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L’administration électronique, à quel prix ?

Le coût du passage aux NTIC reste flou, les évaluations sont partielles ou datées. Une certitude : ce sera cher.

Devenu le chantier numéro 1 de la réforme de l’État pour le gouvernement Jospin, l’administration électronique n’a pas encore fait l’objet d’un débat public sur son mode de financement. Deux candidats à la présidentielle ont cependant récemment évoqué la nécessaire structuration de la dépense publique en matière de nouvelles technologies.Proche du candidat Lionel Jospin, la Fondation Jean-Jaurès plaide pour la création d’un ministère de l’Administration électronique, “qui aurait autorité sur l’ensemble des projets de “guichets électroniques” des services publics”, avec le contrôle “d’une proportion appréciable du budget de l’État en matière de système d’information”.De son côté, le pourtant très libéral Alain Madelin rappelle l’urgence d’un effort massif pour la formation des fonctionnaires, sans lesquels les dépenses en équipement informatique ne pourront pas se traduire par des gains de productivité. Contrôle budgétaire et retour sur investissement : l’heure des comptes aurait-elle sonné pour l’e-administration ?

Des fonds redéployés

La question est délicate, dans la mesure où, à ce jour, l’administration électronique ne bénéficie d’aucune ligne budgétaire spécifique. Au ministère de l’Économie et des Finances, on explique, en effet, que les investissements en la matière ont été débloqués par redéploiement des budgets informatiques des différentes administrations.Hormis dans le cas de programmes exceptionnels, comme à Bercy le projet Copernic (80 millions d’euros sur deux ans pour l’interopérabilité des directions du Trésor et de la comptabilité publique), ou Helios (39 millions d’euros sur deux ans pour le contrôle de gestion des collectivités locales).Seul chiffre officiel : le ministre de la Fonction publique, Michel Sapin, a annoncé en décembre 2001 quelque 4 milliards d’euros d’investissement sur cinq ans ?” soit 800 millions d’euros par an ?” recouvrant les dépenses informatiques des ministères (dont 91,4 millions d’euros pour la formation et 121,9 millions d’euros pour les réseaux). L’estimation ne tenait cependant compte ni des ressources humaines (15 000 fonctionnaires seraient impliqués dans le développement informatique au niveau de l’État), ni de l’administration de l’Éducation nationale. Faisant ?”uvre de transparence pour son ministère, Jack Lang a annoncé le 26 mars dernier une dépense annuelle en informatique de 56 millions d’euros (hors les salaires des 3 000 personnes).Pour être exhaustif, ce rapide tour de table de l’e-administration doit être complété par les dépenses informatiques de la Sécurité sociale, organisme public, ainsi que par celles des administrations territoriales. Une récente étude du cabinet Mazars estime que les conseils généraux et les grandes villes de plus de 60 000 habitants ont un budget informatique annuel en forte croissance, compris entre 1,2 et 1,9 million d’euros (hors dépenses de formation et de personnel). Pour Philippe Parmentier, directeur du cabinet EVS Conseil, le passage à une architecture ouverte pour les conseils généraux peut correspondre à un budget de 6 à 7,6 millions d’euros sur quatre ou cinq ans.Tout compte fait (mais un audit exhaustif est-il vraiment possible ?), les 10 milliards d’euros par an avancés par le député du Tarn, le socialiste Thierry Carcenac, dans son rapport sur l’administration électronique, peuvent être considérés comme une mesure raisonnable de l’investissement public mobilisé en la matière.Face à ces sommes colossales, les budgets spécifiques des structures de pilotage de l’administration électronique (la Datar, la Direction interministérielle pour la réforme de l’État, ou encore l’Agence pour les technologies de l’information dans l’administration) représentent une goutte d’eau : moins de 1 % des dépenses informatiques de l’État.

Le moment de réformer

Aujourd’hui, Thierry Carcenac plaide pour la définition d’un budget propre à l’e-administration, distingué des lignes de dépenses informatiques. “Avec la généralisation des téléprocédures, on arrive à une phase de réforme de plus en plus dure à mettre en ?”uvre, car elle touche à une réorganisation en profondeur des services de l’État. En France, ce passage ultime ne pourra être opéré que s’il y a des lignes budgétaires spécifiques sur lesquelles s’appuiera la volonté politique”, explique-t-il. Et d’ajouter : “Dans les cinq prochaines années, la moitié des fonctionnaires partiront à la retraite. C’est une opportunité à saisir pour réformer.”Le prix de cette administration électronique ? Les experts de l’actuel gouvernement l’évalueraient à environ 10 % de la dépense informatique de l’État.

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Sébastien Fumaroli