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L’avenir du jeu vidéo français se joue à Bruxelles

La mise en place d’un crédit d’impôt pour les studios français, avalisée par le gouvernement français, reste suspendue à une décision de la Commission européenne. Pour les éditeurs, le temps presse.

‘ L’industrie française du jeu vidéo est en danger si rien n’est fait pour soutenir et accompagner son développement. ‘
Le discours n’est pas nouveau. Mais il a été répété avec force, lundi 11 septembre, par les professionnels français du secteur, à l’occasion d’un colloque à l’Assemblée
nationale, en présence du ministre de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres.‘ L’enjeu est simple, rappelle Jean-Claude Larue, délégué général du Sell (Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs), produire un jeu au Canada coûte aujourd’hui 40 % moins cher
qu’en France. Dans ces conditions, nous ne réclamons pas un statut de privilégié mais une simple égalité de traitement. ‘
L’industrie française du jeu vidéo demande depuis de longs mois la mise en place d’un crédit d’impôt à
la production.Le système est le suivant : une partie des sommes investies dans la production est déduite de l’impôt dû par les sociétés et reportée sur les exercices suivants, ce qui permet de lisser les besoins de trésorerie. Un tel mécanisme
aurait pour effet de donner une bouffée d’air aux studios français, obligés d’investir fortement, surtout avec l’arrivée des consoles de jeux de nouvelle génération (PS3, Wii…).Le gouvernement français a donné son accord pour une telle mesure en octobre 2005, mais la décision est suspendue au bon vouloir de Bruxelles. Et les autorités européennes n’hésitent pas à prendre le temps de la réflexion. Après
avoir été saisie en décembre 2005, la direction générale de la concurrence de la Commission européenne a posé de nouvelles questions cet été et pourrait bien demander l’ouverture d’une enquête formelle. Conséquence : toute décision risque
d’être repoussée à la fin de l’année 2008.

Les sollicitations de la France irritent

Le peu d’empressement de Bruxelles s’explique par plusieurs facteurs. La France a déjà obtenu de l’Union européenne des conditions particulières de soutien à son industrie cinématographique et, plus récemment, la mise en place d’un
crédit d’impôt pour soutenir sa production musicale. ‘ Par ailleurs, souligne Benoît Clerc, directeur Software de l’éditeur Big Ben Interactive, au niveau européen, les sollicitations
françaises provoquent parfois l’irritation de certains pays entrants et nouveaux venus dans la production de jeux vidéo, comme la Pologne, qui y voient une concurrence déloyale. ‘
Pour le Sell, il y a urgence. Certaines sociétés historiques, comme Infogrames, montrent des signes inquiétants (voir encadré).
‘ C’est tout le paradoxe de notre industrie, souligne
Jean-Claude Larue, le marché est florissant (1) mais, à l’autre bout de la chaîne, les studios de création sont au bord de l’asphyxie. ‘
Le syndicat professionnel continue de se référer à l’exemple canadien. Il y a plusieurs années, ce pays et sa province du Québec ont décidé d’attirer sur leur territoire les principaux acteurs du loisir interactif. Une politique
volontariste qui s’est traduite par des facilités d’implantation, le développement de formations universitaires adaptées et, là encore, des crédits d’impôt.‘ On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre ‘, commente Jean-Claude Larue. Résultat : plus de 15 000 créations d’emplois directes ou indirectes et un solde fiscal
globalement positif, affirme le Sell. Certains éditeurs français, comme Ubisoft, ont profité de ces conditions exceptionnelles pour déplacer une grande partie de leurs effectifs de l’autre côté de l’Atlantique.En France, le secteur n’est soutenu, pour le moment, que par des aides publiques traditionnelles telles que le FAEM (Fonds d’aide à l’édition multimédia) qui dépend du Centre nationale de la cinématographie, et des aides régionales.


(1) Selon une récente étude réalisée par Médiamétrie, 12,8 millions de Français achètent et consomment des jeux vidéo.

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Philippe Crouzillacq