Passer au contenu

Le dircom m’a tuer

De start-up en holdings, journal de bord d’un cadre de la nouvelle économie. Il se confie sous pseudo pour parler?” et parfois crier ?” plus librement…

Si l’on est doté d’un stock raisonnable de mauvaise foi ?” mon cas ?”, on trouve toujours de bons alibis à ses bassesses. Récemment, la psychanalyse m’en a fourni un qui booste mon ambition au sein de la boîte : le meurtre du père. Excellent, ce truc-là. Je vous le recommande… Pour devenir un homme, plutôt que de tuer le petit garçon que vous êtes encore (se suicider, ça fait beaucoup trop mal), tuez donc votre père : ce n’est pas totalement indolore, mais on s’en relève beaucoup plus facilement… Armé de ce nouveau regard de killer, observez votre boss : n’est-il pas un peu, quelque part (dernier étage, 1er bureau à droite), votre père ? Hummm ? Voici donc le moment de devenir un homme : il vous faut régler tous les détails pratiques qui vont faire de ce meurtre un assassinat réussi. Traduisez : impuni. C’est là où il ne faut pas se mélanger les couteaux… Avant de tuer mon boss, Roland, j’avais donc décidé de faire le ménage autour de lui en éliminant Charlotte, notre directrice générale et numéro 2, dont personne ne regrettera le QI de libellule, et Romont, n?’ 2 ex æquo, porc ambitieux dont les gros sabots dans la plaine de nos regrets ne laisseront pas d’écho. Oui, j’en fais des vers avant d’en faire des tranches, car à tuer ce cochon sans plaisir, du couteau je lâcherais le manche… Je me suis aussi donné du c?”ur au ventre en me disant que tuer le DG m’aiderait à occire le PDG… J’ai donc profité de la première occasion, ce qui est la marque grand pro. Comme je vous l’expliquais la semaine dernière, Romont, en me faisant jurer le secret, m’avait demandé de rédiger à sa place le rapport de faisabilité qu’il devait rendre au boss sur l’exploitation d’un casino online. J’ai donc fait ce que vous auriez fait à ma place : j’ai pondu un rapport truffé d’erreurs plus ou moins flagrantes et de contresens gentiment suicidaires. Romont, en bas-du-front patenté, n’y a vu que du feu. Résultat, quand il a rendu “son” dossier au boss… Catastrophe ! Le patron connaissant aussi mal le marché du jeu en ligne que Romont, la grenade que j’avais dégoupillée fit autant de mal qu’un rocher Suchard. Un peu plus, et Roland allait même féliciter Simplet ! Mais là, je l’ai jouée tireur d’élite : sur la table de conférence, j’ai innocemment glissé un article du Monde traitant des casinos en ligne, qui racontait quelques faillites spectaculaires dans ce domaine réputé juteux, et listait par le menu toutes les bêtises à ne pas faire. En rédigeant le rapport de Romont, j’avais recopié une à une les phrases de ce bêtisier en remplaçant le titre par un appétissant “Jackpot du Las Vegas online : les secrets de la réussite”. Le papier a glissé gracieusement jusqu’à Roland, qui a très vite ravalé ses compliments et, dans un silence de mort, exécuté Romont. Il lui a suffi de baisser le pouce, et personne ne levant le petit doigt, il était mis à l’index. Romont ne pouvait ni avouer ni prouver qu’il m’avait demandé de faire son travail à sa place : je pouvais maintenant la lui prendre. Le lendemain, il pointait à l’ANPE, et moi dans son superbe bureau, bien calé dans son luxueux fauteuil. Jai préparé le même coup à Charlotte, mais avant de la croquer, le chat aimerait encore jouer un peu avec la souris. Quant à Roland, mon papa-boss, il y passera aussi, psy tout va bien…

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


La rédaction