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L’approche modulaire a supplanté le framework universel

Sans doute trop grande, l’ambition initiale du framework était de répondre à tous les besoins d’administration. Aujourd’hui, le marché se contente de collections d’outils plus ou moins homogènes et intégrés.

Au début, l’idée était belle. Il s’agissait d’offrir une infrastructure d’administration couvrant l’ensemble des fonctions nécessaires et se plaquant sur toutes les ressources du système d’information. Cette homogénéité devait être obtenue par des services communs tels qu’une interface graphique unifiée, un référentiel centralisé, un moteur de corrélation, des services de communication ou un kit de développement destiné aux fournisseurs d’outils tiers. Ces derniers risquaient toutefois de ternir la beauté du tableau. C’est pourquoi les éditeurs de frameworks se proposaient de couvrir toute la panoplie des fonctions d’administration.

Des espoirs les plus fous aux échecs les plus forts

Aujourd’hui, même s’il en reste encore quelque chose, le rêve est passé. Et, il ne s’agit pas seulement du procès du framework proprement dit, mais plus généralement, de l’approche globale qu’il représente encore, sous des habits, certes, moins contraignants.
Durant quelques années, le déploiement complet d’un framework a cependant représenté un véritable Graal. Précisément jusqu’en 1997, lorsque le GartnerGroup a publié un rapport révélant que deux tiers des tentatives de mise en ?”uvre se soldaient par des échecs. Selon ce cabinet, les entreprises auraient placé trop d’espoirs dans ces infrastructures. Elles pensaient qu’elles allaient résoudre tous les problèmes et imaginaient qu’elles pouvaient se plaquer sur l’organisation et les processus existants, offrant ainsi l’économie de leur remise en cause. Pour leur part, les fournisseurs n’auraient pas démenti ces espoirs fous, présentant toujours leurs offres comme la panacée.

Cibler certains buts et domaines, et y adapter les outils

Les raisons techniques des échecs se résument à de lourdes phases de déploiement et de personnalisation. Une analyse que confirme Alain Roche, directeur marketing OpenView chez HP : ‘ Sur le papier, un framework constitue la solution idéale, mais ses fonctions sont si interdépendantes qu’il faut toutes les déployer, ce qui enfonce le projet dans un tunnel. ‘

Le GartnerGroup conseille aujourd’hui de se concentrer sur des buts et des domaines précis, et de choisir les outils en conséquence. Dans le même temps, le choix d’une collection d’outils disparates a été poussé par la prolifération de nouvelles fonctionnalités et de dispositifs dédiés à l’administration. Tel a été le cas dans le domaine de la sécurité, avec les coupe-feu, la détection d’intrusions, les annuaires, la lutte contre les virus ou les infrastructures à clés publiques. Le même phénomène s’est reproduit dans celui de la gestion de la qualité de service. De plus, de nouvelles ressources ont nécessité une gestion – PGI, middlewares, systèmes et réseaux de stockage ou serveurs Web.

Une multitude d’outils mal intégrés

Confrontés à ces évolutions, les éditeurs de frameworks se montrent rarement aussi réactifs que les nouveaux venus. Puis, ils tentent de combler leur retard par des rachats successifs. Computer Associates a ainsi hérité des offres de Platinum, de Cheyenne, d’Interlink ou de Sterling Software. Tivoli vient d’absorber l’offre sécurité d’IBM et a acquis Dascom, un spécialiste de l’authentification. Thierry Jardin, responsable avant-vente administration et sécurité de BullSoft, critique cette stratégie : ‘ La mauvaise image des frameworks vient surtout de ces nombreux outils que Computer Associates ou Tivoli ont accumulés sans les intégrer correctement. ‘

Face à l’attaque en règle des frameworks, les fournisseurs ont adopté des politiques différentes. Quelque peu évincé du marché, BullSoft a reporté ses efforts sur l’administration de la sécurité, avec sa suite Access Master. Son framework Open Master subsiste, mais seules certaines fonctionnalités sont encore développées.
Avec OpenView, HP a longtemps été classé dans les fournisseurs de frameworks. Aujourd’hui, il veut qualifier d’antiframework une offre présentée comme une suite d’une douzaine d’outils indépendants. Pourtant, restant fidèle à une des ambitions du framework, HP prétend encore couvrir la majeure partie des fonctionnalités.

Framework ou pas framework ? Telle est la question

Si un framework doit sous-tendre un référentiel unique et des services communs, OpenView n’en est pas un. Mais, s’il agit d’un ensemble complet d’outils possédant des interfaces graphiques homogènes et bénéficiant d’interfaces point à point, alors Openview en est un ‘, précise encore Alain Roche. Comme HP, nombre d’éditeurs évitent le terme que le GartnerGroup a frappé d’infamie. L’exemple de BMC Sofware est, à cet égard, frappant. Son offre Patrol 2000, en cours de lancement, est une synthèse de trois produits. L’ancien Patrol (administration de systèmes et d’applications) et l’outil Best One Performance (analyse et optimisation des performances) sont ainsi coiffés par la console Command/Post (héritée du rachat de Boole & Babbage). Tous trois communiquent via un agent unique, déployé sur des ressources variées. Un framework qui cache son nom ? ‘ Pas du tout ! Nous nous limitons à la surveillance des ressources et à l’identification de la source des problèmes, dont la résolution passe par des outils distincts, fournis par nous ou par d’autres ‘, répond Gilles Rigal, directeur général de BMC Software France.
L’Hacène Belkhodja, directeur produits chez CA France, est même agacé lorsqu’on parle de frameworks : ‘ Nos clients veulent seulement des outils qui se partagent des données et possèdent une interface graphique commune, ainsi qu’une console centrale et une ouverture vers des outils tiers. ‘ Même si TNG peine en réalité à y répondre, n’est-ce pas là une bonne définition d’un framework ?

Computer Associates et Tivoli persistent et signent

Car, dans les faits, Computer Associates persiste, tout en cherchant à échapper à l’image vaporeuse du framework. ‘ Nous conservons l’ambition de fournir une infrastructure d’administration universelle. Pour cela, au lieu de se placer au-dessus de la mêlée, il faut, très concrètement, développer les outils eux-mêmes ‘, affirme L’Hacène Belkhodja. Un objectif qui a désormais ses limites : ‘ Nous répondons à 60 ou à 70 % des besoins, les autres, qui concernent surtout la gestion des ressources spécialisées, étant couverts par des outils tiers que nous intégrons. ‘ Tivoli ne ménage pas non plus ses efforts pour tendre vers l’exhaustivité, avec une volonté inchangée d’intégration maximale. ‘ La console unique et la corrélation de tous types d’événements restent nécessaires, de même que le partage de données via un référentiel ‘, maintient Etienne Lévêque, responsable produit Europe de l’Ouest, chez Tivoli. Si l’ambition universelle de Computer Associates ou de Tivoli subsiste, leur attitude a quand même évolué. Par conséquent, TNG, initialement monolithique, peut aujourd’hui être acheté et déployé par morceaux.

Les entreprises changent leur fusil d’épaule

De plus, les deux éditeurs proposent désormais des versions allégées de leurs plates-formes, en principe plus simples à mettre en ?”uvre. Quant aux entreprises, elles ont adopté une approche beaucoup plus pragmatique. Au mieux, elles voient maintenant le framework comme une collection d’outils, dont l’homogénéité et l’intégration, jugées relatives, séduisent moins que la notion d’interlocuteur unique, synonyme de support technique centralisé et de conditions financières avantageuses.

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Thierry Lévy-Abégnoli