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Le dernier coup de la nouvelle économie

L’agence Grey Interactive devient FullSix et l’affiche en 4 x 3 dans Paris. Haussement d’épaules pour ce dernier sursaut de la nouvelle économie.

Vendue par Grey Group, sa maison mère, à l’italien Inferentia, l’agence Web Grey Interactive France a choisi de poursuivre ses activités sous le nom de l’une de ses marques, FullSix. Jusque-là, rien d’étonnant : Inferentia étant inconnu en Europe et Grey se désengageant, il était naturel que l’entité adopte un troisième nom, qui possédait déjà une certaine notoriété. Ce qui frappe dans cette information, nouvel avatar de la restructuration des services liés à Internet en Europe, c’est la façon dont on l’a apprise : par une affiche 4 x 3 dans Paris.On croyait les entreprises de l’Internet, sites ou prestataires, exsangues. On les imaginait faisant profil bas, cherchant à tout prix ?” ou plutôt le moins cher possible ?” à se faire oublier, et rasant les murs plutôt que s’affichant dessus. Or FullSix s’expose abondamment, avec une campagne surgie du passé et qui n’oublie pas le mot ” leader ” ; une campagne qui nous replonge un instant dans le monde féerique de la nouvelle économie, son effervescence, ses fêtes et ses millions.Rappelons-nous le temps où agences Web, sites de recrutement ou de vente d’articles pour animaux constituaient le quotidien des Parisiens ! Que tout cela semble loin… On avait presque oublié cette époque bénie où il ne se passait pas une semaine sans qu’un site soit baptisé dans un bain de champagne, où les entreprenautes fleurissaient, jeunes et frais, dans les médias, où l’on travaillait entre amis, sans horaires et sans organisation, où tout ce qui venait de Suède était funky, où l’on riait bien avec Kasskooye.Seule explication à ce déchaînement d’irrationalité : le vrai bogue de l’an 2000 n’était pas informatique, mais psychologique. Soudain, les esprits n’ont plus fonctionné comme ils l’auraient dû. A toute une génération, on avait fait croire qu’en l’an 2000, la Terre serait un paradis technoscientiste. Les années passant, et l’an 2000 approchant, on avait tous compris que ce ne serait pas comme à la télé. Et tout à coup, au dernier moment, in extremis, a débarqué une technologie qui allait changer le monde et le rendre meilleur : on nous avait rendu l’an 2000 quand on n’y croyait plus. C’était trop de bonheur. Et dans l’euphorie, tout le monde a commencé à dire, croire, faire n’importe quoi. Cela a duré quelques mois, et puis on s’est réveillé. Alors, un peu hébété, on a rangé les jouets, les trottinettes et les stock-options.Le problème pour FullSix, c’est que, aujourd’hui, tout ça c’est fini. On a tout enfermé dans une petite boîte et on n’a plus du tout envie d’en entendre parler. Avec sa campagne, FullSix donne l’impression de servir froid un plat dont on était déjà écoeuré, de raconter une histoire que tout le monde connaît par c?”ur et qui ne fait plus rire personne. Les quelques personnes réellement concernées par ce changement de nom pouvaient être informées plus efficacement que par une campagne d’affichage ; les autres soupireront de lassitude devant cette dernière manifestation d’une période révolue.Prochaine chronique le jeudi 20 septembre 2001

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Jean-Baptiste Dupin