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Le CDN, socle de la QoS des contenus web

Les sites web grand public, grandes entreprises multinationales et organismes gouvernementaux se lancent dans l’ingénierie des CDN. Et cela, afin d’accélérer la diffusion de leurs contenus web, mais aussi de réduire leur coût d’infrastructure, de supporter les pics d’audience et de rendre leurs contenus web plus tolérants aux pannes.

Le concept de réseaux CDN (Content delivery network) répond à un problème concret : à cause de ses limitations intrinsèques, internet ne facilite en rien la distribution de contenus multimédias volumineux, comme le Streaming audio ou video, qui nécessitent une importante bande passante et un bon niveau de qualité de service (QoS). Le défi qui se pose aux producteurs de contenu n’est donc pas tant d’apprendre à adapter leurs contenus au protocole HTML que d’utiliser l’infrastructure internet existante au mieux de ses capacités.Faire sauter les limites du net n’est pas aussi simple qu’il y paraît, car les goulets d’étranglement sont de plusieurs natures. On peut, bien sûr, mettre en cause les réseaux terminaux qui autorisent l’accès à la Toile (les fameux “premiers et derniers kilomètres”). Mais les points d’interconnexion entre réseaux constitutifs d’internet sont aussi des maillons faibles. Plutôt que de “toile”, il conviendrait mieux, d’ailleurs, de parler du “patchwork” internet. Si l’on s’en tient aux décomptes réalisés par le site thelist.com, il existe une dizaine de milliers d’ISP dans le monde. Tous les réseaux régionaux sont interconnectés au niveau de n?”uds d’interconnexion. Des n?”uds notoirement sous-dimensionnés. Les causes sont, en grande partie, économiques, les opérateurs n’ayant pas forcément intérêt à développer des infrastructures hauts débits véhiculant un trafic qui leur échappe. Comme, statistiquement, un contenu diffusé par un serveur vers un client donné doit emprunter plusieurs points d’interconnexion, les temps de latence et les risques de perte de paquets IP n’en sont qu’augmentés.Comment réduire ces temps de latence ? Voilà l’une des questions que cherche à résoudre l’ingénierie des réseaux CDN. Il s’agit de mettre en place des solutions techniques permettant de maîtriser les processus de diffusion des contenus pour garantir une bonne QoS des données et de meilleurs temps de réponse, voire de rendre la plate-forme web plus tolérante aux pannes.Si l’on s’en tient à une définition proposée par le cabinet Frost & Sullivan, le réseau CDN doit être vu comme “une solution complète de distribution et de livraison de contenu web au plus près de l’utilisateur”. Techniquement, une solution CDN va s’apparenter à un assemblage de serveurs de cache distribués et hiérarchisés, installés en surcouche de l’infrastructure internet.Quelles qu’en soient les variantes d’implémentation, un CDN devra endosser trois grandes missions : la réplication des contenus des serveurs web originels et la distribution de ces réplications sur les serveurs de cache ; la mise à jour de ces réplications ; et, enfin, la résolution d’adresses DNS (Domain name system) et la redirection des requêtes utilisateurs vers le serveur de cache optimal – tout en améliorant les performances de la diffusion des contenus. Il conviendra d’exploiter ce réseau de cache distribué à l’aide de fonctionnalités logicielles avancées rendant possible, par exemple, le paramétrage des stratégies de diffusion et de mises à jour des éléments constitutifs des pages web.

