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Le grand système: l’extraordinaire mutation du dinosaure informatique

Même si le parc ne cesse de diminuer, les grands systèmes ont su rester compatibles avec les premières générations tout en s’ouvrant à Linux.

L’histoire du grand système a des airs de scénario de film d’horreur. Chaque fois, on croit ces monstres définitivement morts, criblés de coups de couteau dans le c?”ur… Et pourtant, ils ressurgissent de nulle part, invincibles, alors qu’on ne les attendait plus. Ainsi, malgré ses trente-sept ans ?” âge plus que canonique en informatique ?”, le grand système est toujours là. Malgré Unix, malgré la micro, malgré Windows et Linux… Ou grâce à eux. Car, tout au long de son histoire ?” et, là encore, à l’instar d’un monstre de film d’horreur ?”, le grand système s’est nourri de ses ennemis pour devenir encore plus puissant. Ou presque. En 2001, si l’on en croit Gartner, on devrait encore compter un peu plus de quatre mille sept cents grands systèmes installés dans le monde… Certes, si l’on considère que cela ne représente qu’à peine plus de la moitié du parc existant de l’année dernière, les prévisions pour les années à venir ne sont pas très bonnes. Mais le grand système n’est toujours pas mort…Pour lui, tout a commencé au début des années soixante. Une équipe d’IBM planche alors sur une machine adaptée aussi bien aux calculs scientifiques qu’à la gestion d’entreprise. Un équipement qui sache tout faire avec une vision à… 360?’. Ainsi naît, le 7 avril 1964, le System/360, premier grand système IBM du nom. Il devient aussi la première machine à appartenir à une gamme complète et à se décliner en plusieurs modèles ?” six, en l’occurrence. Des modèles, qui plus est, compatibles entre eux et avec les générations IBM précédentes. Une règle qui s’appliquera longtemps, puisque, aujourd’hui encore, une application écrite pour le S/360 tourne sur un zSerie daté 2001 ! A la pointe de la technologie, le S/360 est le premier à utiliser des circuits intégrés et à manier les hexadécimaux. A l’époque, IBM mise tout sur lui. Et, heureusement, ce sera très vite un succès. Onze cents commandes dès le premier mois, et le double au bout de cinq. Le système d’exploitation de la machine, l’OS/360, sera moins chanceux. Le langage PL/1, écrit spécifiquement pour y développer tout type d’applications, échouera également. Avant qu’il soit totalement finalisé, Cobol et Fortran IV auront déjà été adoptés par les utilisateurs de la nouvelle gamme. Par ailleurs, bien que précurseur en la matière, le S/360 mettra un certain temps à s’adapter à la gestion du temps partagé. Et c’est d’ailleurs pour cette raison que le MIT choisira pour son projet Mac, tout comme les Bell Labs, une machine General Electric.

Et la mémoire devint virtuelle

En 1970, IBM franchit une nouvelle barrière technologique. Sa nouvelle gamme, le S/370, s’affranchit des limites physiques et virtualise la mémoire. Un an plus tôt, le constructeur avait, par ailleurs, décidé de séparer la facturation du logiciel de celle du matériel. Le premier devenant ainsi un produit à part entière. Cette innovation contribuera à la survie des grands systèmes quelques années plus tard. La décennie soixante-dix sera aussi celle de la puce mémoire de 64 Ko et de l’architecture SNA (System Network Architecture), mais surtout de l’arrivée de la concurrence. En 1974, Unidata sort le 7220, qui s’attaque directement au bas de gamme des S/370. Il sera suivi un an plus tard du 470, un compatible qu’Amdahl livre, entre autres, à la Nasa. Une voie que plusieurs emprunteront, tel Hitachi Data System. Mais d’autres trouble-fêtes entrent bientôt en scène. C’est le cas, dès 1975, du superordinateur de Cray et, surtout, du micro-ordinateur d’Altaïr, annonciateur d’une ère nouvelle. Imperturbable, IBM lance le modèle 3033 en 1977, deux fois plus puissant que le S/370 modèle 168 et 40 % moins cher. En 1980, Amdahl sort sa gamme 580, qui offre le meilleur rapport qualité/prix du marché. C’est le moment où IBM se lance dans l’aventure PC, alors que son activité grands systèmes entre dans une période difficile ?” entre autres, à cause de la micro. Bien loin d’égaler leur puissance, la micro révèle pourtant au grand jour l’absence d’ergonomie des grands serveurs. La guerre des petits caractères verts contre l’interface graphique est ouverte. Mais surtout, petit à petit, jusque dans les années quatre-vingt-dix, Big Blue va chercher à débarrasser ses mastodontes de leur image propriétaire. Le triste terminal fait ainsi une place à l’émulation sur PC sous Windows. Posix et TCP/IP sont intégrés au système. L’ouverture est en marche.

En 2000, IBM reste seul en lice

Si IBM a pu se permettre d’annoncer une croissance de 40 % des ventes en Mips au deuxième trimestre 2001 (par rapport à la même période 2000), c’est parce qu’il “a joué intelligemment”, comme le dit Thierry Fallissard, directeur technique de la SSII Etic Software et fervent militant de la cause. “Il a tout fait pour que ses machines deviennent des serveurs comme les autres. Et c’est maintenant le cas.” En 2000, les grands systèmes IBM ont vu disparaître tous leurs concurrents, HDS et Amdahl jetant l’éponge. Puis, à l’instar de tous les serveurs de la marque, ils ont commencé le millénaire en changeant d’appellation. Ils se nomment désormais zSeries. Le système d’exploitation est, lui, devenu z/OS. Cela dit, dans cette opération, aucun reniement du passé : le constructeur maintient la compatibilité ascendante.En 2001, le grand système reste le serveur le plus sophistiqué du marché. Fiabilité, puissance, débit d’entrée/sortie, disponibilité, sécurité quasi inégalée. “En matière de traitement de données, il est imbattable”, confirme Thierry Fallissard. De plus, les zSeries n’ont pas fait que changer de nom. IBM veut, une fois encore, jouer l’ouverture et… la vision à 360?’. Plus que jamais, il positionne son système comme une machine à tout faire. Les zSeries doivent pouvoir accueillir tous les environnements de l’entreprise, depuis la gestion des bases de données jusqu’au serveur web. Et, pour cette dernière fonction, z/OS accepte même de partager la machine avec des partitions Linux. On peut installer jusqu’à quinze partitions logiques (système d’exploitation IBM ou Linux) sur chaque serveur physique. Sachant qu’un zSerie s’appuie toujours sur une architecture multiprocesseur symétrique dont chaque module peut compter vingt processeurs à 64 bits. Et sans oublier que, avec le clustering Parallel Sysplex, il est possible de composer des grappes de trente-deux armoires zSeries, soit un total de six cent quarante processeurs. En bref, les dinosaures sont moins nombreux, mais ils sont toujours vivants et en pleine forme !

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La rédaction