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Le client, problème numéro un de la jeune entreprise innovante

Trois ans après l’éclatement de la bulle internet, les créateurs d’entreprises technologiques subissent la morosité du marché informatique. Les aides et la simplification administratives restent nécessaires, mais pas
suffisantes.

Bien sûr, la multiplication des aides facilite la création d’entreprise. Bien sûr, la simplification des procédures administratives est un atout pour formaliser l’innovation. Mais, aujourd’hui, ce qui fait le plus défaut aux jeunes
entreprises innovantes, ce n’est ni le manque de financement direct, ni les difficultés réglementaires, mais avant tout le manque de clients. Toute la différence est entre le nécessaire et le suffisant : pour tous les créateurs, les aides, la
simplification administratives sont nécessaires. Elles fluidifient leurs envies de bâtir une entreprise. Mais elles ne sont pas suffisantes pour se faire une place dans un secteur économique appauvri ­ les nouvelles technologies de l’information et
de la communication ­, où les marchés se sont raréfiés et où les acheteurs sont difficiles à convaincre.

Le ROI s’impose même pour les petits projets

‘ Le plus compliqué, quand on devient son propre patron, c’est de vendre, confirme Didier Bouniol, fondateur de Weelog. Et si comme nous, vous êtes une société jeune, peu connue, avec des
produits peu chers, vous cumulez les handicaps. ‘
Ceci d’autant que les acheteurs n’ont plus les coudées franches. ‘ Leur problème actuel est le manque de budgets, complète-t-il,
même les petits projets sont regardés à la loupe et le calcul du ROI est devenu systématique ‘.Benoît Corbin, fondateur et directeur de Ocito, affine l’analyse : ‘ Les grands comptes sont difficiles à convaincre, c’est vrai, mais c’est surtout dans les PME que la réticence est la plus forte car elles
n’osent pas prendre de risque et s’engager dans des technologies innovantes avec un fournisseur qui débute ‘.
En parallèle, le processus de prise de décision s’est très ralenti, mesure Grégoire Buisson, fondateur et PDG de Epsilon. A ses yeux, ‘ le seul moyen de se développer durablement est donc de se constituer un
portefeuille réparti entre quelques grands et beaucoup de petits clients, ce qui prend beaucoup de temps ‘.
Et la solution pour donner confiance, Didier Bouniol l’a trouvée : ‘ En nous adossant à des grandes SSII, en se faisant référencer en tant que partenaire PalmOne solution, nous nous sommes crédibilisés sur
notre marché ‘.
Comme la plupart des jeunes entreprises innovantes, tous ressentent le ralentissement et la réduction des investissements technologiques comme une difficulté de plus. Les marchés ne sont pas revenus au niveau atteint lors de
l’éclatement de la bulle internet. Les résultats en matière de création d’entreprise traduisent cette raréfaction.Le dixième tableau de bord de l’innovation du ministère de l’Industrie note que 4 477 jeunes entreprises technologiques ont été créées au premier semestre 2003, contre 5 407 trois ans plus tôt. Quant à l’indice de chiffre
d’affaires des secteurs innovants, il est en recul (-5 % en glissement annuel) pour le troisième semestre consécutif. Pour les auteurs, ‘ la crise de l’industrie des TIC persiste, mais s’atténue légèrement et la fin des
difficultés tarde à venir ‘.
Une timide espérance voit le jour au premier semestre 2003, avec un nombre de création qui progresse toutefois de 7,3 % par rapport à la même période de 2002. Toutes ces sociétés ne sont pas liées à l’informatique et aux
télécoms, où l’augmentation est la plus élevée dans les services informatiques.Mais avec 3 030 nouvelles structures au premier semestre 2003, ce secteur pèse plus des deux tiers du total contre les trois quarts en fin d’année 2000. Une petite reprise est aussi notable dans les services de
télécommunications, alors que la baisse se poursuit dans l’industrie des TIC (-19 % par rapport au premier semestre 2002).

À la recherche du bon système D

Malgré les simplifications et les aides administratives, créer son entreprise dans le domaine de l’informatique reste un exercice difficile. ‘ Plus difficile sans doute que pendant la vague
internet ‘,
compare Benoît Corbin pour qui, il faut convaincre et penser à une multitude de choses. ‘ Nous avons eu beaucoup de mal à trouver un commissaire aux comptes qui accepte notre dossier, et
davantage encore pour trouver un assureur qui veuille bien couvrir notre responsabilité civile. Ces deux professions sont traumatisées dès que nous expliquons que notre entreprise est dans les technologies ‘.
Grégoire Buisson, lui, est impressionné par le temps passé sur les tâches administratives. ‘ Cela m’occupe pratiquement deux jours par semaine. Or, quand on crée une activité, la ressource la plus rare est le
temps ‘.
Il note toutefois des gains avec le Centre de formalités des entreprises ou par l’utilisation des téléservices, comme ceux de Net Entreprises pour les déclarations sociales sur internet ou de téléTVA pour les taxes.Enfin, pour ce patron d’une entreprise franco-anglaise, ‘ l’acte de création est plus simple au Royaume Uni, mais les formalités juridiques et surtout fiscales sont beaucoup plus lourdes qu’en
France ‘.
Didier Bouniol affirme enfin n’avoir pas trop souffert pour sa part : ‘ Certes, la création d’entreprise est une tâche lourde qui prend du temps, mais c’est une étape importante qu’il
convient de bien remplir. ‘
La recherche d’investisseurs ? Comme les autres, Weelog s’en passe. ‘ Nous désirons rester indépendants d’autant que nous générons déjà des revenus suffisants à faire vivre la
structure ‘.
Pour faire des économies, Didier Bouniol a développé le système D, il fait un arbitrage permanent entre revenus, temps passé et rentabilité. ‘ Nous faisons très attention aux
dépenses : nous ne prenons le train que pour signer une vente, et nous ne téléphonons que sur des téléphones fixes. ‘
Une gestion en bon père de famille que pratique également Benoît Corbin, plus libre en détenant 100 % de son capital : ‘ Du reste c’est ainsi que se sont créées les sociétés depuis des
siècles. ‘
Après la folie internet, c’est un complet retour à la normale. Comme pour Didier Bouniol et Grégoire Buisson, leur objectif est désormais très clair : développer la notoriété, la communication et le
commercial, se faire remarquer. Ils y consacrent l’essentiel de leur temps, et leurs recrutements actuels se font sur ces critères. En opposition complète avec la principale préoccupation de leurs prédécesseurs lors de la bulle internet :
trouver des financements avant tout.

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Hubert d'Erceville