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Le mariage tumultueux d’Internet et de l’électricité

Les courants porteurs en ligne sont-ils la technologie de rêve à laquelle beaucoup voudraient faire croire ? Séduisante pour des applications à l’intérieur des bâtiments, son utilisation à grande échelle pour supporter Internet représente un véritable défi aux lois de la physique.

Faisant fi de l’échec de NorWeb, les expériences visant à marier Internet et réseau électrique se multiplient. La technologie des courants porteurs en ligne (CPL) ne manque pas d’atouts. Elle s’appuie sur un support disponible partout et relativement fiable. Elle offre une connexion unique (énergie et communication), et représente enfin une solution alternative potentielle à la boucle locale. “La technologie CPL apparaît toujours séduisante. Pourtant, ce support se révèle le pire de tous !”, alerte Didier Broxolle, consultant indépendant, après une longue carrière chez EDF.

Le débit garanti n’est qu’hypothétique

En effet, les avantages apparents des CPL sont contrebalancés par de nombreuses difficultés techniques.La première d’entre elles est la forte perturbation à laquelle est soumis le réseau électrique. Le bruit de fond est ainsi permanent, et les microcoupures (contrôlées ou non) ainsi que les coupures sont fréquentes. Le support est également perturbé par des salves de parasites et des interférences permanentes (notamment dues aux alimentations à découpage des PC) ou aléatoires (variateurs de lumière, par exemple). De plus, l’affaiblissement et l’impédance caractéristique sont variables dans le temps et dans l’espace. Il est donc impossible de garantir un débit stable. L’autre inconvénient majeur, pour des transmissions de données à hauts débits, est le partage du réseau électrique. Il implique que la centaine de clients raccordés à un même transformateur et la dizaine d’utilisateurs reliés à un même départ basse tension (dans les situations les plus favorables) devront se répartir la bande passante disponible. Or, cette dernière reste relativement limitée.Dans la plupart des expériences en cours, le débit utile annoncé est d’environ 1 Mbit/s par poste. Mais rien ne démontre que ces performances pourront être maintenues dans une exploitation à grande échelle. Les récents déboires d’Internet sur les réseaux câblés devraient inciter à la prudence.D’autres aspects doivent aussi être pris en compte. Ainsi, une infrastructure (backbone) à hauts débits est nécessaire pour relier l’ensemble des transformateurs et des départs basse tension. Cela devrait contraindre les distributeurs d’énergie à établir des partenariats forts avec, notamment, des ISP et des opérateurs télécoms.

Les responsabilités sont à partager

Mais ces derniers ont déjà bien d’autres préoccupations, l’UMTS, par exemple. En outre, à l’instar du dégroupage, de tels rapprochements ne manqueront pas de soulever des problèmes de limites de responsabilité entre courants forts et courants faibles. Les aspects concernant la sécurité et la sûreté du réseau semblent peu adaptés aux applications futures d’Internet. Les risques d’interférences avec d’autres systèmes de transmission (radio, télévision ou aviation civile) ne sont pas négligeables. Enfin, malgré des travaux engagés au sein de plusieurs instances (Cenelec, PLC Forum et IPCF), il n’existe pas de protocoles normalisés ou de standard de fait.“Si l’ADSL consiste à faire rouler une Ferrari dans une rue étroite, la transmission sur CPL consiste à faire rouler plusieurs Ferrari sur un étroit chemin de terre semé d’ornières !”, prévient, en guise de conclusion, Didier Broxolle. n

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la rédaction