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Le CNNum enterre le projet de taxe nationale au profit d’une alliance européenne

Pour le Conseil national du numérique, une taxe comme celle proposée dans le rapport Collin et Colin serait facilement contournée par les géants des high-tech et pénalisante pour les entreprises françaises.

En dévoilant les grandes lignes de son rapport sur la fiscalité dans le secteur du numérique, le Conseil National de numérique était seul face à la presse. Ni Fleur Pellerin, ministre de l’Économie numérique, ni Bernard Cazeneuve, ministre des finances n’étaient présent pour donner leur avis sur le travail réalisé à partir d’un groupe de 120 experts depuis mars dernier. « Problème d’emploi sur temps », a expliqué un responsable.

Ce travail au long cours qui a été demandé par Bercy en 2011 est destiné à réagir face aux méthodes d’optimisation fiscales des géants des high-tech parmi lesquels Apple, Google, Amazon et Facebook. En 2011, ces entreprises, parmi les plus riches et les plus puissantes de la planète ont payé 37,5 millions d’euros quand elles auraient dû débourser 830 millions de dollars, « si leurs activités avaient été soumises aux règles de marché locales », signale un rapport de la Fédération française des télécoms.

Ce matin, les préconisations du CNNum ont été rendues publiques par Benoit Thieulin, son président, et Godefroy Beauvallet, son vice-président. Elles correspondent à ce qui avait déjà été dévoilé ces dernières semaines et ont été votées à l’unanimité avec une abstention.

Taxe : une voie « inefficace ou fiscalement inéquitable »

L’élément clé des propositions repose sur l’abandon pur et simple de tout projet de taxe unilatérale et immédiate. » Cette nouvelle direction vient en opposition avec les préconisations du rapport Colin et Colin. « Le rapport Colin et Colin a fait un excellent travail, a indiqué Benoit Thieulin. Il a défriché le terrain et a donné de nombreuses pistes de réflexion. » Pourtant, le CNNum estime qu’après étude de « la faisabilité » d’un certain nombre de taxes – au clic, sur la publicité en ligne, sur les appareils connectés, etc. – cette voie a été jugée « inefficace ou fiscalement inéquitable », a conclu Benoît Thieulin.

« Il s’agit aussi de veiller à préserver la compétitivité des entreprises françaises », explique Godefroy Beauvallet qui considère qu’une taxe sectorielle nationale risque « de pénaliser l’écosystème français ».

Le message n’est toutefois pas de donner un blanc sein aux stratégies d’optimisation fiscales qualifiées « d’agressives » des grandes entreprises de high-tech. Comme l’ont rappelé les membres du CNNum, « la lutte contre l’optimisation fiscale des multinationales reste une priorité. »

Il faut donc, non pas rafistoler la législation fiscale, mais l’adapter aux enjeux des nouvelles technologies. Comme le rappelle M. Beauvallet, le cadre fiscal international est « obsolète avec des règles qui datent de 1920. » La direction à prendre serait d’engager « un travail à l’échelle infraeuropéenne, pour que la France détermine, avec ses homologues européens, un cadre fiscal adapté à la transformation numérique ».

Reste à convaincre les états membres

Cette position qui peut paraître comme un recul est peut-être une fine stratégie sur le long terme. En proposant une action commune avec les pays européens, mais aussi les États-Unis, la France prend la tête dans les négociations internationales qui se préparent. L’OCDE prépare un plan qu’elle présentera au G20 et dans un peu plu d’un mois, les 24 et 25 octobre, un colloque international dédié au numérique se tiendra pour traiter les dossiers sensibles du numérique (données personnelles, neutralité du web…).

Reste que l’Europe semble timide sur la fiscalité. Comme Benoit Thieulin le faisait remarquer lors de la conférence de presse qui s’est tenue ce 10 septembre à Bercy, le projet de réglementation des télécommunications de Nelly Kroes, commissaire européenne en charge du numérique, « ne contient pas une ligne sur la partie fiscale ».

Reste à convaincre les autres états membres à rejoindre le projet français. Une coalition est indispensable pour définir des mesures fiscales communes qui, pour être efficaces, devront être appliquées simultanément dans les différents pays. « Il suffirait de constituer un minimum de pays qui seraient prêts à jouer le jeu », estime M. Beauvallet, tandis que M. Thieulin reconnaît que « parvenir à un accord de l’ensemble des nations est peu vraisemblable ».

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Pascal Samama