Le concept de serveur de périphérie

Cette idée de stocker dans des serveurs de cache les contenus au plus près de l’utilisateur du web a conduit au concept de “serveur de périphérie” et à l’émergence d’une nouvelle catégorie de services réseaux. En effet, le CDN reste, aujourd’hui, pour l’essentiel, une question de service auquel va souscrire l’entreprise ou l’organisation qui souhaite optimiser la distribution de ses contenus. Il n’est pas question pour cette dernière d’installer elle-même sa propre infrastructure CDN par-dessus l’internet public… La façon dont la redirection et la diffusion sont organisées à travers le Net ne regarde, en grande partie, que l’opérateur spécialisé, l’ISP, voire, parfois, l’opérateur de réseaux privés ou l’intégrateur de réseaux. Cet internet “aromatisé” au CDN n’est perçu par les usagers, qu’ils soient producteurs ou consommateurs de contenus, que par sa périphérie.La notion de serveurs de périphérie a été introduite et popularisée par la société américaine Akamai, premier grand acteur à s’être intéressé à la problématique de l’optimisation de l’usage du Net public, et leader du marché des services CDN. La force d’Akamai est d’avoir rapidement mis en ?”uvre, dès 1998, un réseau mondial, composé aujourd’hui d’environ treize mille serveurs de périphérie. Ces serveurs sont implantés au niveau de points névralgiques d’internet, chez les ISP (en France, Akamai est présent chez Oléane ou Wanadoo), aux points d’interconnexion entre les réseaux ISP et la dorsale internet, sur les réseaux privés (tel le réseau de la recherche Renater), mais aussi auprès des diffuseurs, puisque la société propose désormais ses services à tout site web – public, commercial ou gouvernemental – grand public ou B to B.Akamai n’est certes pas le seul acteur de cette ingénierie. Quelques vieux routards du CDN, comme Mirror Image ou Digital Island (racheté par Cable & Wireless, qui l’a intégré à sa filiale Exodus), et de jeunes pousses, comme Speedera et Activia Networks, sont aussi présents. Certains se sont même orientés vers des modèles économiques différents du leader. Ainsi Speedera a-t-il bâti un réseau de plusieurs centaines de serveurs CDN installés auprès de points de peering internet (points d’accès direct entre serveurs). Quant à Activia, start-up française issue de l’Inria, elle a préféré jeter son dévolu sur la mise au point de boîtiers de redirection et de redistribution destinés aux opérateurs ou intégrateurs de réseaux souhaitant développer leur propre infrastructure CDN, et de solutions CDN sur mesure. Le caching de données n’étant pas son métier, Activia a été logiquement conduit à collaborer avec des fournisseurs de serveurs de cache comme Network Appliance pour élaborer des solutions CDN prêtes à l’intégration, combinant les serveurs de cache NetCache avec ses appliances de redirection CDN. La start-up a récemment été retenue par Equant (groupe France Télécom), qui utilisera ses solutions de diffusion de contenus, de redirection des requêtes et de gestion des réseaux CDN.Dans cette même logique de partenariat entre fournisseurs, on trouve aussi F5 Networks, qui a bâti son offre de distribution de contenus sur la base du logiciel de caching Traffic Server, d’origine Inktomi, et de sa propre solution de management de distribution de contenus, SEE-IT Network Manager. Notons que sur ce terrain, Akamai n’est pas en reste, puisque la société achève de développer une offre adaptée à l’entreprise : elle consiste à installer des serveurs de périphérie derrière le pare-feu d’une entreprise, de façon à délivrer en environnement intranet les mêmes services que son offre EdgeSuite sur internet.Pour quels besoins et dans quels corps de métier doit-on s’intéresser aux CDN ? On a tendance à ramener la problématique de la distribution de contenus à celle de la diffusion du Streaming audio ou video. Il est vrai que le Streaming a servi de révélateur aux limitations du net.

Banalisation des contenus audio et vidéo

Il faut savoir que la publication de contenus audio et vidéo (notamment aux formats QuickTime, Windows Media et RealMedia) est en voie de banalisation, ne serait-ce que parce qu’elle procède de la complexité croissante des contenus multimédias délivrés par les sites web et parce que ces derniers répondent à des fonctions de communication, d’e-commerce ou de loisirs. Citons, à titre d’exemple, le site de diffusion radio tv-radio.com, qui fait appel aux services CDN d’Akamai et de Speedera. Néanmoins, d’autres types de contenus peuvent tirer parti des services CDN. Ainsi, les médias en ligne ont été parmi les premiers à venir au CDN.Qu’on ne s’étonne pas, à la consultation d’un article publié sur cnn.com, de constater que ce site semble renvoyer des objets aux URL un peu particulières, tel http://a1209.g.akamai.net/7/1209/… CNN fait, en effet, appel aux services Akamai pour accélérer la diffusion de ses flux vidéo et de la plupart de ses contenus textuels et graphiques.

