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La parité, une inconnue pour l’ingénieur informatique

Le cursus attire toujours aussi peu de candidates. Les métiers de la branche informatique souffrent d’une image obsolète.

L’informatique reste un univers masculin. Le pourcentage de jeunes filles choisissant les filières informatiques dépasse rarement 20 %… Ce constat inquiète les écoles et les universités, mais aussi les entreprises,
qui trouvent de moins en moins de postulantes à leurs offres d’emploi.Bien sûr, l’informatique pâtit de la désaffection généralisée des jeunes, et des filles en particulier, pour les sciences et les technologies. Mais là n’est pas la seule explication. En premier lieu, les métiers de cette
branche, mal connus, souffrent d’une image obsolète.Les plus jeunes voient souvent l’informaticien comme un développeur isolé, les mains toujours plongées dans le code source. Selon Isabelle Collet, chercheuse en sciences de l’éducation à l’université Paris-X, et
dont la thèse étudie ce désintérêt des filles pour l’informatique, même les personnes comptant un informaticien dans leur entourage adoptent ce stéréotype. Or ce portrait type effraie davantage les étudiantes que les étudiants.

Un milieu ou l’aspect créatif est mis de côté

A la fin des années 80, la vulgarisation de la micro-informatique a contribué à élargir la diffusion de ce mythe de l’accro à l’informatique. Un phénomène qui explique que certaines écoles d’ingénieurs situent vers
cette époque la baisse de la proportion de candidates ?” avant, elles affichaient un taux de 40 % !Second facteur majeur : la bulle Internet. ‘ Elle a ouvert la voie aux femmes à travers les agences Web, le B to B et le B to C, car elles avaient moins de complexes à aborder la technologie de cette
façon,
explique Ingrid Bianchi-Lieutaud, fondatrice du cabinet de recrutement Diversity Source Manager. Mais aujourd’hui, les projets sont redevenus plus complexes et plus rationnels, et l’on a mis de côté
l’aspect créatif. ‘
Le milieu devient de nouveau moins attrayant.Il ne faut pas pour autant conclure à une quelconque aversion des filles pour la technique. Cette erreur commune encourage l’orientation des étudiantes vers des filières d’enseignement ou de communication, voire la
tentation de les attirer avec des cours de bio-informatique.La plupart des responsables de cursus informatiques notent que celles qui se lancent dans de telles études obtiennent en général d’excellents résultats. ‘ Lorsque les filles choisissent
l’informatique, c’est par passion ‘
, précise même Pascaline Chotard, cofondatrice et directrice des systèmes d’information du site 2xmoinscher.com.Même si elles aiment la technique, les femmes n’en sont pas moins régulièrement soupçonnées d’incompétence. Frappées pour beaucoup du syndrome de l’imposture, elles ont tendance à se sous-estimer.
‘ Elles se font une image terrible des compétences techniques requises dans les métiers de l’informatique, constate Ingrid Bianchi-Lieutaud, du cabinet Diversity Source Manager. Si elles n’en
possèdent que quelques-unes parmi les multiples listées sur une petite annonce, elles n’osent pas postuler. Les hommes, eux, n’hésitent pas. Et ils ont raison ! ‘

Des conditions de travail en SSII peu attirantes

Les SSII constituent une autre barrière pour les filles. Ces entreprises offrent aux jeunes diplômés la plupart des opportunités d’emploi à la sortie de l’école. Or, comme l’a constaté une enquêtrice de
l’Education nationale dépêchée à l’Insa sur le sujet de la parité hommes-femmes, les conditions de travail dans ces sociétés rebutent les jeunes femmes : changement fréquent de poste et d’entreprise, pression forte, manque
de reconnaissance, etc.Au final, le monde de l’entreprise réunit peu d’informaticiennes. Et pour les plus jeunes, il s’avère difficile de trouver des modèles dont elles pourraient s’inspirer. A titre d’exemple, parmi les 835
DSI du Club 01 DSI, on ne recense que 48 femmes. ‘ En général, nous ne sommes pas très nombreuses, confirme Michèle Anouilh, DSI de la mairie de Bagneux. Nous le sommes un peu plus dans les communes,
mais de nouveau moins si l’on monte dans les départements et les régions. ‘
Que dire des grands comptes, où les femmes sont si peu présentes. Quelques exceptions, toutefois, avec Aline Bec au Crédit Lyonnais, Maryvonne
Crosnier à la CnamTS ou encore Marie-Noëlle Gibon à La Poste.Pour attirer davantage de candidates vers les études informatiques, les entreprises, les écoles et, surtout, les réseaux de femmes mettent en avant les parcours d’informaticiennes. A elles de communiquer sur la variété des
métiers : DSI, chef de grand projet, responsable réseau, etc. Regroupant des femmes de grandes entreprises comme IBM ou France Télécom, le cercle InterElles s’investit ainsi dès le collège et le lycée. De même que le Club technologies de
l’information, créé par des informaticiennes au sein de Professional Women Network.Le programme Women in IT, auquel toutes collaborent avec le ministère de l’Education et de la Recherche, informe les plus jeunes. ‘ Il faut leur expliquer la vie courante, concrète des
informaticiennes,
insiste Marianne Le-Huu, consultante chez IBM Global Services, investie dans cette démarche au travers du cercle InterElles. Nous leur montrons aussi que nous avons réussi nos vies familiales et
professionnelles. ‘
Dans près de 20 établissements en Ile-de-France et d’autres à Bordeaux, à Lille ou à Toulouse, ces femmes expliquent aux collégiennes et lycéennes qu’elles peuvent envisager sans crainte d’exercer un métier
dans l’informatique. De leur côté, la plupart des écoles s’attachent à mettre en valeur les carrières de leurs anciennes diplômées dans leurs brochures et leurs forums de recrutement. Certains établissement, comme l’Institut
national des télécommunications, s’investissent depuis longtemps dans la parité, au travers d’actions de sensibilisation des équipes de direction, des enseignants chercheurs et des personnels de soutien.Il semble encore trop tôt pour savoir si ces actions portent leurs fruits. Mais pour motiver les étudiantes, rappelons-leur que le modèle de tous les informaticiens, le premier développeur de tous les temps, est une femme : dès
1840, la comtesse Ada Lovelace écrivit les premiers programmes de l’histoire pour la machine théorique de Charles Babbage.Seulement 15 % d’étudiantes dans les cursus informatiques et télécoms

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Emmanuelle Delsol