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Le gouvernement laisse l’Hadopi dans le doute sur la nomination de son collège

Le collège de l’Hadopi fonctionne en sous-effectif depuis plusieurs mois. Le gouvernement fait la sourde oreille aux appels de la haute autorité qui estime que cette situation crée une « instabilité juridique ».

L’Hadopi s’inquiète. Depuis décembre 2013, le collège de l’Hadopi tourne à effectif réduit. Ce collège, qui doit se composer de neuf membres, tourne depuis cette époque avec seulement cinq personnes. Si cela ne change rien pour les affaires courantes puisque le quorum est respecté, le collège ne peut voter certaines décisions stratégiques. La situation est un peu comparable à celle de la Belgique lorsqu’elle fonctionnait sans pouvoir exécutif.

Malgré les promesses du gouvernement sur la nomination imminente de ces trois personnes, qui doit se faire par un décret du premier ministre, c’est silence radio du côté du gouvernement. S’agit-il d’un blocage délibéré ? Et, si c’est le cas, s’où provient-il ? De Matignon, du ministère de la Culture ou de Bercy ? Personne n’a la réponse ou ne se risque à évoquer une piste.

Après avoir été plutôt discrète sur le sujet, la haute autorité a décidé de rendre publique cette situation. Fin avril, Marie-Françoise Marais, présidente de la Hadopi, a officiellement alerté Manuel Valls, premier ministre, sur « l’urgence de remédier à cette situation. » Pas de réponse.

Hier, 4 juin, soit 5 mois après l’expiration des mandats, le collège s’est réuni en séance. Ses membres, habituellement réservés, ont à leur tour « sollicité solennellement le premier ministre pour que cette nomination intervienne désormais sans délai. » Seront-ils entendus ? 

Pour Mme Marais, « cette inertie crée une situation incompréhensible qui porte atteinte à l’action de l’institution, autorité publique indépendante. » Elle estime qu’elle crée une « instabilité juridique » dont les conséquences sont difficiles à évaluer à court terme.

Les décisions prises aujourd’hui seront-elles légales demain ?

Éric Walter, secrétaire général de l’Hadopi, confirme que cette « instabilité » a des conséquences. Si le quorum de cinq personnes est respecté, on peut se poser des questions sur la légalité des décisions qui seront votées à cinq au lieu de neuf. « Un certain nombre de décisions doivent être prises à la majorité, nous signale Éric Walter. Le collège valide entre autres les passations supérieures à 100 000 euros. Cette incertitude incite le collège à ne pas prendre de décisions stratégiques. De toute évidence, notre fonctionnement souffre de ce ralentissement. »

Cette situation est d’autant plus inquiétante que Mme Marais reçoit l’assurance que ces nominations sont imminentes. En plein débat sur la réorganisation des autorités d’ayants droit avec le transfert de certaines missions de l’Hadopi au CSA, cette crise peut provoquer des interrogations sur la manière dont se fera cette passation de pouvoir. Est-ce une volonté d’étouffement lent des services jusqu’à les rendre inopérants ? Les responsables de la haute autorité se refusent d’imaginer cette option. Ils se disent plutôt préoccupés par ce blocage inexpliqué dont les conséquences sont difficilement évaluables.

Dans un entretien avec Éric Walter, le site « Edition Multimedi@ » évoque des différends sur les personnes à nommer, parmi lesquels Rémi Mathis, président de Wikimédia France et militant de la « diffusion libre de la connaissance ». Le secrétaire général répond que cette candidature n’a rien d’officiel. « Avant de savoir si c’est fondé, il faudrait surtout se demander si cette rumeur est vraie, ou non. Dans ces métiers, on extrapole vite et facilement. Il faut savoir rester prudent ». Il reconnaît néanmoins que M. Mathis « dispose d’une véritable expertise sur ces questions encore mal connues et serait utile au collège de l’Hadopi. »

Lire aussi :
Eric Walter : « L’Hadopi est une transition, pas une fin en soi » (28/02/2014)
– En devenant un super régulateur, le CSA fera-t-il regretter l’Hadopi ? (31/03/2014)

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Pascal Samama