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La société de l’information frappe à la porte des Nations Unies

Le second volet du SMSI (Sommet mondial sur la société de l’information) se tiendra du 16 au 18 novembre 2005, à Tunis, autour de deux objectifs centraux : la réduction de l’écart technologique entre les pays développés et les
pays émergents, et la gouvernance de l’Internet. Cependant, après plusieurs années de prénégociations, des divergences profondes persistent entre les pays participants. Et le SMSI pourrait bien se transformer en un retentissant fiasco diplomatique.

‘ L’ONU souhaite garantir une portée mondiale à l’Internet. Tout ce que veut l’ONU, c’est promouvoir le dialogue et un consensus entre les parties pour que tous les peuples puissent un jour bénéficier des
avantages de l’Internet ‘,
a récemment déclaré Kofi Annan, le secrétaire général des Nations Unies, à propos du
SMSI (Sommet mondial sur la société de l’Information), qui se tiendra du 16 au 18 novembre prochains à Tunis.Le SMSI s’inscrit dans la lignée des conférences extraordinaires de l’ONU, à l’instar de celles qui se sont déjà tenues sur le racisme, l’alimentation ou le développement durable. Le sommet est organisé par l’agence onusienne
spécialisée dans les télécoms,
l’UIT (Union internationale des télécommunications).Chefs d’Etat, dirigeants politiques, patrons de grandes entreprises, responsables de la société civile… Près de 10 000 participants vont se retrouver pendant trois jours à Tunis avec un objectif commun : donner aux
pays les plus défavorisés les moyens d’accéder aux technologies de l’information et de la communication (TIC). L’enjeu est d’améliorer la vie de millions d’êtres humains en favorisant le développement du commerce, de la médecine, de
l’éducation…En 2003, la première phase du SMSI, organisée à Genève, avait déjà permis d’établir un plan d’action avec des objectifs à l’horizon 2015 : connecter des villages, des points d’accès communautaires, des établissements scolaires,
etc. Lors du Sommet de Tunis, les gouvernements vont tenter de donner un nouvel élan à ces efforts, pour réduire la ‘ fracture numérique ‘ et assurer un meilleur partage de la gouvernance d’Internet, avec en filigrane la
question de la liberté d’expression.

Comment réduire la fracture numérique ?

Au sujet de l’écart technologique existant essentiellement entre les pays du Nord et ceux du Sud, chacun pressent l’urgence du problème. Selon l’UIT, 942 millions d’individus vivant dans les pays développés auraient ainsi
cinq fois plus accès au téléphone portable, neuf fois plus accès à Internet et disposeraient de treize fois plus d’ordinateurs que les populations des pays émergents ayant un revenu bas ou moyen.Pour tenter de surmonter ces difficultés, de multiples projets sont à l’?”uvre. Certaines initiatives sont plus emblématiques que d’autres. Ainsi, le MIT (Massachusetts Institute of Technology) et son directeur,
Nicholas Negroponte, prévoient-ils de lancer officiellement, à l’occasion du SMSI, le projet d’un ordinateur portable à 100 dollars pour les populations en difficulté.De même, en 2003, des villes telles que Lyon, Turin ou Genève avaient présidé à la création du
Fonds de solidarité numérique (FSN). Cette démarche a depuis été intégrée dans la dynamique portée par le SMSI, mais uniquement avec un statut de complément facultatif. Basé sur le
volontariat, le FSN prévoit entre autres choses que 1 % du montant des contrats obtenus par les groupes informatiques auprès des collectivités ou Etats participants au projet soit reversé au FSN pour aider à réduire la fracture
numérique.

Qui doit gouverner Internet ?

Autre volet sensible, la question de la gouvernance d’Internet, un concept dont le contenu diffère selon que l’on se trouve sur l’une ou l’autre rive de l’Atlantique. Quand les Etats-Unis entendent ‘ gestion technique du
réseau ‘, les Européens y ajoutent des notions telles que le cybercrime, la protection des mineurs ou le respect de la propriété intellectuelle.Aujourd’hui et pour des raisons historiques, ce sont les Etats-Unis qui, par l’intermédiaire de
l’Icann
(Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), ont la mainmise sur la gestion technique de l’Internet. Cet organisme, placé sous la houlette du
ministère du Commerce américain, contrôle à la fois l’attribution des noms de domaine mais aussi les ‘ serveurs DNS racines ‘ du réseau qui gèrent à l’échelle mondiale l’identification des adresses Internet. Cette
suprématie de fait est remise en cause par des pays tels que la Chine, l’Inde ou l’Iran, mais aussi par l’Union européenne.Bruxelles a ainsi récemment proposé, autour de l’idée d’un ‘ nouveau modèle de coopération ‘, une approche multilatérale de la gouvernance d’Internet où la régulation du réseau mondial
pourrait être confiée à un organisme relevant des Nations Unies, comme l’UIT.Mais, sur ce point, les Etats-Unis se montrent inflexibles. Pour David Gross, ambassadeur américain chargé des négociations au SMSI, les Etats-Unis souhaitent que le réseau soit ‘ libre, fiable et
stable ‘.
Or aujourd’hui, ‘ nous n’avons vu aucune proposition alternative garantissant fiabilité et stabilité. Beaucoup proposent de créer de nouvelles organisations, mais cela ne ferait que créer des
incertitudes (…). Si Internet est un tel succès, c’est par sa capacité à évoluer sans la supervision des gouvernements ‘,
déclarait récemment David Gross au quotidien Libération.Cependant, sur un aspect au moins, les Etats-Unis se montrent ouverts à la négociation : celui des extensions de noms de domaine nationaux (du type ‘ .de ‘ ou ‘ .fr ‘).
‘ Nous sommes prêts à engager des discussions avec les autres pays sur la manière dont les noms de domaines de pays sont gérés ‘, a précisé l’ambassadeur américain.Par ailleurs, les Etats-Unis sont également intéressés par la création d’un forum ‘ où l’on discuterait des grands sujets concernant le réseau tels que la cybercriminalité, le spam ou les
virus ‘.
Une structure qui, dans l’esprit de Washington, accueillerait les gouvernements, mais aussi et peut-être surtout les entreprises, la société civile ou les enseignants. Un lieu de réflexion, qui pourrait bien
poursuivre au-delà du 18 novembre prochain les travaux initiés à Genève en 2003 et à Tunis en 2005 par le SMSI.

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Philippe Crouzillacq