Faire face aux pics d’audience

La venue des médias au CDN en ligne s’explique, notamment, par le besoin de faire face à des pics d’audience difficiles à prévoir. Le CDN évite de devoir surdimensionner inconsidérément les infrastructures et les serveurs web de diffusion. La gestion du site web de l’émission télévisée “Loft Story” en est un bon exemple. Dans sa première édition, “Loft Story” avait demandé de mettre en ?”uvre un site basé sur une grappe de quarante serveurs. À l’époque, l’emploi de services CDN n’avait pas été systématisé, et le site n’avait pu servir que 50 % de l’audience. Cette année, “Loft Story” version 2 a davantage sollicité les services Akamai, ce qui a permis de satisfaire l’intégralité de l’audience, avec une plate-forme internet constituée de trois serveurs.Autre argument en faveur du CDN : l’amélioration de la vitesse de chargement des pages HTML. Pour accélérer le chargement des pages de son site public, la Cité des sciences et de l’industrie de la Villette a aussi fait appel à Akamai. Engagé, depuis deux ans, dans une refonte de son site, avec enrichissement des contenus et mise en ligne de vidéos et de manipulations interactives en Java, le musée a utilisé l’offre EdgeSuite. Ce choix a divisé par quatre le temps de chargement des pages web lourdes.Peuvent aussi tirer parti du CDN les applications large bande du monde de la recherche et de la médecine, tel le réseau Renater, de même que les applications de communication nécessitant un bon niveau de disponibilité. Ainsi, un serveur web producteur de données tomberait-il en panne que son contenu statique (du moins les pages et les objets qui auraient été adaptés) resterait disponible sur les serveurs de périphérie du prestataire CDN.Accélération des temps de chargement, allégement des infrastructures, économie de bande passante et disponibilité : de tels arguments peuvent intéresser nombre de grandes institutions, entreprises commerciales et très grandes entreprises. Les préoccupations métiers susceptibles de les pousser au CDN ne sont certes pas de même nature. Des entreprises comme Yahoo, Darty ou Carrefour sont venues ou viennent à Akamai pour améliorer leur capacité d’interaction avec leur clientèle. Quant aux sites administratifs ou gouvernementaux tels que ceux du ministère de l’Intérieur, les services CDN leur apportent plus de réactivité dans leur communication avec les usagers, ainsi qu’une plus grande disponibilité des contenus.En ce qui concerne les sociétés multinationales, le passage au CDN leur permet non seulement de “huiler” leur infrastructure de messagerie ou d’e-learning, mais aussi de repenser leur stratégie de déploiement applicatif. Des groupes, tels que Danone, L’Oréal ou Peugeot, s’intéressent ainsi à l’ingénierie CDN, notamment avec l’idée que des sites décentralisés puissent accéder facilement à des applications développées et servies de façon centralisée. De ce point de vue, le CDN devient l’un des éléments architecturaux du développement distribué. C’est la raison pour laquelle les acteurs du CDN tentent actuellement d’adapter leurs services d’accélération à Java et.NET. Le but visé ? Offrir aux développeurs web les moyens de déporter sur les serveurs de périphérie certains calculs et traitements, de façon à décongestionner les serveurs d’applications web centraux. Il y a là un défi, pour le moins ambitieux, à relever, ne serait-ce que parce qu’une telle décentralisation demande de résoudre des problèmes de synchronisation des états applicatifs d’un serveur de périphérie à un autre.

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Thierry Jacquot