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La révolution internet n’a pas (encore) eu lieu

Le web est encore à l’âge de pierre. Il repose sur trois ”
papys
” qui ont fait leur temps : le PC, le vieux réseau téléphonique commuté, et un ” protocole
” trop basique. Dans trois ans, tout aura changé !

Il n’y a pas que Jésus qui redescende sur terre à chaque Noël. Tous les Parisiens d’adoption, accrochés à leurs racines, profitent des fêtes de fin d’année pour retourner en région (terme officiel depuis que le mot ” province ” est out).Cette année, tous sont revenus de la France profonde effondrés (ou rassurés, c’est selon) par ce constat : des millions de Français n’ont jamais utilisé l’internet. Et, curieusement, ne s’en portent pas plus mal.Quand l’écrivain Érik Orsenna rejoint une start-up en clamant haut et fort : ” En 1789, pouvait-on regarder passer la Révolution sans en être ? “, ils lui répondent en ch?”ur : ” Oui, bien sûr ! “Pour eux, le web n’est pas (encore) une révolution. Pourtant, c’est bien une innovation de rupture, comme l’imprimerie, la machine à vapeur ou l’électricité : elle se diffuse dans tous les secteurs et y change la donne.Si le mouvement est irréversible, la transformation n’est pas aussi rapide que prévu, d’où le coup de froid d’aujourd’hui sur les marchés financiers et les airs triomphants de ceux qui n’ont jamais cru à cette révolution. La vraie question est donc : combien de temps mettra-t-elle à se diffuser ?Les historiens pensent qu’elle prendra vingt ans.Il existe deux sortes de découvertes technologiques : celles qui satisfont un besoin précis (le réfrigérateur, le téléphone mobile) et celles qui touchent tous les types de production (l’électricité, le moteur à explosion). L’internet fait partie de la seconde catégorie.Or celle-ci impose, contrairement à la première, d’incorporer la nouvelle technologie dans les processus de production de l’ensemble des biens, autrement dit de renouveler le capital productif dans tous les secteurs de l’économie. Un processus forcément lent et coûteux.Il n’a fallu que cinq ans pour que le téléphone mobile se démocratise en France. Il en a fallu quarante ?” de 1880 à 1920 ?” pour que le moteur électrique se généralise outre-Atlantique. Et à en croire l’économiste Patrick Artus, le Net n’est employé aujourd’hui, aux États-Unis, que dans 13 % de ses utilisations potentielles.Akio Morita, patron de Sony, avait remarqué il y a quelques années que le seuil critique, le moment clé précédant la diffusion de masse d’une innovation de rupture, se situait aux alentours de 33 % de foyers équipés. Jusqu’à 33 %, un produit ou un service nouveau est le privilège d’une élite. Au-delà, il tombe dans le domaine commun.Dans quelques pays développés, l’internet est proche de ce seuil (pas en France, où l’on n’arrive même pas à la moitié). Avant que toutes les entreprises utilisent le web comme un réseau sanguin, et les particuliers comme une télévision ou une voiture, il faudra donc du temps.Les visionnaires du web jugent que la révolution aura lieu dans deux ou trois ans. C’est-à-dire le temps que la plate-forme technologique obsolète sur laquelle s’est bâtie la nouvelle économie soit remplacée et que l’internet devienne aussi facile à utiliser qu’une mobylette. On en est loin aujourd’hui : quiconque a voulu initier sa grand-mère de Nîmes ou de Cherbourg aux richesses de la Toile le sait bien.Pour commencer, le PC est autrement plus compliqué que le téléphone : allez expliquer à un novice que pour l’éteindre il faut d’abord cliquer sur ” démarrer ” ! Ensuite, sans l’ADSL ou le câble, même les grands-mères les plus patientes se lassent d’attendre le chargement de la troisième page du site du Vatican… La deuxième révolution internet (la vraie) surviendra lorsque trois ” papys “?” selon l’expression de Bernard Maître, le gourou du capital-risque français ?” auront cessé de faire de la résistance.Quels sont ces freins à l’explosion du web ? D’abord le PC, incroyablement désuet face aux nouveaux terminaux type assistants électroniques ou téléphones UMTS ; ensuite, le réseau téléphonique commuté, trop lent, qui attend les ” hauts débits ” ; enfin, l’architecture même du réseau, le ” protocole IP “, qui devra permettre d’intégrer le paiement direct sécurisé (type kiosque Minitel), et tous les outils d’amélioration des sites, comme les logiciels de traitement de l’image ou de filtrage de la pornographie.Le remplacement des ” papys ” est en cours. Et l’internet, après eux, sera à la Toile d’aujourd’hui ce que la 607 est à la 403.

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Christine Kerdellant