses nombreux avatars : Kazaa, Limewire ou encore Gnutella.

  • 2001 – L’iPod

Après le format de fichier, le lecteur pour ordinateur et le logiciel pour obtenir des MP3, l’iPod fut la dernière pierre angulaire de la dématérialisation de la musique. Il a connu un succès sans précédent avant d’être remplacé progressivement par les smartphones. En août 2010, il s’en était vendu 275 millions d’exemplaires. Apple a su saisir la tendance au bon moment et profiter de l’explosion du P2P. Mais la société va rapidement changer son fusil d’épaule.

  • 2003 – L’iTunes Music Store

Un peu moins de deux ans après le lancement de son baladeur, Steve Jobs présente en effet l’ancêtre de l’iTunes Store, pour l’instant exclusivement réservé à la musique. Il sera la première entorse faite à l’ultra domination du MP3. Apple a en effet choisi l’AAC, un nouveau format de compression plus récent, de meilleure qualité et qu’il verrouillera de DRM empêchant leur échange en P2P.

  • 2006 – Les prémices du streaming

Avant que ces services deviennent le nouveau mode d’écoute privilégié, ses prémices étaient une fois encore basées sur le MP3. C’était par exemple le cas de Radio Blog Club ou Blogmusik où l’on pouvait uploader ses propres fichiers MP3 pour les proposer au sein d’un lecteur par exemple intégré à son site Web. Mais la SACEM a finalement eu raison des deux systèmes. Le premier a fini par fermer tandis que le seconde renaîtra sous la marque désormais bien connue de Deezer.

  • 2008 – Quand Spotify pioche dans The Pirate Bay

Si le service est basé depuis son lancement sur le format Ogg Vorbis, il a pourtant utilisé dans sa version bêta, des fichiers MP3 téléchargés sur The Pirate Bay ; c’est ce que révélait récemment l’auteur et chercheur Rasmus Fleischer auprès de TorrentFreak. Il faut dire qu’à l’époque, il était bien plus facile de trouver certaines raretés en P2P que dans les catalogues numériques des majors et labels indépendants, encore balbutiants.

  • Fin des années 2000 – La tentation du lossless

A partir de 2008, Qobuz ouvre quant à lui la voie aux fichiers non compressés, voir aux studio masters. Une tendance que suivront Tidal en 2014 et Pono en 2015. Tous ces services mettent en avant la qualité proposée par leurs fichiers et ont été lancés par des amoureux de la musique. Le premier l’est par le producteur français Yves Riesel, les deux autres respectivement par les artistes Jay-Z et Neil Young. Mais la niche de clients à laquelle ils s’adressent semble trop restreinte pour y trouver un modèle économique pérenne.

Fraunhofer – La même équipe en 2007.

Les années suivantes marqueront donc la lente érosion du MP3 face à l’AAC de l’iTunes Store et aux services de streaming qui constituent désormais l’essentiel de l’offre légale. Malgré tout, il reste un format encore très populaire pour ceux qui continuent à télécharger illégalement. Il est également très bien représenté dans les bibliothèques musicales des particuliers qui ont accumulé plus de quinze ans de musique dématérialisée. L’annonce du Fraunhoffer Institute constitue donc plutôt une incitation à utiliser d’autres formats plus récents qu’une mort pure et simple du MP3 qui continuera à être supporté par nos appareils.

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Jean-Sébastien Zanchi