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Le modèle gratuit ne rapporte plus assez d’argent aux sites web

La chute de la publicité en ligne remet en cause le modèle économique du contenu et des services gratuits sur internet. Désormais, le consommateur devra payer.

Payer pour voir : il faudra bien que l’internaute s’y habitue. De plus en plus, l’idée de facturer l’information ou le service progresse. Déjà en 2000, selon une étude de Jupiter-MMXI, 11 % des sites américains proposaient un contenu payant, contre 6 % en 1999. En France, la rentrée fut riche en annonces, comme l’ouverture de Bayardweb.fr, accessible par abonnement, le nouveau service Premium de Boursorama, qui facture la consultation de cotations boursières en temps direct, ou Exam.fr, qui se fait rétribuer ses cours de mathématiques, de physique et de français.

Le rêve pour les sites web : l’internaute abonné

La chute du marché de la publicité en ligne est l’un des principaux responsables de ce mouvement de fond. Toujours selon Jupiter-MMXI, le tarif des bandeaux aurait baissé de 30 % sur le seul premier semestre 2001. Une déroute qui se répercute immédiatement sur les revenus de nombreux sites, en particulier sur ceux qui prodiguent de l’information ou des services immatériels (jeux, aide scolaire, documentation, etc.). N’arrivant plus à équilibrer leurs comptes, ils doivent inventer un nouveau modèle économique, en espérant qu’il soit plus solide que celui basé sur les seules ressources publicitaires.Le rêve, pour la plupart des sites, c’est que l’internaute s’abonne. Avec, pour exemple, la réussite du Wall Street Journal aux Etats-Unis. Ses 591 000 abonnés en ligne, dont les deux tiers ne sont pas clients de la version papier, rapportent déjà 25 millions de dollars par an. C’est l’option qu’a retenue Bayardweb.fr pour Clicdapi, Astrapi et Phosphore, prolongation en ligne de journaux eux-mêmes vendus sur abonnement. Chez Arene.com, qui propose des jeux en ligne, l’internaute qui paye peut se connecter à tout instant. Les périodes d’affluence lui sont réservées, le site restant gratuit aux moments moins fréquentés. Pour attirer des clients, le service payant doit donc apporter une valeur ajoutée. C’est le cas de Ouest France, qui réalise une revue de presse ciblée pour les entreprises et les collectivités locales sur Ouestfrance enligne.com.
Transfert, magazine consacré à internet, fait payer la consultation de ses archives. Les nouveaux articles sont mis en ligne pendant une semaine, ce qui permet d’attirer la publicité. Passé ce délai, l’internaute doit s’abonner au moins un mois pour lire celui qui l’intéresse. N’ayant pas opté pour le paiement à la consultation, Transfert espère amener l’internaute à s’abonner pour un an, tant à la revue papier qu’au site. Pour d’autres, le passage au payant peut devenir une question de survie. C’est le cas de FTPress, un groupe de presse en ligne spécialisée (Internet Actu, Interactive Santé, etc.). L’an dernier, la publicité et les petites annonces représentaient les deux tiers de son chiffre d’affaires. Au premier trimestre 2001, elles ne représentaient plus qu’un tiers de ses rentrées d’argent. “Avec cette baisse, nous étions devenus déficitaires”, reconnaît Jeanne Suhamy, directrice de la communication de FTPress. Début octobre, le groupe décidait de se rémunérer progressivement, calculant que si 10 % des abonnés gratuits acceptaient de mettre la main à la poche, les lettres d’information pourraient survivre. La société avoue attendre le nombre des abonnés avec appréhension.

Quand le modèle du minitel revient en force

L’autre modèle économique est le paiement à la consommation. Les champions du domaine sont les sites pornographiques, qui profitent du succès du minitel pour faire passer la pilule de la communication surtaxée. Certains portails de contenus à forte valeur ajoutée, comme les informations boursières ou sur les entreprises, se sont ralliés à ce modèle, profitant là aussi de leur culture minitel. L’internaute est plus enclin à payer une information qu’il ne trouvera pas ou plus difficilement sans payer. C’est le cas pour Argusauto.com, Euridile.fr, Inpi.fr ou Verif.com. Paradoxe, pour ce type de modèle, la concurrence vient du minitel. Lent et peu ergonomique, ce dernier a l’avantage d’offrir un mode de paiement pratique et simple. D’autres sites ne font payer qu’une partie des informations. Ainsi, les professeurs peuvent trouver un contenu gratuit sur Enseignants.com, mais ils devront bourse délier pour accéder aux fiches pédagogiques.Pour être sûrs de ne pas se tromper, certains sites mélangent les deux options. Ainsi, le service Premium de Boursorama permet un accès en temps réel aux cotations, mais l’internaute devra accepter un décalage d’un quart d’heure à une heure s’il ne veut pas payer. Un fil d’information enrichi et des outils d’analyse financière sont inclus. Il est aussi possible de s’abonner au forfait ou de consulter au coup par coup avec une connexion surtaxée. M6 Web a choisi le téléphone mobile comme support. Il avertit les amateurs de football des résultats des matchs des Girondins de Bordeaux par SMS. Là encore, le supporter peut opter pour l’abonnement de trois mois ou le paiement à chaque match.

La clé : un site payant dès le départ

Se tourner vers le payant, c’est bien. Encore ne faut-il pas que cela précipite la chute. Certains s’y sont cassé les dents, comme Yahoo.com, en janvier dernier, qui a perdu 90 % des objets vendus dans ses enchères en prélevant une dîme sur les transactions. Ou encore Napster, qui a vu fondre sa fréquentation de 80 % après avoir annoncé la fin de sa gratuité. En France, Amour.com a fait, au début de l’été, les frais d’un passage au payant mal calculé. Ce site de rencontres est passé de deux cents à trois cents nouveaux esseulés inscrits par jour à deux ou trois lorsqu’ils ont dû sortir leur Carte bleue. L’expérience a été abandonnée au bout de trois semaines.Moralité : il est difficile, aujourd’hui, de facturer, ce qui, hier, était gratuit. Les nouveaux sites qui s’appuient, dès la mise en ligne, sur un modèle d’accès payant ont plus de chances de réussite. Mais, comme pour le commerce électronique, toutes les sociétés purement internet partent avec un handicap : elles ne sont pas reconnues et inspirent une certaine méfiance. Pour Yves Christol, directeur marketing de W-Ha, “Les marques existant dans la vie réelle marchent mieux. Par exemple, les clients n’hésitent pas à acheter le Monde, car ils connaissent l’entreprise et la qualité des articles. Il est plus difficile de faire confiance à un service purement internet.”

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Corinne Couté et Corinne Montculier